Après un très long combat contre le cancer, Françoise Hardy nous a finalement dit adieu. Nombre de ses tubes ont transcendé les ondes radiophoniques en résonant sur le grand écran pour faire chanter, danser et pleurer les acteurs et actrices. Retour sur quelques-uns de ses moments musicaux les plus mémorables.
Françoise Hardy sous la caméra de Claude Lelouch
En 1962, lors de la parution du premier album de Françoise Hardy qui se fait le chantre de la mélancolie amoureuse, Claude Lelouch réalise un scopitone de Tous les garçons et les filles de mon âge. Ces petits films que regardaient les jeunes en insérant 20 centimes dans les juke-boxes des cafés ont largement contribué à transformer les chansons de cette époque yé-yé en tubes. Claude Lelouch la filme dans différentes attractions d’une fête foraine boulevard de Clichy, à Paris. La chanteuse, tout juste âgée de 18 ans, impose déjà son style androgyne et sa féminité dénuée de toute minauderie.
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Françoise Hardy réapparaîtra dans un autre film de Claude Lelouch, réalisé quatorze ans plus tard, Si c’était à refaire. On la voit dans le poste de télévision du personnage de Catherine Deneuve, chantant Femme parmi les femmes. Réunies autour d’une table, Catherine Deneuve demande avec nostalgie à sa mère si elle se souvient de cette chanson.
Le Temps de l’amour dans Moonrise Kingdom
En 2012, Wes Anderson raconte dans Moonrise Kingdom l’histoire d’un amour adolescent, entre Sam, un scout sans famille, mal-aimé de ses camarades et Suzy, une jeune fille qui peine à trouver sa place entre ses tout petits frères et ses parents. Ensemble, ils décident de fuir le monde des adultes pour vivre leur amour tranquillement sur une plage isolée. Ils apportent un tourne-disque portable pour lire des 45 tours, sur lequel la jeune Suzy (Kara Hayward) pose ce single légendaire signé Jacques Dutronc, qui apparait sur le tout premier album de Françoise Hardy en 1962, Le Temps de l’amour.
Commence alors une danse on ne peut plus romantique au bord de l’eau entre les deux personnages qui, au son de la ballade amoureuse, s’embrassent maladroitement en se prenant pour les adultes qu’ils ont quittés. Ils laissent libre cours à leurs émotions et font éclater leur joie d’être ensemble dans une chorégraphie frénétique. À la fois comique, émouvante et empreinte de gêne, cette scène demeure avant tout mémorable par sa représentation poignante de l’adolescence et de la découverte de l’amour. Qui de mieux à part la voix de Françoise Hardy, pour accompagner cette idylle naissante ?
Message personnel dans 8 femmes
François Ozon est peut-être le cinéaste qui a le plus cité les chansons de Françoise Hardy dans son œuvre. Ses chansons véhiculent souvent une mélancolie qui se fond parfaitement dans son cinéma. Avec cette comédie musicale, c’est la deuxième fois qu’il emploie une musique de la chanteuse après Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (1999), qui est à la fois l’adaptation d’une pièce de Fassbinder et un pastiche du style du maître allemand, dans lequel on pouvait entendre Träume (titre et extrait du second album de Hardy sorti uniquement en Allemagne dans les années 1970).
Dans 8 Femmes, film sorti en 2002, François Ozon confère à chacune de ses actrices une chanson célèbre. Catherine Deneuve est ainsi associée à Sylvie Vartan, tandis qu’Emmanuelle Béart reprend À pile ou face, se liant ainsi à Corynne Charby. Quant à Isabelle Huppert, elle est associée à Françoise Hardy. Après une scène intense et violente entre elle, sa sœur et sa mère concernant les titres de cette dernière et l’argent, Isabelle Huppert interprète au piano l’un des morceaux les plus célèbres de Françoise Hardy, Message personnel, produit par Michel Berger et paru en 1973. À travers cette chanson, on perçoit que sous ses apparences de femme frigide se dissimule une âme meurtrie et esseulée. Elle marque la réconciliation avec les autres femmes.
Jeune et jolie de François Ozon
Pour raconter l’histoire d’une adolescente qui s’adonne à la prostitution de luxe, François Ozon a choisi d’utiliser quatre titres de Françoise Hardy. Le compositeur attitré du cinéaste, Philippe Rombi, a mélangé musiques originales et chansons de Françoise Hardy, qui séquencent le film en quatre saisons.
De L’Amour d’un garçon, qui berce son dîner d’anniversaire à À quoi ça sert, en passant par Première rencontre, marquant la renaissance du personnage lors d’une scène de boîte de nuit où la voix délicate de Françoise Hardy se substitue aux pulsations des basses du club, ses chansons jalonnent le récit en apportant des moments de suspension qui saisissent l’essence de l’amour adolescent.
Le clip Le Large
Si jusqu’à présent François Ozon avait coutume de subordonner une chanson de Françoise Hardy au service de ses histoires, il renverse cette approche en mettant en image Le Large, premier extrait du vingt-quatrième et ultime album de Françoise Hardy baptisé Personne d’autre. Dans ce clip tourné dans un noir et blanc superbe, François Ozon pastiche les codes visuels du Persona d’Ingmar Bergman.
Le cinéaste met en scène un petit garçon qui se réveille calmement et voit apparaître devant lui des images de Françoise Hardy durant sa jeunesse avant de la voir apparaître directement sous ses yeux ébahis pour un échange vibrant d’émotion. Apaisante et rassurante, l’icône sixties va ensuite le guider et l’orienter avant de prendre “le large”, dans la plus grande sérénité en susurrant d’une voix douce “Et demain tout ira bien, tout sera loin / Là, au final, quand je prendrai le large / Tout sera loin / Donne-moi la main / Là, au final, quand je prendrai le large”.
Une miss s’immisce dans Juste la fin du monde
Dans une très belle scène de l’adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce Juste la fin du monde, Xavier Dolan met en scène Louis, incarné par Gaspard Ulliel, qui se laisse submerger par les souvenirs lorsqu’il pénètre dans la chambre où il a connu ses premiers émois. Les yeux fermés, la tête posée contre un matelas poussiéreux, Louis se remémore les images fugaces d’une nuit d’amour passée auprès de son ancien amant.
Pour illustrer cette réminiscence, la partition de Gabriel Yared s’efface peu à peu pour laisser place aux premières notes de la reprise électro-pop par Exotica d’Une miss s’immisce, morceau de François Hardy apparu dans l’album Décalage en 1988, qui érotise délicieusement le moment. La séquence apparait alors comme une stase poétique hors du temps avant que Louis n’explique la raison de son arrivée.
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