Pour tromper l’ennui et déjouer l’annulation de festivals et de tournées entières, les artistes se produisent chez eux pour des performances inédites sur leurs réseaux sociaux.
Avant même le confinement imposé à tout l’Hexagone, depuis mardi 17 mars midi, la vie culturelle, et particulièrement musicale, était à l’arrêt. Avec l’interdiction gouvernementale des rassemblements de plus de cent personnes, survenue graduellement un vendredi 13, la question se posait déjà : où voir de la musique live ?
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Les artistes les plus prompts n’ont pas manqué de s’activer avant les annonces présidentielles. Dès lundi 16 mars à l’heure apéritive, Christine And The Queens se produisait en direct du prestigieux Studio Ferber avec le pianiste Vincent Taurelle – un rendez-vous “pour tromper l’ennui” sous l’incontournable hashtag #ensemblealamaison et retransmis depuis son compte Instagram.
“Concepts douteux et invités mystère sont à prévoir dans les jours qui viennent”, prévenait-elle. Dès le lendemain, elle se rabattait dans son domicile parisien pour une séance chorégraphique improvisée et décontractée.
Confinement oblige, d’autres emboîtaient le pas, comme Keren Ann qui organise, chaque soir à 22h, un concert unplugged depuis son appartement montmartrois, annonçant prochainement une soirée dédiée à Montmartre, une autre au blues.
De son côté, Benjamin Biolay postait une photo de sa guitare Gibson, avec le message suivant “Elle et moi. On vous prépare des petits trucs. Si vous avez des envies, n’hésitez pas”, sous le double hashtag #jevaisfairelejukebox #dondeestamibanda. Et, effectivement, on a pu le voir et l’entendre reprendre Henri Salvador (Syracuse), The Beatles (Good Night), Barbara (Dis, quand reviendras-tu ?), Etienne Daho (Epaule Tattoo) ou encore Serge Gainsbourg (Couleur café, Ah ! Melody). Au point de se prendre littéralement au jeu vespéral, dédicaçant sa cover de La nuit je mens de Bashung “aux amoureux des nuits blanches, les amoureux séparés, les amoureux tout court”.
Idem pour Bertrand Belin réinterprétant La Limonade de Dick Annegarn. L’Helvète overground Stephan Eicher, lui, a préféré s’installer dans sa cuisine, assis devant son clavier vintage pour une version désopilante du bien nommé Combien de temps. Jouer confiné, c’est aussi une manière pour les musicien.nes de s’occuper l’esprit, entre deux obligations parentales, familiales et domestiques, à défaut d’être en studio ou en tournée. Même si l’Américain Marc Rebillet, musicien électronique et youtubeur réputé, s’est lancé dans un Quarantine Livestream Tour, diffusé tous les jours sur YouTube.
A l’instar de la propagation du Covid-19, les initiatives pullulent pour lutter contre les nouvelles anxiogènes du monde. En sus de remettre l’intégralité de ses 54 Soirées de poche en ligne sur YouTube – dont certaines mémorables avec Feist, Beirut, Angel Olsen, Mac DeMarco, Frànçois & The Atlas Mountains sont absolument à (re)voir –, La Blogothèque a lancé les Stay Away Shows où, chaque soir à 19h (au moins jusqu’à fin avril), des artistes jouent trois, quatre morceaux depuis chez eux.
Francis Lung (WU LYF), Okay Yaya et Andrew Bird ont été les premiers à répondre à l’appel. Quant à notre Loner préféré, Neil Young offre des Fireside Sessions réalisées depuis chez lui, au coin du feu, et avec sa femme et actrice Daryl Hannah derrière la caméra.
A Berlin, la plateforme de streaming United We Stream propose, chaque soir, le plus grand club virtuel au monde en réunissant des DJ’s (Claptone, Ellen Allien, Monika Kruse) qui se produisent en direct d’un des différents clubs de la capitale allemande (Watergate, Tresor, Kater Blau, Rummels Bucht, Griessmuehle, Sage Club, Salon zur Wilden Renate, Sisyphos, Anomalie, Zur Klappe, etc.).
https://www.youtube.com/watch?v=MQY9Ygh2NG0
Pour lutter contre l’isolement et continuer à faire la fête, le pionnier Laurent Garnier avait anticipé la question dès la fermeture des salles de concert et des boîtes de nuit et fait paraître un mix de sept heures enregistré à Tokyo à l’automne dernier. “En cette période très difficile, expliquait-il, je suis de tout cœur avec les personnes touchées par ce virus dans le monde entier, ainsi qu’avec tous ceux qui travaillent dans les clubs, festivals et lieux de rencontres qui ont dû fermer. Nous avons de la chance d’avoir encore de la musique, alors jouez-la bien et fort et dansez toute la nuit.”
Outre-Atlantique, où le confinement n’est pas généralisé à tout le territoire mais seulement à quelques Etats (notamment New York et la Californie, l’Illinois et le New Jersey), des groupes n’ont pas attendu la valse-hésitation de Donald Trump, à l’instar de The War On Drugs, qui s’est lancé depuis vendredi soir dans le partage de musique en temps de confinement, avec des live sessions filmées depuis le studio d’Adam Granduciel.
Son compatriote Ben Gibbard, le leader de Death Cab For Cutie, donne rendez-vous tous les jours à l’heure du goûter sur la West Coast pour un set acoustique. Dimanche, l’Australienne Courtney Barnett a monté un “concert des salons” avec quelques ami.es (Lucius, Sharon Van Etten, Jonathan Wilson) pour récolter des fonds dans la lutte contre le Covid-19.
Encore une fois, cette séquence liée à la pandémie du coronavirus montre la désintermédiation totale des labels et des médias au profit des relations directes entre artistes et public, un effet démultiplié par les réseaux sociaux. Une autre “réévolution” accélérée en cette année 2020 déjà historique.
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