Produit par Mark Ronson, le sixième album des sales gosses américains au flower punk exubérant pourrait bien être leur meilleur. Interview de deux Black Lips et écoute intégrale d’Arabia Mountain.
Arabia Mountain paraît encore plus psychédélique que vos précédents albums – je pense notamment à Mr.Driver. C’est quelque chose que vous vouliez accentuez ?
Jared : Mr.Driver, c’est une des chansons de Cole.
Cole : C’est probablement celle à laquelle Mark a le plus apporté.
Jared : Oui, quand on la travaillait à Atlanta avant d’aller le rejoindre à New York, je me disais « il y a quelque chose dans ce morceau, mais ça ne fonctionne pas ». Mark a sauvé ce titre. Comme Bone Marrow d’ailleurs que je voulais jeter au départ.
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On sent que cet album est plus produit, mais malgré cela, votre son reste très brut…
Jared : Ouais, c’est parce qu’on a enregistré dans des conditions minimales, sur les mêmes machines qu’on a toujours utilisées. On a tout joué live, tous ensemble dans la même pièce et même si Mark a amené plein d’instruments vintage, on n’a pas fait appel à beaucoup de technologie.
Ça rend la transition avec la scène plus facile de tout enregistrer en live non ? Vous pensez à la façon dont vous allez jouer certains morceaux sur scène lorsque vous êtes en studio ?
Cole : J’ai toujours rêvé de faire ça, de penser à l’avance aux lumières, au son live…
Jared : En fait, on ne l’a pas du tout fait pour cet album. Certaines vont être très dures à jouer sur scène, Mr.Driver par exemple ou Raw Meat à cause des sifflements qu’on ne peut pas reproduire tels quels en live. Il nous faudrait un thérémine.
Vous avez utilisez un thérémine sur l’album ?
Jared : Pour les sifflements oui. C’est Sean Lennon qui est venu en jouer d’ailleurs.
Vous connaissez Plastic Bertrand ? Bone Marrow a exactement le même rythme que Ça Plane pour moi de Plastic Bertrand, c’est assez perturbant… Vous connaissiez ce morceau ?
Cole : (rires) Oui, c’est volontaire. On voulait que cette chanson ait ce son là.
Jared : On voulait faire quelque chose comme ce qu’il faisait avec Hubble Bubble, son premier groupe. Un truc punk français seventies.
Cole : On aimerait chanter Bone Marrow en français d’ailleurs, pour faire une sorte d’hommage au groupe. Joséphine, la copine française de Mark, nous a aidés à traduire les paroles mais on ne l’a encore jamais chantée comme ça.
Vous parlez un peu français ?
Jared : Je devrais vu tout le temps que je passe ici. Je comprends pas mal de choses quand je regarde des films en français ou quand j’entends les gens parler, mais c’est une langue très intimidante.
Cole : La prononciation est tellement difficile, ça fait peur.
Jared : Je n’ai pas envie d’être pris pour un gros plouc (rires). On a tourné avec un groupe dont deux des membres étaient Québécois l’année dernière et quand ils parlaient français ici, leurs potes leur répondaient en anglais. Tabernacle ! (rires).
Cole : Le Québécois, c’est un peu comme le français que les gens parlaient en Louisiane non ? J’ai fait écouter des chansons des années 50 de cette région à des copains français pour qu’ils m’aident à les traduire et ils n’ont rien compris.
Vous vous êtes autoproclamés « flower punk » il y a quelques années. Qu’est-ce que ce terme représente pour vous aujourd’hui ?
Jared : Franchement, c’était seulement pour donner un terme aux gens qui nous demandent sans cesse quel genre de musique on fait. On n’est pas un groupe de punk macho, mais on n’est pas non plus des hippies. On est un peu des deux et flower punk le résume bien. Ça me fait marrer aujourd’hui parce que des groupes reprennent ce terme à leur compte. Je trouve ça plutôt cool que ce soit devenu un vrai genre de musique (rires).
Votre musique vient tout droit des sixties et des seventies, mais vous semblez écouter beaucoup de nouveaux groupes. Quelle est la part d’influences récentes dans ce que vous faites ?
Jared : On écoute pas mal de nouveaux groupes, mais je crois que notre musique est quand même bien plus liée au passé qu’au présent parce que les groupes d’aujourd’hui – et ce n’est pas une critique puisqu’on fait la même chose – n’inventent rien de nouveau, ils ne font que prolonger à leur manière ce que d’autres ont commencé. On a toujours été beaucoup influencés par le blues, par les Rolling Stones aussi, qui eux-mêmes tenaient leurs structures du blues.
J’ai lu quelque part que vous écoutiez pas mal de musique de groupes sud-américains…
Jared : C’est vrai oui. J’aime particulièrement certains groupes brésiliens et quelques super groupes punk seventies péruviens et chiliens aussi. J’adore écouter de la musique qui vient des quatre coins du monde.
C’est lié à votre envie de tourner sans arrêt et de jouer là où peu de groupes voire aucun ne vont (les Black Lips ont fait une tournée en Inde, en Israël etc.) ?
Jared : Ouais, bien sûr. On adore voyager.
Vous êtes en tournée la plupart de l’année, souvent loin des Etats-Unis. Est-ce que ça change vos sentiments vis-à-vis de votre pays, votre « façon d’être américain » ?
