Groupes, chanteurs, DJ, auteurs-compositeurs-interprètes : le choix des Inrocks.
Fauve ≠, 5 ans, groupe
Boule de neige et boule de feu, l’apparition de Fauve ≠ il y a trois ans fait l’effet d’un grand incendie incontrôlable. Les membres du collectif parisien balancent leur post-rock slammé pour sauver leur peau, réinventer leur vie, vider les poubelles de l’entrée dans la vie adulte. Et ce qui aurait pu rester un truc de potes tourne au phénomène national et générationnel. Fauve ≠ explose l’internet, remplit des salles de plus en plus grandes et invente les antihymnes de l’époque. Entre l’adhésion fanatique des uns et le rejet cynique des autres, il y a toute la place pour aimer Fauve ≠ un peu, beaucoup, passionnément. La boule de neige fera-t-elle long feu ? Fauve ≠ existera-t-il encore dans deux ans ? A la limite, on s’en fout. Fauve ≠ a déjà fait le plus beau, le plus dur : bousculer le ronron du rock en France, s’imposer par la force de sa sincérité, susciter des débats, parler pour tous à la première personne, montrer la voie à d’autres et niquer le blizzard, au moins le temps de quelques saisons. SD
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Frànçois Marry (Frànçois And The Atlas Mountains), 32 ans, musicien
Depuis qu’il émarge sur un des labels anglais les plus chic au monde, Domino, le Charentais a vu son orchestre précieux atteindre les sommets artistiques que son nom suggérait. Entre pop sensible et groove africain (cf. leur ep L’Homme tranquille), une autre façon de voir la musique à 360 degrés. Dans la cordée des Atlas Mountains se profile aussi une pépinière de side-projects tout aussi indispensables : Petit Fantôme, Archipel, Babe, Jaune… CC
Jeanne Added, 34 ans, chanteuse
Avant d’éclater au premier plan grâce à Be Sensational, son premier album publié cette année, Jeanne Added s’était presque habituée à l’ombre et au recul. Passée par le jazz et le lyrique, elle bouleverse les codes et les registres du rock grâce à une variété vocale inédite dans le paysage indé. Motivée puis encadrée par les conseils et la production de Dan Levy (moitié de The Dø), la chanteuse est la grande révélation scénique de l’année. AF
Chassol, 39 ans, compositeur, documentariste
Musicien surdoué, un temps compositeur et arrangeur pour la pub et le cinéma, Chassol livre son dernier projet, Big Sun, qui irradie bien au-delà de la musique : un disque et un film déclinés lors de performances live.
Tu proposes une nouvelle forme où la musique et l’image fonctionnent ensemble. Vas-tu continuer dans cette voie, ou penses-tu déjà à d’autres formes ?
Je vais poursuivre dans la recherche de sens en creusant un peu plus la forme documentaire lorsqu’elle fait par exemple revenir certains personnages dans sa narration. En gros, j’ai envie de suivre des personnages un peu plus longtemps qu’une seule performance. J’ai envie de filmer l’apprentissage et l’adolescence et aussi de chercher du côté de l’animation.
Quels sont les futurs outils technologiques qui pourraient te faire avancer ?
J’imagine des interfaces installées dans le corps, le cerveau, les mains qui permettraient de réduire le temps qui sépare la pensée de l’exécution. En gros, la télépathie avec l’ordi. Par exemple dire à son soft en pensée : “Superpose-moi des triades de flûtes alto ascendantes avec un tapis de seize cordes trémolo jouant des accords majeurs et fais arriver crescendo et filtrées ces voix d’enfants que je viens d’enregistrer dans le bus.” Mais bon, ces softs seraient ensuite distribués par des grosses boîtes dont le but est le profit et je ne crois pas que j’aimerais avoir un de leurs composants dans mon cerveau, même si cela augmenterait ma capacité à penser de la musique.
Te sens-tu en phase avec les mutations actuelles de la diffusion de la musique (internet et dématérialisation, en gros) ?
Je me sens en phase avec mon époque, j’écoute la musique que je n’ai pas sur CD, vinyle ou dans mon ordi sur YouTube avec un sale son qui ne me gêne pas. J’ai toujours aimé l’idée d’une musique plus que son son. J’ai passé mon enfance à faire rewind sur des radiocassettes avec un son pourri, mais qui m’allait. En gros, je ne sens pas vraiment la différence entre le physique et le virtuel. Tout fait partie de la nature, donc ce sont les idées qui comptent, un peu plus que leur vérité physique.
propos recueillis par SD
Joke, 25 ans, musicien
Il est né à Narbonne, a grandi à Montpellier et s’est emparé de toute la France avec son premier album, paru l’année dernière et qui donne à entendre une certaine vision du rap d’aujourd’hui : ça fume, ça traîne, ça frime et ça invente un monde – un peu comme chez Booba ou Kaaris, le culturisme en moins. Ce qu’il a de plus, Joke, ce sont des clips technophiles au Japon, un look hybride et un dernier ep génialement titré Delorean Music. Direction le futur, donc. MdeA
Clara 3000, 25 ans, DJ
D’abord stagiaire au sein du label Ed Banger, Clara 3000 a assuré son tout premier DJ set pour la première partie d’un concert de Justice. La Parisienne a ensuite affirmé son style au sein du label collectif Kill the DJ, avec lequel elle décloisonne les soirées hype de la capitale. Quand elle ne joue pas pour Chanel ou Hermès, ses inspirations techno, hip-hop et post-punk glacent la structure contemporaine de remixes sombres, dansants et décharnés. AF
Christine And The Queens, 27 ans, chanteuse
En un album et une poignée de clips ambitieux, Héloïse Letissier s’est imposée comme l’artiste française la plus influente. Très travaillé, son univers fait entrer en collision hip-hop et chanson française, Christophe et Kanye West, art visuel et culture queer.
