A l’occasion de la sortie du très beau « Tum Tum », on est allé discuter avec le jeune musicien pour parler de l’enregistrement de son nouvel album, de B.O. de films japonais et d’amours numériques.
Il aura fallu cinq ans pour qu’Alex Van Pelt sorte un nouvel album solo. Après le superbe Afternoon Delight, paru en 2014, le jeune musicien s’est extirpé de ses multiples projets pour enregistrer Tum Tum, un très beau recueil de chansons détendues, ultra sincères et mélancoliques. On a donc profité d’un rayon de soleil hivernal pour aller boire un café avec lui, dans le 11e arrondissement parisien. L’occasion de parler de films japonais, de weed et d’amours numériques (et forcément de musique, aussi).
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Entre tous tes projets, comment est-ce que tu as trouvé le temps de faire cet album ?
Alex Van Pelt : J’ai enchaîné pendant trois ans des tournées non stop, avec Adam Green et Coming Soon, avec Mont Analogue, d’autres groupes de Lyon… Je n’étais jamais chez moi et je me suis dit qu’il fallait que je prenne le temps de faire mes trucs. Ça s’est fait un peu en pointillé, comme une sorte de patchwork, mais je suis content, parce qu’il y a mine de rien une cohérence dans l’album !
Tes sons de synthés sont très particuliers, comment tu les bosses ?
J’adore les textures de sons qui coulent, les trucs un peu aqueux. Je pense que ça vient avec le moment où je compose, comme je fais souvent de la musique le soir. C’est pareil dans Mont Analogue, même si c’est un peu plus agressif. Je pense que ça va avec la weed, aussi (rires).
Haha, vraiment ?
Oui, tu écoutes les trucs de manière différente et ça rend un peu plus lent… Et chaque détail prend beaucoup plus de place.
Pas grand-chose à voir, mais je n’ai pas trop compris le titre de l’album, Tum Tum.
(sourire) En fait, ça vient de Ninja Kids, c’était mon film préféré quand j’étais petit. Un des personnages s’appelle comme ça et sans trop savoir pourquoi, je m’identifiais vachement à lui. J’ai toujours adoré tous les films des années 90, que ce soit ça, Space Jam…
Tu as l’air passionné par le Japon, aussi. Et ça se ressent pas mal dans tes sonorités. Tu peux m’expliquer ?
Ouais ! Ça me vient surtout des films que je regardais quand j’étais petit. Miyazaki est par exemple une très bonne porte d’entrée dans cet univers. Et là récemment, je me suis pas mal intéressé aux B.O. des films japonais. Elles sont incroyables, notamment celles de Joe Hisaishi, qui travaille avec Kitano. Ah, et il y a aussi Furyo. La B.O. de Sakamoto me hante pas mal.
Les B.O. de jeux vidéo, aussi ?
Je joue pas mal donc oui, je pense que ça m’influence. Et pareil, en terme de sonorités je trouve ça super beau. Le concept de musique qui évolue en fonction des paysages dans lesquels tu évolues est assez fascinant ; donc à terme ce serait cool de finir par faire des B.O. de jeux.
Un peu comme ce que Krampf et OK Lou ont fait ?
Oui, j’aurais bien aimé voir ce qu’ils ont fait, mais je l’ai raté !
J’avais adoré ton premier album, et il était sorti de manière très confidentielle. Il y avait une volonté de changer un peu ça avec Tum Tum ?
C’est possible oui… Ça allait aussi avec un changement de ville je pense, comme je suis arrivé à Paris entre temps. J’ai également passé plus de temps sur Tum Tum, vu que le premier était fait de manière très instinctive. Là, j’avais très envie d’un vinyle, aussi, pour la pochette.
Je trouve qu’il y a un coté plus pop dans celui-ci. C’était l’effet voulu ?
Ce n’était pas voulu, parce que je travaille de manière très empirique ; mais à la réécoute oui, il y a quelque chose. J’ai aussi pas mal réfléchi à cette idée de pop, et me suis dit que c’était cool, finalement, que des gens écoutent ce que tu fais (sourire).
Il y a une volonté de déconstruire la pop, chez toi ?
Dans les formes, je dirais que oui. Mes structures ne sont pas très claires, je passe d’un truc à un autre et c’est parfois difficile à suivre. En revanche, j’accorde beaucoup d’importance à la mélodie. Une fois que je l’ai, je peux me permettre d’ajouter des éléments un peu plus chelous, expérimentaux. C’est toujours ce que j’ai le plus écouté, la découverte d’Animal Collective, au lycée, a par exemple été une révélation. Ça m’a montré que tu pouvais faire des trucs à la fois accessibles et ultra exigeants.
