Samedi, la première soirée du festival Jazz à Vienne a été fortement perturbée par des intermittents du spectacle, venus de toute la région Rhône-Alpes. João Gilberto en aura fait les frais.
Samedi 28 juin, à Vienne (Isère), première soirée du festival de jazz, placée sous le signe du Brésil. Un peu avant 20 heures, les spectateurs sont bloqués aux entrées du théâtre antique (amphithéâtre en plein air pouvant accueillir jusqu’à 9 000 personnes environ) par des intermittents du spectacle qui manifestent. Finalement, le public peut entrer au compte-gouttes, et le site se remplit peu à peu. Vers 21 h, Jacques Launay, le directeur de Jazz à Vienne, monte sur scène pour s’excuser du retard – les concerts sont censés débuter vers 20 h 30 -, et annonce que la soirée pourrait être quelque peu perturbée par les manifestants restés dehors, puis laisse la place à une délégation d’intermittents « internes », travaillant pour le festival. Après avoir exposé au public leur situation présente, ils déclarent qu’ils ont décidé de ne pas empêcher la tenue des concerts.
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Ryuichi Sakamoto et les époux Jacques et Paula Mandelenbaum, accompagnés de deux musiciens, passent les premiers. Un ensemble entre musique de chambre et bossa nova (piano, violoncelle électrifié, guitare, batterie/percussions, et bien sûr la voix superbe de Mme Mandelenbaum), pour une relecture du répertoire du grand Antonio Carlos Jobim et de quelques autres : Caetano Veloso, João Gilberto ou Sakamoto lui-même. Autant dire qu’on est ici dans la nuance, la retenue, la subtilité. Des mots qui ne semblent pas faire partie du vocabulaire des intermittents restés devant l’enceinte du théâtre (soit juste derrière la scène), bruyants au point de quasiment couvrir la musique par moments. Si Ryuichi « King of Cool » Sakamoto reste d’un zen tout oriental, Paula trahit son agacement par des sourires figés et des roulements d’yeux. Après un morceau à moitié couvert par les cornes de brume, une partie du public, voyant la mine dépitée de la chanteuse, se lève et applaudit chaleureusement comme pour l’encourager à poursuivre. Le groupe jouera finalement une heure et demie avec un professionnalisme et un stoïcisme remarquables.
C’est surtout pour la suite qu’on s’inquiétait. Comment imaginer en effet que João Gilberto, 72 ans, puisse chanter avec un tel raffut ? Lui qui, un brin caractériel, a la réputation d’interrompre ses concerts si le public fait un peu trop de bruit D’une infinie douceur, la musique du dernier grand de la bossa exige il est vrai un silence absolu ? surtout quand, comme c’était le cas ce soir-là, le Maître est seul en scène, s’accompagnant simplement à la guitare. Hélas, comme pour ses prédécesseurs sur la scène du théâtre antique, on aura l’impression d’écouter l’un de ses disques au walkman, à faible volume, dans une tribune du stade de France un soir de match Gilberto jouera quand même près de 40 minutes, dont une bonne moitié à peine audible, avant de jeter l’éponge, vers minuit moins le quart, prétextant, semble-t-il, une fumée de cigarette qui l’indisposait ! Consterné et furieux, le public se dirige alors vers la sortie Le lendemain, les concerts se dérouleront normalement.
Crédit photo : Hervé Coste
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