Avec la disparition d’Astrud Gilberto, l’éternelle girl from Ipanema qui s’ajoute à la liste funéraire d’un printemps noir, impossible de ne pas replonger dans “Les Bords de Seine”, son mémorable duo avec Étienne Daho.
Souvenez-vous, en 1996, le parrain de la pop française publie Éden, son sixième album à la fois visionnaire et largement incompris par une partie de la critique, qui succède au raz-de-marée de Paris ailleurs (1991). Sur ce disque multiplatiné figurait d’ailleurs Saudade, superbe ballade qui disait déjà de tout de l’appétence de Daho pour la bossa nova. Alors, quoi de mieux que demander à la plus belle voix féminine de la bossa de duettiser avec lui ? “Quand Arnold Turboust a arrangé Les Bords de Seine, il y avait cette boucle à la fois jazz et hip hop qui m’a aussitôt évoqué ce texte en forme de carte postale sonore du Paris de Saint-Germain-des-Prés, nous confessait un jour Étienne Daho. L’interpréter en duo avec Astrud Gilberto était inespéré. Pour cet album, c’est comme si on avait utilisé un shaker pour y mélanger toutes nos références.”
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Le miracle se produit une fois que la diva a accepté de chanter avec la voix veloutée du fameux Duel au soleil, qui pourrait être le sous-titre des Bords de Seine. Sauf que la séance d’enregistrement ne se passe pas tout à fait comme prévu et tourne même au vinaigre – Astrud Gilberto refusant de refaire une dernière prise vocale et exigeant finalement qu’Arnold Turboust quitte le studio illico. “Là, j’ai senti la foudre qui s’abattait sur moi. Elle est entrée dans une colère monstre, se souvenait-il dans la biographie Une histoire d’Étienne Daho (2008). Elle m’a dit qu’elle et son mari avaient inventé la bossa nova et que cette musique reposait sur un art très particulier du placement de la voix.” Le résultat final dépasse pourtant l’entendement, les deux voix française et brésilienne se mariant idéalement pour un autre duel au soleil qui donne : “À Paris plage, Paris paresseuse, les soirs d’été sont chauds/Paris eldorado sur l’eau/Luar estrellas mil/Ouro e prata, brilho no breu.” Une chanson à la fois délicieuse et absolument imparable, à (ré)écouter à l’envi, tout en se demandant encore comment le single Les Bords de Seine n’est pas devenu un tube radiophonique.
Édito initialement paru dans la newsletter Musiques du 9 juin. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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