[Où est passé l’esprit indé ? 1/4] Ces derniers mois, on l’a croisé chez des musicien·nes qui ont organisé leur vie, leur carrière et leur travail bien loin du mainstream. Avant nos rencontres avec Félicia Atkinson, Leila Bordreuil et Jim O’Rourke dans cette série en 4 volets, on fait le points sur les espaces de liberté où se déploient les créations de ces artistes.
Au milieu de l’été, un album intitulé Living Torch, de l’Américaine Kali Malone, s’est hissé dès sa sortie en tête des ventes de Bandcamp, le site qui regroupe la plupart des labels et artistes indépendant·es. Sa musique n’est pas forcément celle que l’on s’attend à voir en tête des ventes.
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Pourtant, dans le petit monde des artistes éloigné·es du système contemporain qui lie de plus en plus les grandes maisons de disques (majors et gros indépendants) aux services de streaming (Spotify, Deezer, iTunes), aux diffuseurs de vidéos (YouTube en tête), aux réseaux sociaux (Instagram, TikTok…), aux organisateurs de concerts gargantuesques (Live Nation, AEG…) et imposé comme une norme, il s’est structuré d’autres formes, lieux, territoires, manières de faire qui permettent à la musique d’exister autrement.
Ces espaces alternatifs se sont constitués autour de Bandcamp, et notamment durant les deux années de pandémie. Le parallèle est saisissant avec les années 1980, avant que le grunge ne fasse passer la musique indie au statut de mainstream et lorsque les groupes indépendants vivaient en naviguant à travers des réseaux organisés autour de fanzines, listes de distribution de cassettes ou salles de concert à peine légales.
Tout ceci est apparu assez clairement ces derniers mois, en interviewant trois artistes, sans l’idée préconçue de leur trouver des points communs. Rétrospectivement, leurs façons de se construire se faisaient écho, notamment dans le souci de l’indépendance. Félicia Atkinson, Leila Bordreuil, Jim O’Rourke : trois musicien·nes, d’âges différents, qui travaillent chacun·e au bord de son propre précipice, excavant des gestes, des attitudes, des modes de vie dont la leçon consiste à exister de façon durable.
Des morceaux à écouter comme des annexes de vie
Chacun·e est comme une alternative doucement posée face au mainstream. Leurs musiques s’écoutent comme des annexes de vie, des criques et des calanques qui imposent leur propre atmosphère. Pour beaucoup, il s’agira surtout de bruits, de sons. Pour nous, c’est simplement de la musique, belle à se damner les oreilles. Mais après tout, il y a quarante-cinq, quarante, trente-cinq ou trente ans, les bruits des Sex Pistols, de Throbbing Gristle, de My Bloody Valentine ne cherchaient aucune sérénité, ne proposaient aucun réconfort. Ils ont pourtant fait bien plus que nous influencer ou nous faire danser sur des bombes, ils ont forgé ce que nous sommes en imposant leurs territoires tout contre celui du reste des flux de bavardages d’un monde en accélération permanente.
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