Suite et fin de la 32e édition des Inrocks Festival, ce samedi 7 mars, avec une soirée de clôture à 360 degrés. De la pop rétro de James Righton à la communion frénétique de Bamao Yendé, en passant par les effluves psychédéliques de Mauvais Œil et le rock débridé de Lou Doillon, le brassage musical n’a pas manqué d’embraser la Gaîté Lyrique.
A l’heure où les frontières entre les genres n’existent plus et où les artistes d’aujourd’hui cultivent l’hybridation pour contourner les étiquettes et réinventer la musique de demain, l’éclectisme est de rigueur. Hier, l’affiche du troisième et dernier soir des Inrocks Festival en était la parfaite illustration. Après une première soirée placée sous le signe du groove et un vendredi soir électrique, mettant à l’honneur la musique à guitares, la Gaîté Lyrique accueillait ce samedi 7 mars une programmation aussi diverse que surprenante, à commencer par Élia et sa pop aux multiples influences.
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Sur la petite scène réservée aux showcases, qui avait vu précédemment défiler Yellowstraps et Murman Tsuladze, la Française de vingt ans fait raisonner son timbre aussi délicat qu’imposant. Munie d’un clavier et d’un ordinateur crachant les prods du duo Twinsmatic, entendu chez Booba et Damso, la jeune femme enchaîne les morceaux tirés de son premier EP, sorti en novembre dernier, et s’impose avec un r’n’b décomplexé qui lance les festivités pour les prochaines heures à venir.
James Righton
Place au baptême du feu pour l’ancien cofondateur de Klaxons. Deux ans après une incursion en solo accompagnée par certains membres de Metronomy et Friendly Fires sous l’appellation Shock Machine, perçue par Righton lui-même comme une sorte de transition de l’après new rave, l’Anglais s’affirme plus que jamais en avançant seul sur la grande scène de la Gaîté Lyrique.
A quelques jours de sortir son premier véritable album solo, The Performer, James Righton inaugure sa nouvelle identité scénique avec aisance et conviction. Vêtu d’un costume Gucci immaculé, il oscille entre guitare et wurltizer et endosse le rôle du parfait dandy pop, dans la lignée des grandes gloires anglaises du genre, Roxy Music et son leader Bryan Ferry en tête. Mêlés à une scénographie rétro et à des jeux de reflets élégants, les nouveaux titres accrocheurs s’accompagnent même d’une version dépouillée de Golden Skans, l’immense tube de Klaxons, plongeant la salle dans une certaine nostalgie à en faire pousser certains à reprendre l’intro en chœur, comme si 2007 et les couleurs fluo n’avaient jamais disparu.
Mauvais Œil
Il n’aura fallu que d’une paire d’années pour que le duo mené par Sarah Benabdallah et Alexis Lebon connaisse une ascension fulgurante. Et pour cause : “En 2018, on était programmés ici en showcase. Deux ans plus tard, on est désormais sur la grande scène de la Gaîté Lyrique”, s’exclame la chanteuse. Inutile alors d’être superstitieux et de penser à un coup du sort heureux quand il suffit de voir la synergie parfaite et redoutable du duo pour expliquer cette consécration.
Désormais accompagné d’un batteur, Mauvais Œil gagne en efficacité. La voix de Sarah, mêlant langue française et arabe, se veut envoûtante. Les influences orientales et occidentales se rejoignent. Les rythmes traditionnels et les sons électroniques se confondent. Aussi bien derrière ses machines que sa guitare ou son saz, Alexis aligne les solos fiévreux et implacables. On pense à Altin Gün et à leur psychédélisme turc hérité des années 1970, à Acid Arab et à leurs effusions synthétiques, ou encore à La Femme, la joyeuse bande de potes de Sarah et Alexis, pour le bouillonnement des genres à tendance vintage. “Mauvais Œil sera un classique”, lâchait Booba en 2010 sur le morceau Lunatic. Le duo du même nom suit le même chemin.
Lou Doillon
21 heures passées et voilà que la grande salle, quasi pleine à craquer, attend l’arrivée de la tête d’affiche de la soirée. Entourée de ses musiciens, Lou Doillon, scintillante, entame une heure de set en toute décontraction. En faisant entendre sa voix rauque toute en contraste, faite de rage et de légèreté, celle qui était restée trop longtemps perçue comme la “fille de” magnétise son auditoire.
Aux chansons jubilatoires et enjouées se répondent les titres intenses, presque solennels, à l’image de Places et de son impressionnante montée, piochée sur l’album du même nom. Avec l’arrivée en 2019 de Soliloquy, troisième LP d’une discographie commencée en 2012, les irruptions synthétiques ajoutent une nouvelle dynamique au live de Lou Doillon. Les guitares sont rutilantes. La rythmique tape fort. Le son devient énervé. On était alors loin de s’attendre à ce que l’ensemble vire à l’euphorie électrique.
Bamao Yendé
Sans transition, le boss du label Boukan Records et sa clique font irruption pour un final explosif sous forme de grande messe collective. Derrière les platines, William Essef, alias Bamao Yendé, se plaît à multiplier les tracks et les ambiances telle une orgie de genres. Les figures de Boukan Records, Le Diouck et Boyfall du groupe Nyokô Bokbaë, comme les guests, Rad Cartier, Crystal Murray ou encore, la rappeuse Lala & ce et son flow acéré, envahissent la scène. Des musiques africaines à la house, en passant par la soul, le grime, et même le cloud rap dopé au vocoder, tout y passe pour offrir une parfaite communion à l’auditoire.
En guise de mise en bouche avant la sortie le 13 mars prochain de l’EP 55 Degrees, quelques exclus sont lâchés par Bamao Yendé. Si la majorité du public de Lou Doillon a alors déserté les lieux, les plus curieux ont vite fini par succomber au charme du collectif. Les esprits se libèrent. Les corps se déhanchent. La Gaîté Lyrique se transforme en dancefloor géant. “C’est que du love”, fait remarquer Le Diouck. On ne pouvait pas résumer mieux.
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