Lorsqu’on écoute tes textes ou que l’on regarde ton parcours de philosophe et de musicien, on imagine que la littérature compte beaucoup pour toi. La littérature américaine a été déterminante dans ma vie. Dès 7 ou 8 ans, je lisais les bouquins de la Série Noire de mes parents, des romans d’Ellery Queen, des intrigues […]
Lorsqu’on écoute tes textes ou que l’on regarde ton parcours de philosophe et de musicien, on imagine que la littérature compte beaucoup pour toi.
La littérature américaine a été déterminante dans ma vie. Dès 7 ou 8 ans, je lisais les bouquins de la Série Noire de mes parents, des romans d’Ellery Queen, des intrigues d’avant le polar moderne américain, à la sauce anglaise. Le grand choc s’est produit lorsque je suis tombé sur Jack Kerouac, Jack London et John Steinbeck. Mais attention : pas le John Steinbeck des Souris et des hommes, celui des Raisins de la colère, de Tendre jeudi ou de Rue de la Sardine. Ces bouquins contenaient tout ce qui faisait mon réel : des histoires de classe ouvrière, des paysans, des artisans et des aventures dans lesquelles je pouvais me retrouver. C’est dans ces écrits que j’ai découvert l’importance des musiciens de rue et que j’ai compris la posture du musicien de quartier, seul avec son tambourin. Cette image-là, tu ne peux la trouver que dans les écrits américains ou brésiliens, comme chez Jorge Amado. En fait, la lecture m’a permis d’échapper à mon destin de classe sociale. Grâce aux livres, j’avais de bons résultats à l’école et j’ai pu aller au lycée pendant que mes copains de classe sont allés bosser à 13-14 ans. Même dans le lycée de petits bourgeois où on m’a envoyé, je suis resté obsédé par les livres d’Amérique avec leurs histoires de limousines, de piscines gigantesques, de motos à trois roues, de Hell’s Angels… Sartre, Camus et tous ces auteurs français qu’on nous faisait lire au lycée ne m’intéressaient pas. La littérature contemporaine m’ennuie : elle me parle d’une France qui n’est pas la mienne, dans laquelle je ne trouve aucun repère. Je n’aime que les écrits théoriques, de principes ou bien la littérature qui laisse l’imaginaire vagabonder.
Y a-t-il des livres qui te semblent inépuisables ?
Je relis Sur la route de Jack Kerouac tous les sept ou huit ans. Et puis, je suis toujours abonné à Blek le roc, depuis que j’ai 7 ans. La bande dessinée d’avant la BD moderne à l’époque, ça s’appelait encore des illustrés a toujours été une de mes grandes passions. Je me souviens en particulier de Biko et le Club des Rantanplans, un illustré des années 20 qui m’a énormément marqué quand j’étais petit : l’histoire d’un petit garçon des faubourgs américains, avec des palissades, des terrains vagues, des voies ferrées et des docks qui sont l’exacte réplique du paysage qui existait dans ma cité, quand j’étais gosse.
Comment as-tu découvert la musique ?
Mon père m’a fait découvrir le rock avec Rock around the clock de Bill Haley. Il avait acheté le disque et l’électrophone en sortant du cinéma où il venait de voir Graine de violence, avec Glenn Ford, le film d’où Rock around the clock était extrait. Depuis, j’ai gardé un amour inconditionnel pour les vieux groupes de rock’n’roll… En fait, j’ai rompu avec le rock vers 16 ans, le jour où j’ai découvert le blues. D’abord à travers des pochettes de disques de Sonny Terry et Fred McDowell que j’ai vues chez ce copain qui m’apprenait à jouer de la guitare. Comme à l’époque il y avait peu de disques de blues rural américain, je me suis rabattu sur le blues anglais : John Mayall et les groupes du milieu des années 60, mais je les écoutais en ayant en tête l’image du blues rural américain… Cette image du blues m’a convaincu de devenir un musicien de rue, de quartier, destiné à faire vivre une musique de basse instruction, familiale.
Tu achètes des disques ?
Rarement. La dernière fois, ce devait être au Maroc, j’ai fait une provision de cassettes de musique traditionnelle. Mes filles, elles, en achètent. Ça me permet de me tenir au courant de ce qui se fait, du rap et des productions contemporaines.
Comment choisis-tu les films que tu vois ?
C’est simple, je ne vais jamais voir de film français. Ce soir, je vais revoir Slam de Marc Levin, un film remarquable… Ce sont mes parents qui m’ont emmené au cinéma la première fois, à l’époque où c’était vraiment un événement, une sortie familiale. Je crois qu’on était allés voir Ben Hur ou Les Dix commandements. Nous n’allions voir que des films américains, comme tous les gens du quartier d’ailleurs. Même les voisins qui étaient communistes allaient voir les grands films américains. Plus tard, j’ai été très marqué par Orfeu negro de Marcel Camus, sur la légende d’Orphée au Brésil. C’est le seul film français dont je me souvienne clairement, sans doute parce que j’étais déjà très sensible au Brésil.
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Claude Sicre, (Fabulous Trobadors)
Marc Besse
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