Avec son premier album solo en deux ans, le Californien ralentit sa production pour jouer au fantôme derrière ses machines.
Lorsque Tony Visconti reçoit un appel impromptu de David Bowie au cours de l’année 1976, le producteur new-yorkais, bien qu’éconduit quelques mois plus tôt avant l’enregistrement de Station to Station, devine qu’il lui faudra reprendre du service à l’instant même où le téléphone sera raccroché.
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“Je suis avec Brian Eno et nous avons décidé de faire un album assez étrange, que l’on voudrait que tu coproduises. Qu’est-ce que tu pourrais apporter à ce projet ?”, lui lance le Thin White Duke. “J’ai des équipements numériques dans mon studio, dont un, appelé Harmonizer, que je viens tout juste de récupérer, répond-il. Pour décrire son effet, je dirais qu’il te fout en l’air la chaîne du temps.”
Un net ralentissement dans la production
Ty Segall n’a jamais caché son adoration pour le glam, T.Rex et Ziggy Stardust. Mais alors que la croissance de sa discographie en solitaire ralentit d’années en années, il paraît évident que les derniers albums du blondinet de Laguna Beach suivent davantage les préceptes issus de l’ouverture magistrale de la trilogie berlinoise de Bowie, Low (1977) : un son, une vision, et qu’importe si la chaîne du temps s’en trouve bouleversée.
Habitué à enchaîner les sorties annuelles depuis 2008, souvent à raison de deux voire trois LP solo par an, le Californien ne cesse de lever le pied au profit d’albums peaufinés au long cours et centrés essentiellement autour d’une idée fixe. En 2019, First Taste relevait le défi d’être enregistré sans guitare. Deux ans plus tard – une éternité dans sa trajectoire –, Harmonizer ambitionne d’allier l’analogique au numérique pour mieux rehausser toute puissance sonore.
Conçu à l’origine comme un disque hermétique fait d’électronique et de boîtes à rythmes, où guitares, voix et synthétiseurs sont traités en direct par des machines sans recourir aux micros traditionnels, ce nouveau long baigne dans la hi-fi, à grand renfort d’Harmonizer.
Sous la supervision de Cooper Crain, tête pensante de Bitchin Bajas, et l’impulsion de ce fameux outil permettant de modifier la hauteur du son pour doubler la moindre piste et en décupler la force, l’ensemble n’a jamais paru aussi heavy (Erased, Waxman et leurs riffs imposants) que soigné (les géniales Pictures et Ride). “Don’t you wonder sometimes about sound and vision ?”, interrogeait Bowie sur la face A de Low. Ty Segall a livré sa réponse.
Harmonizer (Drag City/Modulor). Sortie le 29 octobre.
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