Dans sa nouvelle offre de streaming, Apple demande aux artistes d’interagir avec leur public. Comment vois-tu évoluer cette relation ?
Les réseaux sociaux permettent une relation de plus en plus directe avec sa fan-base. Ce qui me fait peur, c’est l’obsession du “contenu”. Plus il y a d’offres ou de plate-formes – Apple, Tidal, Spotify, etc. –, et plus on demande à l’artiste de produire du contenu exclusif. J’ai du mal à répondre à cette demande. Ça sert à quoi d’être plus proche s’il n’y a plus de sens, comme un geste phatique pour dire : je suis là ? Chaque artiste doit inventer sa façon de communiquer, à l’instar de Grimes, qui écrit des longs textes, ou Lorde, géniale sur Twitter ou sur son Tumblr. Je pense qu’il faut utiliser internet comme un réseau. Ce n’est pas forcément aux artistes de l’alimenter. Les gens qui nous suivent peuvent également être force de proposition. Tu sens qu’en tant que fan de Grimes, tu peux potentiellement lui faire découvrir quelque chose, un artiste ou autre, que dans “réseau” il y a “échange”.
Quel effet la dématérialisation de la musique a-t-elle eu sur la performance live ?
Aujourd’hui, le live est décisif. On doit se différencier dans la performance de sa retransmission sur YouTube. On essaie donc d’être de plus en plus créatif sur scène. Il y a des propositions très intéressantes. Kraftwerk, The Knife ont décollé totalement sur scène.
Esthétiquement, tu vois la musique évoluer comment ?
Indie et mainstream coexistent, se phagocytent. Le hip-hop est devenu la nouvelle pop, c’est une nouvelle grammaire, comme l’a longtemps été le rock. Tout est tellement hip-hop que des filles comme Sky Ferreira en deviennent un peu spé. Mais j’ai l’impression que le rock va revenir comme mouvement “fashion indé”, comme lorsque Rihanna et Kanye West font un morceau avec McCartney. propos recueillis par GS
Nekfeu, 25 ans, rappeur
Révélé grâce à la percée de différents collectifs au début des années 2010 (S-Crew, L’Entourage, 1995), Nekfeu a sorti son premier album solo (Feu) au début du mois. Un disque en forme d’hommage au rap français des années 90 dans lequel le jeune Parisien assume l’héritage et l’inspiration de ses idoles musicales et littéraires. De Jack London à Maupassant en passant par Kundera, Nekfeu invite le souvenir de ses lectures dans le rythme soutenu d’un album très référencé, marqué par un nombre incalculable de repères stylistiques empruntés à Booba, Fabe, Doc Gynéco ou encore MC Solaar. Du haut de ses 25 ans, Ken Samaras (le vrai nom derrière l’alias) prouve qu’il a digéré une grosse partie de l’histoire du rap français. Et sa résonance médiatique compile désormais les hashtags énamourés de sa fanbase adolescente sur Twitter et les articles élogieux de la presse spécialisée. AF
Brodinski, 28 ans, DJ, compositeur, producteur
Né en 1987 à Saint-Brice-Courcelles, dans l’agglomération rémoise, Brodinski fait déjà figure d’ancien dans les playlists techno. DJ hyperactif, le musicien a sorti son premier ep à 20 ans, monté son propre label (Bromance) à 24, coproduit deux morceaux sur le dernier disque de Kanye West et transporté ses platines derrière les pupitres du monde entier. Brava, son premier album, est sorti en début d’année pour stabiliser son inspiration et confirmer l’ascendance hip-hop de ses créations électroniques. AF
Flavien Berger, 28 ans, musicien
Auteur d’un premier album dada et psyché (Léviathan), le jeune Parisien écoute le monde à travers son ordinateur.
T’inscris-tu dans une quelconque avant-garde ?
Pas vraiment. Je ne vois pas les cycles d’influence comme des cercles, et donc pas comme une succession cartésienne d’événements. Je les vois plutôt comme des rhizomes complexes, en trois dimensions. Je crois qu’une position moderne ne permet pas de considérer l’avant-garde comme un schéma avant/après.
Comment définirais-tu la contemporanéité musicale ?
Le contemporain, c’est ce qui se passe au moment où l’on vit. Et notre façon de vivre est conditionnée par les outils disponibles. En ce qui me concerne, je travaille beaucoup autour de la synthèse, qu’elle soit sonore ou visuelle. J’aime l’idée de rapprocher l’artificiel et le naturel, c’est-à-dire de mélanger deux mondes parallèles jusqu’à ne plus savoir l’origine de chacun. En fixant longtemps la mer, par exemple, il est facile d’imaginer que c’est une image de synthèse qui se répète en boucle devant nos yeux.
Tu donnes des cours dans une prépa art. Qu’essaies-tu de faire avec tes étudiants ?
Je mets sur la table mon expérience des études (il est passé par l’Ecole nationale supérieure de création industrielle de Paris – ndlr) et de certaines expériences professionnelles, notamment musicales. Mais il y a une confrontation entre ma culture et celle des étudiants en face de moi, qui ont parfois cinq ou dix ans de moins que moi. Et ça c’est génial : ils me font découvrir beaucoup de choses. Et ils viennent souvent à mes concerts, donc c’est cool ! propos recueillis par MdeA
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