Tout sur Leonard Cohen dans un Hors-Série collector dès aujourd’hui disponible en kiosque, accompagné d’une compilation de reprises des plus grands titres du Canadien. Retrouvez ici l’édito du magazine en avant-première.
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La dernière fois que je vous ai vus, c’était il y a quinze ans : je n’étais qu’un gamin de 60 ans, qui poursuivait un rêve un peu fou…”
C’est ainsi, sur le mode de l’autodérision, que Leonard Cohen a coutume d’ouvrir les concerts qu’il donne depuis un an sur les scènes du monde entier. Ceux qui ont eu le bonheur d’assister à ces retrouvailles ne le contrediront pas : oui, le Canadien n’est plus un gamin. Aujourd’hui, il serait plutôt un beau jeune homme de 74 ans, projetant sur son auditoire l’éclat de son génie poétique et musical, la lumière franche contenue dans les impérissables mélodies de Suzanne, Bird on the Wire ou I’m Your Man.
Pour tout dire, on n’imaginait pas le revoir ainsi, dans la force d’un âge qu’on croirait soustrait au travail d’érosion du temps. De plus en plus discret ces dernières années, il semblait s’être rangé des studios et des planches, goûtant enfin à l’une de ces retraites paisibles et intenses auxquelles les vieux combattants et les grands sages peuvent légitimement postuler. Il n’en était rien : ramené sur le devant de la scène par de sombres soucis financiers, Leonard Cohen a repris son errance, cette voie de l’exil qui, au fond, a toujours été la sienne. Partout, il a été accueilli avec une ferveur et une chaleur dont aucune star n’oserait rêver ; car de tels témoignages d’affection ne s’adressent qu’aux êtres chers. Il était normal que nous nous joignions à ces hommages.
Pour Les Inrockuptibles, Leonard Cohen est à la fois comme un parrain, un compagnon de route et un vieux frère. Noués dès le premier numéro de ce magazine, en 1986, les liens étroits qui nous unissent à lui nous ont valu de vivre de mémorables moments en sa compagnie – il en sera naturellement beaucoup question dans ces pages. Ils n’ont fait que se renforcer au fil du temps, au fur et à mesure que son nom et ses chansons s’imposaient dans l’esprit des artistes que nous aimions.
Ces liens, nous les avons tissés dans l’étoffe de l’admiration et du respect. Admiration pour une oeuvre d’une incomparable richesse, qui chante comme nulle autre la liberté périlleuse de l’oiseau perché sur sa branche, le destin du guerrier qui s’expose à la douce violence de l’amour, la lucidité de l’homme qui observe le chaos du monde depuis sa chambre nue. Respect pour le singulier parcours littéraire, musical et spirituel d’un homme qui a traversé son époque dans la plus souveraine solitude, sans jamais se plier à la dictature des modes ni aux servitudes volontaires acceptées par la majorité de ses contemporains. Ce hors-série est en définitive bien plus qu’un hommage : c’est un geste d’amitié, à l’image des nombreux hommages dont il fait toujours l’objet, comme le démontre le CD de reprises offert avec ce magazine. Rendez-vous dans quinze ans, dans cent ans ou dans mille ans, cher Leonard : soyez sûr que nous trinquerons une fois encore à votre belle jeunesse, et aux rêves si justes – puisqu’un peu fous – qui l’ont toujours portée.
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