Willy DeVille, musicien
Quels sont tes tout premiers souvenirs de musique ?
Lorsque j’étais gamin, la radio était allumée jour et nuit. Quand j’avais 8 ans, ça attaquait dès le matin, avant de partir à l’école, avec des stan-dards de rock’n’roll qui pas-saient à la radio pendant que je prenais mon petit déjeuner. C’est comme ça que je suis tombé amoureux des chan-sons de Little Richard ou Fats Domino. Je n’ai vraiment réalisé le pouvoir de la musique que quelques années plus tard, lorsque j’ai écouté pour la première fois un disque de John Lee Hooker chez un de mes copains. Rencontrer la musique grâce à un tel bon-homme change vraiment quel-que chose à l’intérieur d’un individu lorsqu’il a 12 ans. Par la suite, j’ai traîné sans arrêt dans Greenwich Village, à New York. J’en étais une sorte de résident permanent, même si j’étais en réalité de Stanford, juste à quelques kilomètres de Manhattan. Mon adolescence a été un réel éveil musical, l’histoire de la musique se faisait sous nos yeux à Greenwich : Dylan jouait là, Muddy Waters mettait le feu régulièrement au Café Wah et même Jimi Hendrix faisait ses premières armes là-bas. Tout gamin qui voulait se mettre à la guitare ne pouvait pas rêver meilleur endroit. J’avais 14 ans, je venais de quitter l’école et déjà je savais que mon futur se situait quelque part dans cette vie artistique. Plus tard, je suis devenu ami avec John Hammond Jr, un de mes grands héros de jeunesse, lorsqu’il est venu habiter à New York dans mon quartier. Le blues a toujours été présent dans mon univers et il s’est infiltré de plus en plus au fil des années dans ma musique. Grâce au blues, j’ai compris qu’une chanson de trois minutes et demie comme celles que je faisais devait contenir tout ce qui peut aider l’auditeur à se sentir bien, tout ce qui peut lui procurer du plaisir.
As-tu ressenti un choc similaire à celui que t’a procuré le blues lorsque tu as découvert la chanson française à l’époque de ton album Le Chat bleu ?
Pas exactement. Le blues fait partie de mon éducation, je l’ai côtoyé au plus près, je pouvais le vivre en direct dans les salles de concerts. La musique française a été une découverte par disques interposés. Je n’ai appris son existence réelle que le jour où l’on m’a offert un coffret de Piaf et des disques de Charles Dumont. J’avais donc une relation fantasmatique avec la musique française. Lorsque je suis allé à Paris, j’ai vu à quel point cette musique était omniprésente, jusque dans l’air et les couleurs des rues de la rive gauche. Les endroits, les gens que j’ai croisés ma rencontre avec Charles Dumont reste un des sommets émotionnels de ma vie m’ont transmis une passion pour une façon de vivre cette musique, un respect pour cette tradition de l’arrangement parfait… En fait, je ne connais rien d’autre de la musique française, à part Françoise Hardy, mais ce n’était pas sa musique qui m’intéressait.
Tu as composé quelques musiques pour le cinéma. Te souviens-tu du premier film qui ait vraiment compté pour toi ?
Absolument. C’est West Side story, précisément parce que la musique y était un des éléments essentiels et qu’il romançait tout ce qui faisait mon quotidien : les rues et leurs lois, les bandes, les filles, l’honneur. C’est encore aujourd’hui mon film préféré, pour toute ma vie. George Chakiris y est irrésistible, somptueusement costumé. Aujourd’hui, je vais rarement au cinéma, mes chevaux me prennent tout mon temps libre et ma maison dans les plantations n’est pas vraiment à proximité des salles de cinéma. Je me souviens avoir beaucoup aimé Chicanos story, un film de Luiz Valdez du début des années 80 avec Edward James Olmos, et la version de Dracula par Francis Ford Coppola. Mais généralement, mes contacts avec le milieu du cinéma se sont limités à de tout petits rôles ou à des musiques, uniquement pour des gens envers qui j’ai du respect : Mickey Rourke avec qui j’ai joué dans Homeboy et The Bullet ou William Friedkin pour qui j’ai écrit quelques morceaux de la BO de Cruising, ce film avec Al Pacino. Le scénario était séduisant, l’intrigue se situait dans l’underground new-yorkais, la nuit, dans les milieux homos : un univers qui transposait un peu dans le genre policier celui de Trash, le film le plus convaincant d’Andy Warhol.
Trouves-tu le temps de lire malgré ton emploi du temps dominé par les chevaux et la musique ?
Pour la lecture, j’ai toujours du temps. C’est une activité tellement stimulante pour l’esprit, tellement importante pour régénérer son inspiration qu’il ne faut surtout pas la négliger. Si j’avais pu aller à la fac, j’y aurais sans doute étudié la littérature. J’ai une grande admiration pour Colette : Duo et Chéri sont deux immenses bouquins. Je garde aussi régulièrement un peu de temps pour replonger dans les écrits de Jack Kerouac Sur la route évidemment, Anges de la désolation et Mexico City blues. William Burroughs tient aussi une place de choix dans ma bibliothèque, comme tous les écrivains de cette génération en quête d’expériences et de liberté.
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Willy DeVille, Horse of a different colour (East West).
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