Yours Truly, Angry Mob, deuxième album des anglais de Kaiser Chiefs, est à découvrir cette semaine sur lesinrocks.com. Ricky Wilson et Nick Hodgson répondent à nos questions et vous proposent de découvrir leur album en vidéos live et en écoute?
Avec Yours Truly, Angry Mob, les anglais de Kaiser Chiefs ont réalisé le deuxième album que l’on attendait d’eux : roublard, massif, taillé pour les stades comme pour les chambres de lycéennes. Si les détracteurs du groupe y trouveront une nouvelle fois de quoi médire sur les prétentions musicales du groupe, les autres (et ils sont nombreux) y trouveront largement satisfaction.
A l’occasion de la sortie de Yours Truly, Angry Mob, lesinrocks.com ont rencontré Ricky Wilson, chanteur, et Nick Hodgson, batteur, qui nous nous font partager un peu de l’aventure Kaiser Chiefs avec leur assurance « so british ». En prime, découvrez en vidéo live, enregistré à Berlin zn novembre dernier, deux titres du nouvel album, The Angry Mob et Heat Dies Down et en écoute un teaser l’album (durée 20mn environ) ?
Comment vous sentez-vous ?
Ricky Wilson : Physiquement, c’est affreux je suis malade comme un chien depuis deux jours. Mais psychologiquement, ça va, je suis assez excité.
Nick Hodgson : De mon côté, je me sens plutôt bien. Psychologiquement, je me sens plutôt calme.
C’est utile de rester calme, quand on vit un tel succès, non ?
Nick : Ca aide, oui.
Ricky : Beaucoup de groupes se lèvent le matin, et commencent par se maquiller, de se transformer en ce qu’ils seront sur scène, endossent leur costume de rock star. C’est assez dangereux. Mais nous n’entrons pas dans ce jeu, nous ne prétendons rien ?ça nous permet de rester plutôt normal, de conserver une certaine sécurité.
Et comment vous définiriez-vous, dans ce cas ?
Ricky : Je n’ai jamais essayé ou ressenti le besoin de me définir. Les autres le font pour moi, je suis d’accord ou pas, mais je ne suis pas capable de le faire. Ce serait très prétentieux.
Votre musique vous définit-elle ?
Nick : Tout ce qui touche au groupe nous définit. Nous sommes sans doute des gens plutôt terre-à-terre, plutôt normaux enfin, pas tout à fait normaux. Parfois assez ennuyeux. Mais on se marre beaucoup, on adore ce que l’on fait, on ne prend rien trop au sérieux.
Ricky : C’est marrant, beaucoup de gens, à partir du moment où ils sortent un disque, pensent que ce qu’ils ont à dire est capital dans la marche du monde. Ils vont au-delà de leur obligation d’écrire une bonne chanson. Pour nous, les chansons priment sur tout le reste. Des chansons pop, pas des grandes déclarations sur le cancer ou je ne sais quoi.
C’est votre conception de la pop music, simplement de bonnes chansons ?
Ricky : Mais ça n’empêche pas l’inspiration. Même les chansons pop les plus pop peuvent avoir un fond, un moment d’inspiration qui les mène. On ne donne jamais d’ordres, on n’essaie pas d’influencer les individus dans nos morceaux, on ne prêche pas ; mais ça ne nous empêche pas d’observer, de commenter à notre manière ce qui se passe dans le monde et dans les vies.
On vous voit comme un pur groupe d’entertainers’ C’est pour vous une insulte, ou un compliment ?
Ricky : Nous ne sommes pas des entertainers au sens pur du terme, nous ne sommes pas Robbie Williams, nous ne sommes pas des clowns. Mais je suis ravi que nous divertissions les gens, c’est ce que tout groupe devrait être. Certains groupes restent en dehors de toute conception d’amusement, ils veulent faire de l’art, se piquent de provoquer des émotions extrêmement complexes et profondes. Nous ne sommes pas superficiels, mais je pense quand même que notre but premier est de faire passer un bon moment aux gens qui nous écoutent. Pourquoi aller voir un groupe sur scène si tu n’y prends pas plaisir ? On ne cherche pas non plus à provoquer des fous rires dans le public, on veut juste qu’ils en aient pour leur argent et s’amusent un peu.
