Sleaford Mods la joue plus littéraire, Offset s’émancipe de Migos en solo, Julia Jacklin témoigne de sa fascinante renaissance, Canine défie les codes de la pop made in France et IAMDDB remet Manchester sur la carte.
Sleaford Mods – Eton Alive [Extreme Eating Records]
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“On n’est même pas un groupe d’avant-garde décent !” s’étonne Jason Williamson, en nage dans sa loge après le premier concert triomphal de Sleaford Mods au légendaire festival anglais de Glastonbury en 2015, capté dans Bunch of Kunst – second documentaire qui leur est consacré. C’est que personne, pas même eux, n’aurait parié que ce duo, un père de famille au verbe haut et un nerd gay doué à la prod, tous deux aux allures de lads prolétaires dans leur quarantaine, deviendrait l’un des emblèmes de la pop culture UK de l’époque.
Le chemin qu’a pu parcourir un projet si peu avenant et d’une telle teneur politique, dans un pays où les charts demeurent malgré tout dominés par une pop bien cadrée, est un signe réjouissant, mais à relativiser, selon Williamson : “On est tolérés jusqu’à un certain point, on n’est pas totalement dedans. La nature de notre musique nous empêche d’intégrer le vrai mainstream, bien heureusement.”
Dans ce dernier album, la formule n’a pas bougé : les mêmes boucles post-punk et hip-hop et ce fameux spoken word en tranches épaisses. Soucieux de ne pas trop se caricaturer, la posture politique a cependant été diluée dans un travail littéraire plus crypté.
L’intégralité de la critique est à retrouver ici
Eton Alive est à écouter sur Apple Music.
Offset – Father of 4 [UMG]
Dans Father of 4, son premier projet sans Takeoff et Quavo, Offset s’est lancé dans une longue introspection. Même si la recette n’est pas fondamentalement différente de celle produite avec Migos, il est impossible de passer à côté du ton désabusé du rappeur de Lawrenceville, qui rappe le spleen avec lassitude. On le ressent dès la première partie de l’ouverture de Father of 4, nommée d’après l’album : une introduction solennelle qui annonce la couleur du reste du projet. Et c’est sans doute cette désillusion qui donne à l’album le peu de profondeur qui lui fallait pour ne pas sombrer directement dans les clichés de la trap.
Cependant, Father of 4 n’est pas fait que de douce déprime, bien au contraire. Il est exalté par des prods made by Metro Boomin et Southside ainsi qu’un casting prestigieux. On y retrouve J.Cole dans l’excellent How Did I Get Here, Travis Scott et 21 Savage dans l’ultra-puissant Legacy, Quavo dans le très efficace On Fleek ou même Cardi B qui balance un flow explosif dans Clout. Mention spéciale pour North Star, chanson dédiée à Cardi B qui dénote clairement du reste de l’album par sa douceur et par la participation du Soulman Cee Lo Green.
Salomé Grouard
Father of 4 est à écouter sur Apple Music.
Julia Jacklin – Crushing [Polyvinyl Record Co.]
Les titres de Julia Jacklin s’effeuillent comme les pages d’un roman graphique. Body, le premier chapitre de Crushing, son second album, raconte une rupture. Elle y pose de manière lente un ruban de voix étroit et légèrement élimé. Les images défilent. La police vient arrêter son compagnon à l’atterrissage d’un avion à Sydney. Celui-ci sort fièrement, rêvant déjà d’impressionner ses amis, alors qu’il s’est simplement fait surprendre un mégot à la bouche.
On entend le souffle de l’Australienne, les consonnes serrées entre les dents, comme pour retenir une dernière fois cet amour qui s’éteint en plein vol… ou pour mieux suspendre l’auditeur à ses lèvres. “Right there on the Sydney tarmac I threw my luggage down, I said I’m gonna leave you.”
L’intégralité de la critique est à retrouver ici.
Crushing est à écouter sur Apple Music.
Canine – Dune [Polydor]
“Sur la dune l’animal secret, le loup, la racine, la voix canine.” Retentissant comme l’hymne de ce disque, c’est sans aucun doute cet extrait du titre Bienveillance qui résume au mieux l’essence et l’identité du premier album de Canine.
Porté par sa voix grave, soul et dominante, par moments troublante d’androgynie, Dune s’entend comme l’aboutissement de tout le travail, la méticulosité et les efforts de Canine. Il faut dire qu’après un premier ep sorti l’année dernière et une poignée de singles plus que prometteurs, le premier disque de cette ambitieuse chanteuse d’origine niçoise se faisait attendre.
L’intégralité de la critique est à retrouver ici.
Dune est à écouter sur Apple Music.
IAMDDB – Swervvvvv.5 [Union IV Recordings]
Comme prise d’une stimulante fièvre créatrice, la nouvelle perle mancunienne IAMDDB semble enchaîner les EPs maîtrisés avec génie. Vendredi dernier, elle a dévoilé Swervvvvv.5, une petite pépite de plus à rajouter à la collection déjà bien fournie de la jeune artiste de 22 ans. A la rencontre de l’urban jazz, du r’n’b et du rap, ce projet détonne de par sa structure : s’il commence doucement avec l’hypnotisant Urban Jazz et le très r’n’b Wokeuptoflexxx (WUTF), et se conclut par l’envoûtant Diary Entries et l’apaisant I’m Home, c’est bien le rap et la trap qui dominent au centre de l’album, avec les puissants Sweg et Asss$. C’est clair : Swervvvvv.5 est une mosaïque de sons, à l’image de la voix suave de IAMDDB, ondulent et évoluent de chansons en chansons.
Salomé Grouard
Swervvvvv.5 est à écouter sur Apple Music.
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