Dans cette idée d’entre-deux, tes chansons ont quelque chose de très mélancolique dans les paroles, mais d’assez légères dans la forme…
Oui, à la base c’est inconscient et je m’en rends de plus en plus compte. Je fais super gaffe aux paroles et elles sont très personnelles. Du coup, j’aime bien que les chansons gardent un coté poétique, atmosphérique. Le fait de chanter en anglais me permet aussi d’utiliser des mots très simples. Pour le coup c’est une volonté de ma part, j’aime que ça reste épuré.
Le français ne t’est jamais venu à l’esprit ?
Pas vraiment. En plus tous mes potes s’y sont mis : les Pirouettes, Arkadin.. Je trouve ça méga intéressant tout ce qui se passe avec cette langue en ce moment et justement, quand je te parle d’épure, certains sont très forts pour dire des choses intéressantes et profondes, mais de manière simple. Quand on prend Les Pirouettes, c’est exactement ça. Ça donnerait presque envie mais la langue ne me convient pas trop au niveau des sonorités.
Il y avait pas mal de passages rap dans tes anciens morceaux et plus du tout aujourd’hui. Pourquoi ?
Oui, je sais… C’est bizarre parce que j’en écoute plus qu’avant, il me semble. Je ne sais pas trop pourquoi ça a disparu de ma musique ! Après, mes prods sont d’avantage tournées vers cette musique, je crois. En tous les cas certaines d’entre elles, au niveau des boites à rythmes et tout ça.
Tout est analogique dans l’album, d’ailleurs ?
Non, c’est vraiment un mélange. Certaines choses proviennent d’instruments réels, et d’autres de l’ordinateur. Je suis très fan de Logic (le logiciel Logic Pro, ndlr), il y a des sons de synthés très kitchs dedans, mais aussi très beaux. Les violons, par exemple.
Je crois que Sun Rays est une de mes chansons préférées dans l’album. Tu peux m’en parler un peu ?
Je crois que je l’ai enregistré en août dernier. J’étais tout seul chez mon frère à Paris et comme c’était l’été dernier, il n’y avait pas grand monde en ville. Du coup j’ai fait de la musique et cette chanson en est ressortie. Ah et j’avais un petit crush à Paris en plus (rires), donc il y a un feeling comme ça. Au niveau paroles, elles sont assez atmosphériques, un peu comme une scène de film. Ça parle de regarder les rayons du soleil qui passent, de ta chambre… Et comme beaucoup de morceaux de l’album, d’une relation où la communication ne marche pas trop.
Notamment à cause des écrans ? C’est un thème qui parcourt pas mal Tum Tum.
A cause, je ne sais pas. Mais oui, j’y pense beaucoup ! Je crois que les relations ont quand même beaucoup évolué : tu peux avoir une relation très proche avec quelqu’un, échanger, la connaitre parfaitement sans trop la voir. La différence entre virtuel et réel n’existe plus trop, ça nous rend un peu schizophrènes mais c’est vraiment passionnant.
Ça t’inquiète ou pas du tout ?
Non pas vraiment… Enfin ça peut en effet être inquiétant, mais je suis assez neutre là-dessus. Parce que tu peux aussi voir ça comme un lien entre les humains. Ça se faisait à travers d’autres choses auparavant, mais ce qui ressort de tout ça c’est finalement la volonté de se lier les uns aux autres.
En parlant d’autres êtres humains… Est-ce que tu penses à la notion de double artistique en tant qu’artiste solo ?
C’est vrai que comme je suis tout seul, c’est un peu une question qui se pose. En groupe, il y a une entité qui n’est pas toi, et là tu es obligé de t’impliquer d’avantage. D’autant plus que je ne suis pas vraiment dans la mise en scène, la performance. Peut-être qu’un jour je deviendrai fou, je mettrai des déguisements etc (rire) mais là je suis simplement moi-même. En tout cas oui, il y a forcément un décalage entre ton « toi artiste » et ce que tu es. Enfin, j’essaie de faire en sorte qu’il y ait le moins de décalage possible.
Niveau concert du coup, comment ça se passe ?
Pareil, je suis tout seul avec ma voix, mon synthé et mon sampler. Je reviendrai peut-être au groupe mais là je suis plutôt bien comme ça. C’est un peu thérapeutique vu que je ne suis pas vraiment à l’aise. Tu es obligé de te projeter et c’est un peu grisant. Par ailleurs, comme le processus de l’album a été fait en solo, je trouve ça bien de le faire de cette manière ! Je sors de ma chambre tout seul et j’arrive sur scène tout seul, j’aime bien le concept.
Ce n’est pas trop compliqué, sur la route ?
Pour l’instant, je n’ai fait qu’une seule date comme ça. C’était mon anniversaire alors je t’avoue que c’était un peu bizarre… Mais très cool. Après, je fais des dates un peu éparpillées en solo, je serai surtout en tournée avec Sierra Manhattan prochainement donc il y aura des gens avec moi (sourire).
Propos recueillis par Xavier Ridel
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