Y a-t-il de la subversion dans ce que vous faites ?
Ricky : Oui, et ça a toujours été le cas. Les gens n’ont souvent saisi qu’un aspect de ce qu’on a fait avec le premier album, ils n’ont vu que des jolies et joyeuses chansons pop. Mais si tu te penches sur les paroles, elles sont souvent assez sombres, amères, pleines de colère.
Nick : Je me sens subversif, la plupart du temps. Je pense que c’est notre cas à tous. Je ne veux pas qu’on me dise ce que je dois faire, je ne veux pas m abandonner au système.
Vous avez tourné sans cesse depuis le premier album. Y a-t-il eu de la lassitude, de l’épuisement ?
Nick : Jamais en concert, je ne crois pas.
Ricky : Mais nous nous sommes beaucoup ennuyé quand même. Certains groupe disent que tout est merveilleux dans la vie d’artiste en tournée, d’autres déclarent que c’est absolument affreux : la vérité se trouve entre les deux. C’est vrai pour tout le monde. Des hauts, et des bas. Il ne faut pas se leurrer : ça paraît extraordinaire, mais dans ses grandes largeurs, la vie de groupe est assez commune, finalement. On me demande souvent comment je fais pour écrire des morceaux comme une personne normale Une « personne normale » : les gens ne comprennent rien, nous sommes des types absolument normaux. On ne voyage pas dans des jets privés, à regarder le monde du ciel, « observez ! des gens normaux !» Peut-être sommes nous des gens normaux plongés dans un monde anormal.
Nick : Je me sens pour ma part assez spécial.
Ricky : Il a l’air de plaisanter, mais finalement, il n’a pas tout à fait tort. Il faut quand même se sentir un peu spécial pour continuer à essayer de faire ce que l’on fait, pour ne pas abandonner. Si tu demandes à des gamins ce qu’ils veulent faire de leurs vies, 9 sur 10 vont te répondre qu’ils veulent être des rock stars. Mais les chances d’y arriver sont plutôt minces’ Il faut peut-être un petit supplément de quelque chose pour y arriver.
Votre succès vous a-t-il effrayé, à un certain moment ?
Nick : C’est au tout début que je me suis senti un peu effrayé, en 2005. Avant que l’album ne sorte, pendant les interviews, tout le truc qui va avec. Notre manager était à fond, il a rempli nos agendas pour des mois, c’était un peu épuisant -il n’avait jamais connu un succès comme celui-là, il ne savait pas comment s’y prendre.
Ricky : Je pense que le moment le plus flippant pour nous a été notre premier vrai retour à la maison, après avoir pas mal voyagé, fait des concerts un peu partout. On est sorti, comme avant, et d’un coup tout le monde voulait se tenir à nos côtés, tout le monde était à nos baskets, des gens qu’on ne connaissait même pas. Assez flippant. Des gens que je ne connaissais que de vue, qui ne me disaient même pas bonjour, se retrouvaient à mes pieds’ Je me suis alors dit que ce serait comme ça pour le restant de mes jours.
Et cet énorme carton, vous le vouliez, consciemment ?
Nick : Pas vraiment. Au départ, ma définition du succès était de réussir à se faire signer sur un label. Une fois signé, je me suis dit que ce serait extraordinaire de réussir à remplir une salle de 2000 personnes en Angleterre. Puis ça a été plus loin.
Vous avez besoin que ça aille plus loin encore, pour être heureux ?
Nick : Non, on a juste besoin de rester capable d’écrire de bons morceaux
Ricky : Et puis ce succès n’est qu’un effet secondaire de notre génie, rien de plus (rires)?
Et si vous ne vendiez que dix exemplaires du second album ?
Nick : Je serais très surpris, choqué. Nous avons fait un très bon album. Ca n’arrivera pas. Mais si on vend 20 000 albums, ce qui constitue un flop réaliste, alors tant pis, on ne peut rien y faire. Et on est déjà allé assez haut : tout ce qui arrive après avoir été signé, même le fait de pouvoir enregistrer un album, est un bonus. Aucun regret à avoir. On en rigolerait, on ferait autre chose. Un autre album, sans doute. Sans panique.
Ricky : Nous sommes assez convaincus d’avoir fait du mieux possible.