Cole : Je deviens plus tatillon vis-à-vis de la nourriture (rires) ! Comme on tourne dans beaucoup de pays différent où on a l’occasion de goûter la vraie bouffe locale, j’ai du mal à manger des plats indiens ou asiatiques aux Etats-Unis par exemple.
Jared : J’aime l’Amérique pour beaucoup de raisons, je la déteste pour d’autres. Je crois que tous les voyages que l’on fait grâce au groupe nous ont donné une vision plutôt bonne et claire du monde. Les Américains sont assez isolés, centrés sur leur propre pays. Beaucoup sont probablement incapables de situer le Canada sur une carte, nous si (rires). Voyager comme on le fait, c’est la meilleure éducation qu’on pouvait avoir.
D’où est venue cette idée de la femme en burqa aux couleurs du drapeau américain dans le clip de Modern Art ?
Cole : C’est un truc qu’on a acheté sur un site d’habits musulmans. Je pense qu’ils vendaient ce type de burqa pour que les Américaines musulmanes puissent fêter le 4 juillet (rires). On a trouvé ça ironique et j’ai fini par la porter dans le clip.
Vous avez formé les Black Lips il y a plus de dix ans, vous vous connaissez depuis l’école : est-ce que cela fait de vous un groupe différent des autres où les choses fonctionnent plus facilement ?
Jared : Evidemment. On s’entend très bien donc ça simplifie nos relations, surtout en tournée. On sait ce qu’il ne faut pas dire à certains, comment calmer d’autres. On a une histoire commune, j’imagine que ça nous rend un peu différents de groupes qui se sont rencontré l’année dernière. Quand je pense que cela fait dix ans qu’on tourne et joue ensemble, je me dis qu’on s’en sort bien.
Vous ne vous tapez jamais dessus ?
Jared : Ça arrive mais c’est très rare.
Quand vous étiez à l’école ensemble, vous imaginiez que quinze ans plus tard, vous seriez en train de sortir votre sixième album et d’attaquer votre énième tournée tous ensemble ?
Jared (spontanément) : Ouais ! (rires) Non, en fait, je ne pensais pas que ça marcherait comme ça, mais je savais déjà qu’on continuerait à jouer ensemble. On n’avait pas d’autre option. On est tous allé dans une école merdique. Quand j’avais treize ou quatorze, l’école m’a envoyé une lettre disant « tu ne devrais pas essayer d’aller à la fac, tu n’as aucun espoir d’y aller un jour » puis ils m’ont viré deux ans après. Je voulais leur montrer qu’ils avaient tort. Je détestais tellement l’école. Je ne voulais pas faire partie de ce monde. On a décidé de faire de la musique sans plan B pour être sûrs de s’y dédier entièrement.
Et si ça n’avait pas marché, vous seriez en train de faire quoi là pour vivre ?
Cole : J’alignerais des briques (éclat de rire général). Ou je ferais la plonge dans un restau.
Jared : On serait en prison plutôt. Le groupe a été une bonne manière de canaliser notre énergie, nos manières de sauvages. Je crois que sans ça, je serais en train de braquer une banque (rires).
La scène, c’est l’endroit idéal pour utiliser ce trop plein d’énergie en plus…
Jared : Oui, c’était la seule chose à faire.
Beaucoup de gens ont en tête une image un peu faussée de vos concerts où on parle beaucoup du vomi, de l’urine et des crachats de vos débuts. Ça ne vous fatigue pas de toujours entendre les mêmes clichés sur vous ?
Jared : Non, ce qui m’ennuie le plus, ce sont les gens qui, après un concert, viennent nous dire que l’on s’est calmé parce que je n’ai pas pissé sur la tête de Cole (rires). Notre concert d’hier était complètement barjo ! Tous nos concerts sont comme ça ! On a arrêté de se pisser dessus depuis longtemps. On faisait ce genre de conneries quand on était ados dans des bars où à peine une quinzaine de personnes nous regardaient. Personne ne nous a jamais réellement vus faire ce genre de choses. C’est simplement écrit sur notre page Wikipedia et les journalistes commentent en disant « alors, vous n’êtes plus totalement barjos on dirait ? ». Nos concerts sont toujours très sauvages. Je vais souvent voir des groupes jouer et je tombe rarement sur des concerts comme les nôtres. Le seul truc fou que j’ai vu récemment, c’est Odd Future. Je crois que je vais commencer à demander aux gens ce qu’est leur définition d’un concert de taré. Et aussi quels genre de concerts ils vont voir parce qu’apparemment, je rate quelque chose (rires).
A quoi ressemble la vie d’un Black Lips quand vous ne tournez pas et que vous êtes chez vous à Atlanta ?
Cole : C’est plutôt tranquille.
Jared : J’ai une grande maison avec un grand jardin et un porche donc je m’assois dessous et je lis le journal. Je joue au tennis et au baseball aussi.
Vous vous voyez à Atlanta ou c’est l’occasion de faire un break ?
Jared : On se voit tout le temps.
Cole : On vit tous à quelques mètres les uns des autres en fait.
Jared : La maison de Cole est très proche de la mienne. Je peux pratiquement lui faire coucou de mon jardin, c’est génial non ?
En concert le 28 septembre à Tourcoing (Le Grand Mix), le 30 à Paris (La Cigale), le 1er octobre à Marseille (Festival Marsatac), le 3 à Clermont-Ferrand (La Coopérative de Mai) et le 4 à Lyon (Transbordeur).
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