Révélée par un premier album chic et pop en 2017, la Lilloise est devenue l’une des chanteuses les plus populaires de l’Hexagone.
En quoi les années 2010 t’ont-elles changée ?
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Ce sont les années où je suis devenue “Juliette Armanet”. Des pieds à la tête. Je me suis comprise, accomplie et jetée dans le vide – ce sont un peu mes années folles (sourire). Ça a été un processus très très long, mais c’était intrinsèquement nécessaire dans mon parcours. Je n’aurais pas pu faire ça à 25 ans, justement. Il a fallu attendre, m’attendre ! Je sens bien aujourd’hui que j’ai 35 ans, j’adore ça, je me préfère vraiment maintenant ! Et puis, j’ai eu du bol, tout est allé au-delà de mes espérances, à commencer par enregistrer un disque qui me plaise. Car je suis une éternelle insatisfaite de nature… C’était inespéré. Et puis, le vrai truc, c’est la scène ! J’ai eu tellement de chance de pouvoir vivre 200 dates de tournée, dont 60 en étant enceinte ! J’ai grandi sur scène et rencontré mon public.
“Ce sont paradoxalement les concerts qui m’ont fait comprendre pourquoi j’avais fait cet album”
Ce sont paradoxalement les concerts qui m’ont fait comprendre pourquoi j’avais fait cet album. C’était précisément pour vivre ces moments-là, que ce soit à Strasbourg, à Magny-le-Hongre ou à l’Olympia. Sur scène, je me suis sentie complètement dans mon élément. J’ai appris aussi à jouer avec mon corps, à m’accepter un peu mieux, à plus rire de moi, à être un peu moins premier degré. Ça m’a fait du bien ! Bref, au cours de cette décennie, j’ai vécu des moments d’accélération folle, avec parfois des moments de vertige, de ralenti. Je suis passée par tous les tempi : slow, disco, techno (sourire) ! Ce sont des années où tout a changé pour moi, je ne pourrai plus jamais revenir en arrière. C’est ma nouvelle vie. Pas de retour vers le futur !
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Que retiens-tu des années 2010 ?
Les femmes ! C’est la décennie où nous avons clairement pris la parole. A tous les niveaux de la société. C’est un changement radical qui se ressent partout, en musique, en art, en politique, dans toutes les discussions de café et à tous les étages de la société. Enfin ! C’est un virage vertueux, car cette prise parole des femmes rejaillit sur toutes les autres identités, et ouvre en grand plein d’autres discussions, autour des hommes, des homosexuels.les, des trans. Bien sûr, comme toute révolution, ça confine parfois un peu à l’obsession médiatique et sociale, mais c’est un passage obligé donc, à mon sens, totalement nécessaire. Les vraies révolutions ne se font pas sans quelques coups de marteaux.
“Cette prise de parole des femmes ouvre en grand plein d’autres discussions, autour des hommes, des homosexuels.les, des trans”
Nous sommes devenus, précisément pendant cette décennie, une vraie génération politique. Evidemment, déjà, les attentats nous avaient malheureusement forcés à reprendre la parole, à se requestionner les uns les autres… J’ai le sentiment de vivre une époque assez décisive, et au fond, plutôt passionnante. J’étais un peu jalouse de mes parents qui avaient vécu les seventies à fond politiquement. C’est peut-être moins lumineux comme révolution, mais on a plus que jamais un rôle à jouer, on a de quoi parler, débattre, s’engueuler, et aussi, construire un futur différent ensemble. Il était temps ! Ça me plaît !
Comment envisages-tu les années 2020 ?
A titre personnel, j’espère une décennie pleine de surprises. Je suis curieuse de ce qui va sortir, ça m’intrigue ce nouveau disque. J’ai trop envie de me surprendre moi-même déjà, de m’amuser au maximum, de me découvrir des voies inconnues ! C’est marrant de repartir à zéro, on est vraiment à poil. Ça fait (presque) du bien. J’adore ce sentiment… Le vrai inconnu, quoi. Et sinon, de manière plus générale, là, tout de suite, je pense à la série Years and Years, qui justement, pose sa caméra en 2030 et c’est édifiant. On y voit des ados qui veulent devenir des puces numériques, des migrants parqués dans des camps, des krachs boursiers à répétition, des espèces animales qui disparaissent. Bref, c’est très, très noir.
Sans jouer la madame Irma catastrophiste, cela ne me semble pas du tout impossible que le monde prenne ce tournant infernal… On y est déjà en fait… Cette série d’anticipation a le mérite de nous pousser à nous interroger sur des points essentiels de nos vies. Qu’est-ce que l’on a envie de vivre et avec qui ? Comment aborde-t-on le monde, la nature, l’autre ? C’est loin d’être insouciant, et on souffre tous de ce poids qui moralise chaque acte de nos vies, mais se sentir un peu responsable du monde peut aussi donner beaucoup de force. Dans mon cas, ça me donne plus que jamais envie de chanter fort, de danser sans cesse, de partager des émotions de folie avec les gens. C’est ce que je sais faire, alors je vais m’y coller à fond. Advienne que pourri, advienne que pourra, je suis sur le coup dans tous les cas !
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