Et les Etats-Unis, ce graal des groupes britanniques ?
Ricky : On y a sacrément bien marché, beaucoup mieux que ce que l’on pensait. Pas aussi bien que My Chemical Romance ou Bloc Party, mais on a vendu plus d’albums aux Etats-Unis que nous pensions en vendre en Grande-Bretagne. C’est pas mal, non ?
Nick : Et ça ne m obsède de toute façon pas. Si on cartonne là-bas, tant mieux. Sinon, tant pis. Non, en fait, je plaisante : on a vraiment envie de conquérir l’Amérique.
Vous avez une grande philosophie du single
Ricky : Nous adorons écrire d’énormes refrains, que les gens peuvent reprendre en c’ur. On aime les tubes. Ils sont excitants. C’est un étrange phénomène, quelque chose d’un peu magique, qu’on ne comprend pas, dont on ne comprend pas le fonctionnement. Ils ont un effet incroyable sur les gens. Si on se force à écrire un hit, ça ne marche pas, ça n’a pas le même effet. Bon, en même temps on a quand même peut-être un peu cherché à écrire des tubes’
Que pensez-vous de la scène musicale, aujourd’hui ?
Nick : Des tonnes de groupes, très peu de grandes chansons.
Ricky : C’est ce qui arrive quand beaucoup de groupes à guitare envahissent la scène. Peu sont prêts, beaucoup ne sont pas suffisamment bons pour être signés. Beaucoup de déchet.
Et avez-vous l’impression de faire avancer les choses ?
Ricky : En permanence, oui. Mais on ne peut le faire que personnellement, on ne peut pas le faire pour quelqu’un d’autre. Donc on essaie d’avancer sur nos albums, en l’occurrence sur notre deuxième album
Nick : On voulait prouver à tous ceux qui prédisaient notre mort qu’ils avaient tort. On a voulu continuer à surfer sur le succès. On savait qu’on avait besoin de faire un très très bon album. Parce qu’il y a souvent une certaine jouissance, un peu morbide à voir un groupe se casser la gueule, notamment lors du moment fatidique du deuxième album.
Ricky : Impossible de faire un peu mieux. Il fallait faire beaucoup mieux. Il fallait que ça se remarque.
Nick : On voulait qu’il y ait plus de guitares c’est venu de nos tournées, on voulait que le deuxième album sonne comme il serait joué sur scène, à l’inverse d’Employment.
Et à part avoir autant de succès, aviez-vous un autre but ?
Nick : Bon, ce n’était pas non plus vraiment un objectif. Autre chose : on joue dans des salles immenses en Grande-Bretagne, on voudrait que ce soit la même chose quand on traverse la Manche ou l’Atlantique. C’est agréable de jouer dans de petites salles, mais on veut simplement avoir le choix.
Ricky : On veut avoir le choix, on veut pouvoir le faire si on le veut.
Nick : J’adorerais jouer au Zénith à Paris. J’y jouerai.
Ricky : On veut toujours jouer devant un maximum de gens. Je ne crois absolument pas au discours stipulant qu’un bon concert ne peut se faire au delà de certaines limites, qu’un concert doit impérativement mettre en scène une relation d’intimité entre le groupe et son public. Au contraire. Des milliers de personnes ensemble peuvent créer une atmosphère bien plus prenante, bien plus puissante des milliers d’individus attentifs aux mêmes choses aux mêmes moments, c’est quand même extraordinaire. Et puis nos refrains sont bien plus efficaces s’ils sont chantés par des foules bien massives’
Et les stades ?
Nick : On adore : On ne l’a fait qu’avec U2. Et c’était génial, on était dans la position de l’outsider, personne ne nous attendait vraiment La surprise est d’autant plus grande
Que pouvez-vous me dire de Stephen Street, qui a produit l’album ?
Nick : Il a une hygiène de vie très sévère. C’est un bon et sérieux père de famille, il n’aime pas travailler à des heures indues. Il ne picole pas non plus. Mais on l’a forcé : il a fini par terminer tard, par boire un peu, se marrer avec nous. Il n’avait pas le choix : on était loin de chez lui, à Reading, et il était obligé de rester avec nous tout le temps.
Avec l’aimable autorisation de Polydor