Quels sont les livres qui t’accompagnent ? Je me suis retrouvé, plusieurs fois dans ma vie, à vivre un an ou quelques années avec un texte, un paragraphe, voire une phrase. C’est une façon de travailler pour moi. Il m’arrive de lire un texte et de tomber sur la phrase que j’attendais, comme si j’en […]
Quels sont les livres qui t’accompagnent ?
Je me suis retrouvé, plusieurs fois dans ma vie, à vivre un an ou quelques années avec un texte, un paragraphe, voire une phrase. C’est une façon de travailler pour moi. Il m’arrive de lire un texte et de tomber sur la phrase que j’attendais, comme si j’en avais eu l’intuition, sans en avoir trouvé la formulation précise. Dans J’embrasse pas de Téchiné, Philippe Noiret dit au garçon qui joue la pute dans le film « Qu’est-ce que l’art ? Prostitution. » J’ai cherché d’où venait la phrase, que j’ai retrouvée dans Fusées de Baudelaire. Mon coeur mis à nu contient toutes ses phrases sur les relations étroites entre l’amour et la prostitution. Ça fait vraiment partie des citations qui m’ont accompagné dans le passé.
Tu donnes l’impression, en fonction des périodes, de varier tes sources d’inspiration littéraire. Ta citation ou ton personnage du moment ?
L’un des contes qui m’accompagnent en ce moment, extrait du Spleen de Paris, c’est Le Joueur généreux, qui se termine sur cette phrase : « Mon Dieu ! Seigneur ! Mon Dieu ! Faites que le diable me tienne sa parole ! » C’est sublime qu’on s’adresse ainsi à Dieu pour que le diable tienne sa parole. Sinon, l’une des toutes dernières phrases qui m’habitent, et vont avoir une influence sur mes actions et mes façons de penser, c’est « Car il se peut bien qu’à l’avenir je croie utile de me couvrir du masque d’un bouffon. » Une prédiction faite par Hamlet à ses amis, dans le Ier acte de la pièce, alors qu’il vient de rencontrer le spectre de son père. C’est une phrase qui m’intéresse parce que moi aussi il se peut qu’à l’avenir je croie utile de me couvrir de ce masque. Pour ce qu’il en ressort sur la générosité, j’aime aussi beaucoup Les Séances de la générosité et du savoir-vivre, Saladin et son vizir, extrait du Livre des mille et une nuits. C’est une vieille édition des Contes des mille et une nuits, censés être traduits de l’arabe, mais en fait rédigés par le Dr J. C. Mardrus. Cette histoire se trouve entre la 714ème et la 715ème nuit. Je conseille aux lecteurs des Inrockuptibles de le lire, mais je ne dis pas pourquoi, pour en préserver le mystère. D’ailleurs, s’ils veulent d’autres conseils, ils peuvent m’appeler au 01.45.08.51.58. Cette thématique du donner-recevoir, c’est important pour moi. Je ne suis pas allé à l’université, et heureusement ! Les seuls guides que j’ai eus pour me balader dans la culture, comme Jean-Claude Lebensztejn, ont été des amis, parfois des amants : toujours dans le cadre de rapports intimes.
Tu t’es fait connaître en te travestissant et en jouant des personnages dans des lieux publics : tu aimes jouer la comédie. Aimes-tu aller au cinéma ?
Judith Cahen m’a fait jouer dans son dernier film, La Révolution sexuelle n’a pas eu lieu. Je l’aime beaucoup et j’aime beaucoup son expression « rencontre d’âmes » pour décrire la cohésion de l’équipe autour de son travail artistique. Mais j’aimerais vraiment être davantage utilisé dans le cinéma, dans les spectacles, dans la publicité… Récemment, je suis allé voir quelques films de la rétrospective de Dario Argento à la Cinémathèque. C’est magnifique. D’abord, il y a les titres des films, extraordinaires, comme Quatre mouches de velours gris. J’ai aussi vu Les Frissons de l’angoisse, mais la traduction française dessert le titre original, Profondo rosso (Profondeur rouge). La beauté de ces images vous entraîne, vous attrape, vous embrasse et vous attire littéralement, comme un suçon. J’ai trouvé une citation de Dario Argento qui me plaît beaucoup. Interrogé sur ses films, il parle de « récits absurdes ». C’est tout à fait ça.
Lorsque tu reçois les gens chez toi, lors de tes « performances » intimes, tu fais très attention à l’environnement sonore. Ecoutes-tu beaucoup de musique ?
J’ai mes morceaux fétiches, des airs que j’écoute à n’en plus finir. Dans Giulio Cesar de Haendel, l’air que chante Toloméo, dans l’acte I, scène 6. Je possède une version de ce rôle chanté par Derek Lee Ragin. C’est merveilleux parce que ce personnage a un ton très particulier, capricieux. J’adore ce passage. En variété, il y a la grande « diva » italienne Patty Pravo. J’ai un faible pour Pensiero stupendo, une très bonne chanson que j’ai récemment fait écouter à une copine. Elle commence de façon très classique, en écoutant les paroles, tu comprends que c’est une femme qui parle à un homme d’une autre femme. Eternel schéma. Mais en fait, elle n’a aucune colère ou rancune contre l’intruse. Ce n’est pas une scène de jalousie : c’est un plan à trois.
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