Pour l’instant toujours autorisé par la loi, le melting-pot euphorisant et contagieux du Peuple de l’Herbe sillonne la France, distribuant joie et sueurs chaudes.
En vertu d’un snobisme tacite en vigueur de longue date dans la musique, un disque grave et mélancolique sera toujours jugé supérieur à un album joyeux. Comme si l’allégresse ne pouvait, contrairement au spleen, toucher l’être au plus profond et ce, alors que tout artiste sait pourtant combien la joie est plus difficile à exprimer et à communiquer que la désolation. Justement, on aime Le Peuple de l’Herbe pour son cocktail euphorisant, pour sa gaieté communicative sur disque et sur scène, pour ses collages ludiques bourrés de clins d’œil, pour son univers mutin et sa simplicité. « Nous faisons de la musique populaire et nous le revendiquons. C’est de la musique pour la tête et les pieds qui ne se prend pas au sérieux, contrairement à une tendance électronique très intellectuelle, sans élan, qui oublie la notion de plaisir. » Constitué de quatre DJ hip-hop, dont un batteur et un trompettiste, venus pour trois d’entre eux de la scène rock alternative, ce groupe lyonnais n’a pas de formule toute faite, pas d’a priori stylistiques et surtout pas l’ambition de de révolutionner la musique. Pourtant, Stani, Pee, Psychostick et N’Zeng ont su non seulement mélanger avec une fluidité record une colossale somme d’influences et de références hip-hop, dub, jazz, acid-jazz, reggae, house, drum’n’bass, rock, dialogues de films etc. mais aussi faire remarquablement passer l’épreuve de la scène à leur jouissive leçon de hip-hop instrumental azimuté. Comme a pu le constater le public des dernières Transmusicales et de la récente tournée d’Asian Dub Foundation, rares sont les équipes live aussi convaincantes au sein de la musique électronique et ce malgré l’absence du moindre chanteur. Ici N’Zeng, jeune trompettiste jazz, tient le devant de la scène, improvisant sur le ping-pong cascadeur de Stani à la programmation et de Pee aux platines, qu’électrise la batterie tout en nerfs de Psychostick. Certes, dans la cave glaciale qui leur sert de lieu de répétitions, nous avons frôlé la congélation en doudoune. Mais sa science du live, Le Peuple de l’Herbe la doit autant à la froideur proverbiale du public lyonnais « Ça nous a aguerris » qu’à la riche expérience en rangs dispersés des quatre insectes sur la scène rock, punk, rap, reggae et jazz. Les soirées Groovembar, organisées par Stani et Pee pour secouer l’apathie nocturne de la capitale des Gaules, ont servi de laboratoire. Le duo, qui officiait à quatre mains aux platines, invita d’abord des musiciens à pimenter son set trip-hop-house avant d’intégrer définitivement Psychostick et N’Zeng. Défendu aux premières heures par Radio Nova, qui accueillit en rotation lourde Herbman skank puis PH theme, le groupe finit l’été dernier sans trop y croire par sortir un album après avoir pris soin de monter son propre label indépendant, Supadope. Les tournées ébouriffantes, le bouche à oreille et la composition de titres pour la BO de Baise-moi, le film de leur amie Virginie Despentes, ont fait le reste. Du hip-hop, le groupe a tiré son esprit d’ouverture originelle pour toutes les musiques et sa capacité à faire des miracles avec trois fois rien. De la scène rock alternative il a gardé le goût pour l’indépendance et le détournement, mais aussi l’exigence sociale comme les concerts à prix serrés. De la techno, il a conservé l’idée de l’anonymat, préférant se retrancher au maximum derrière les visuels du graphiste Patrick Neumager. La pochette de l’album Triple zéro, un chien boxer tenant dans sa gueule une feuille de marijuana, levait d’ailleurs d’emblée toute équivoque quant à leur nom à double tranchant. L’écoute du disque, articulé autour de la thématique cannabis, ne laisse planer aucun doute. « On n’est pas militants, on ne fait pas de prosélytisme, mais on ouvre à notre façon le débat. Autour de nous, tout le monde fume mais personne n’ose en parler à ses parents ou à son médecin. Nous, au moins, avec l’album, nos parents savent à quoi s’en tenir. »
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