Shane McGowan, chanteur
Avec quel groupe ou artiste as-tu découvert le rock ?
Avec Jimi Hendrix. C’est sa force, son énergie, sa folie qui m’ont poussé à devenir musicien. Même si j’ai toujours eu beaucoup d’affection pour les Rolling Stones surtout pour l’arrogance de Keith Richards , je reste persuadé que Hendrix était le plus génial de tous. Pour moi, il est le seul à avoir redonné au blues sa puissance originale et à avoir porté le rock aussi haut. En fait, Hendrix est sans doute la meilleure porte d’entrée dans l’univers du rock. Electric ladyland est un pur disque de rebelle et Purple haze une des rares chansons qui continuent à me donner des frissons dans le dos comme au tout premier jour. Hendrix est le premier vrai irréductible de l’histoire du rock : reprendre l’hymne américain comme il l’a fait à l’époque était un véritable acte d’insoumission. Jamais les Stones n’auraient osé faire ça, et à part les Sex Pistols, je ne vois rien de plus rock que ça. Les Who, par contre, ne m’ont jamais touché et j’ai toujours considéré les Beatles comme des branleurs. En fait, les autres groupes qui ont marqué ma vie étaient tous irlandais : Thin Lizzy, par exemple. Et puis Van Morrison, qui reste évidemment le meilleur ambassadeur de la musique d’Irlande, avec les Chieftains. Parmi les nouveaux groupes, j’ai été récemment impressionné par Space IRA, des jeunes mecs irlandais, eux aussi à suivre de très près.
Tu parles souvent du cinéma comme de ta « deuxième passion ». A quel type de cinéma es-tu particulièrement sensible ?
Au cinéma de Kurosawa : Chien enragé, par exemple, qui est un film magnifique. Kurosawa avait une manière totalement novatrice de brosser les personnages de méchants et beaucoup de cinéastes se sont inspirés de ses portraits pour rénover leur cinéma dans les années 60. Le genre que je préfère par-dessus tout, c’est le film de gangsters. Récemment, Tarantino m’a franchement marqué, il est vraiment le cinéaste le plus doué de ces dernières années. Je suis totalement fan de sa manière de mettre en scène les escrocs, de montrer le sens de l’honneur de ces purs losers qui foirent à peu près tout ce qu’ils font, qui sont incapables de mener un coup jusqu’au bout sans se planter. Il met dans ses personnages toute sa sensibilité et sa fragilité, chacun a vraiment une gueule. Qui d’autre ? Abel Ferrara : son personnage de Bad Lieutenant est une des plus belles crapules qu’on ait vues au cinéma.
Tes chansons parlent souvent de la rue et décrivent la vie de manière très réaliste. A quand un premier roman ?
J’ai bien quelques petites choses écrites au fil du temps, à droite et à gauche, mais rien de vraiment structuré. J’ai du mal à écrire sur les choses que j’aime. Quant à mes textes, ils se prêtent moins que ceux de mon ami Nike Cave à des recueils. Wolf Tone et tous les héros de l’Irlande ont une histoire passionnante, mais il y a déjà tellement de biographies et d’écrits sur eux que je ne vois pas à quoi pourrait servir ma version de leur histoire. Et puis la musique me prend tout mon temps. Les livres, je préfère les lire ou les relire, comme la littérature britannique des XVIème et XVIIème siècles. Mais il ne faut pas croire que je ne m’intéresse qu’à ces vieux bouquins. James Joyce tient vraiment une place particulière dans ma bibliothèque, c’est une question de culture. Sa manière de vivre l’Irlande, d’en capter l’essence dans Ulysse ou Finnegans Wake, et la mienne sont tellement proches, tellement liées… une Irlande fière, presque arrogante, mais également fragile et romantique, forte lorsqu’elle se resserre autour de son imaginaire. Ma copine, elle, est beaucoup plus impliquée dans l’écriture : elle est en train de finir une nouvelle.
Une question incontournable pour terminer : comment juges-tu la situation politique irlandaise actuelle ?
Je ne crois pas une seule seconde à cet accord. Les politiciens sont des escrocs… Si je devais me prononcer de manière tranchée, je serais évidemment du côté du Sinn Fein, mais aucune décision politicienne ne pourra effacer l’histoire. Il y a eu tant de morts, comment peut-on réconcilier les gens après ce carnage ? Le problème restera toujours celui de la souveraineté. Le peuple irlandais est indivisible : la seule solution serait une rétrocession pure et simple de l’Irlande du Nord.
Shane McGowan, The Popes, The Crock of gold (Musidisc).
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