Niché au 8 passage Josset, dans le onzième arrondissement parisien, cette institution fréquentée par tous les musiciens de la planète célèbrera, le 25 mars au Trabendo, son quinzième anniversaire. Au programme : un live band, une tombola, un blind-test géant, des reprises mythiques et même Dave Haslam, DJ de la mythique Haçienda.
“On s’est fait tirer quelques posters”, nous rencarde Djavid Rawat. Le patron du Motel l’a mauvaise quand il repense à celui du Tigermilk, de Belle & Sebastian. L’affiche à l’effigie du premier album des Écossais était “numérotée et tout”. Un soir, après la fermeture, elle avait disparu. Il poursuit : “Une autre fois, c’était un de Sebadoh, fixé bien en hauteur. Pendant la soirée, un type a tweeté : ‘Il y a un connard qui est en train de voler le poster de Sebadoh.’ Mais fais quelque chose au lieu de raconter ça sur Twitter, non ?”
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Des histoires de posters, Djavid en a un paquet. Une autre : un jour, Patterns, un groupe de Manchester, n’a nulle part où dormir après un show parisien et décide de passer la nuit au Motel. Pour remercier le patron du bar, ils offrent une belle affiche encadrée des plans de l’Haçienda, club mancunien mythique. Quelque temps plus tard, Peter Hook en personne, de passage à Paris pour la promotion de son bouquin, signera ledit plan. Culte. Mais pas aussi culte que le poster des Smiths, flanqué sur le mur du petit passage qui sépare les deux salles du rade parisien, vandalisé par un inconnu qui en a fait un glory hole après avoir arraché la tête de Morrissey. Le geste politique fort d’un pro-Johnny Marr.
Havre de paix embué
Si les murs du Motel ressemblent aux murs de votre chambre, c’est parce que la poignée de passionnés qui a monté ce bar de quartier, niché 8 passage Josset, à quelques encablures seulement de Bastille, voulait en faire un havre de paix pour musiciens. Marquée au fer rouge par la pop indépendante de l’après-punk et biberonnée aux bières du Pop In rue Amelot, un peu plus loin, l’équipe fêtait le 20 février dernier les 15 ans de ce bar iconique où beaucoup ont trouvé une famille de substitution. En 2007, le bar ouvrait le jour qui aurait marqué le 40e anniversaire de Kurt Cobain. Djavid : “Avec Mathias, l’un des quatre fondateurs, on faisait des reprises indie dans des bars kabyles en 2005. C’est un peu ce qui nous a donné envie d’ouvrir un rade. On voulait retrouver cette ambiance ; les gens qui ne connaissent pas forcément finissent toujours par parler ensemble.”
Le Motel devient vite un repaire de musiciens. Derrière le bar, les types qui vous servent sont ceux que vous avez croisés la veille sur scène dans une salle parisienne. D’autres, comme Samir, se rappellera à coup sûr du prénom de votre neveu et vous présentera la moitié du bar avant même que vous ne commandiez une IPA. Peter Doherty, Animal Collective, The xx, The Thrills ou encore les Pastels et Clara Luciani ont joué au Motel (ne serait-ce qu’un DJ set), d’autres, comme Alex Cameron, Mac DeMarco ou encore Altin Gün ont l’habitude d’y organiser leur after-show. Les quelques privilégiés ayant eu le droit de franchir la porte interdite, surmontée d’un glorieux portrait de ce lad de George Best et qui mène à l’arrière-boutique du Motel, ont eux aussi leur lot de souvenirs à raconter : Peter Hook, Of Montreal et même Thurston Moore y sont passés.
Djavid nous lit un message de Fuzati, du Klub des Loosers, qui a monté son groupe live avec des habitués du lieu : “Quand on y pense, c’est incroyable l’impact que ce bar a eu sur la musique. Le nombre de connexions entre musicien·nes qui se sont retrouvé·es à jouer ensemble parce qu’ils se sont rencontré·es au Motel est hallucinant. Le Motel, c’est vraiment une franc-maçonnerie de la musique en Île-de-France.” C’est aussi au Motel que Kevin Parker a croisé la route de Julien Barbagallo, batteur français du groupe Tame Impala. Les deux souhaitaient d’ailleurs un bon anniversaire au bar par l’entremise d’une vidéo postée cette semaine (à voir ici). Tali Marine Cohen, responsable du bar, se rappelle de l’écoute en avant-première du dernier album du groupe, au Motel : “Il y avait la queue jusqu’au bout de la rue. Je passais dans les rangs pour rappeler aux gens que Kevin Parker n’était pas de la partie. Entre temps, Kevin avait écrit sur ses réseaux que l’écoute se ferait au Motel, en précisant ‘met Julien there’. Les gens ont compris qu’ils allaient voir Julien, qui n’était pas là non plus.”
Le Motel, en prime-time
Tali, c’est la relève, selon les termes de Djavid. Débarquée jeune avec les baby rockeurs des Shades, elle est depuis presque un an maintenant la responsable du bar : “C’est elle qui a un peu sauvé le Motel, nous dit-il. Juste avant le Covid-19, on pensait vendre. Le sentiment d’être arrivé au bout d’une histoire. Dès les premiers jours du confinement, quand on a vu le nombre de personnes qui nous suivaient dans nos quiz en ligne notamment, on s’est dit qu’on ne pouvait pas faire ça. Il nous fallait quelqu’un pour reprendre le flambeau. Le bar doit être tenu par des gens qui ont entre 25 et 35 ans, pour qu’il vive. C’est un bar de musiciens, pour des gens qui aiment la musique. Aujourd’hui, il y a toujours des groupes qui viennent au Motel et c’est super.” Tali, quant à elle, se souvient d’avoir vu des gens pleurer à la réouverture.
Le Motel s’est par ailleurs fait connaître en organisant des quiz et autres blind-tests, karaokés et spectacles de stand-up : “On avait pensé organiser le concours du Plus grand fan de France, continue Djavid. On aurait élu le plus grand fan de Pulp, par exemple. L’idée est venu aussi de faire Le Motel’s Got Talent, avec des gens sur scène qui marchent sur les mains.”
Le 25 mars, au Trabendo (Paris XIXe), ça sera donc une version en prime-time de votre vie au Motel à laquelle vous assisterez. Maintes fois reportée, la grande fête “hors les murs” du bar aura bien lieu. Au programme : un blind-test géant, une tombola, un DJ set de Nor Belgraad (le groupe de Clément et Tigrou, deux piliers du Motel), un autre set de Dave Haslam, la légende de l’Haçienda, et, bien sûr, un grand concert. Baptisé Unknown Motel Orchestra, le backing band composé de fidèles du lieu jouera avec une belle brochette de musiciens, dont Alma Jodorowski et Benjamin Porraz, Olivier Marguerit, l’immense Mehdi Zannad, Lenparrot, Judah Warsky, le Klub des Loosers, ou encore Alexis Fugain et Thomas Subiranin de Biche. Pour la faire courte, beaucoup de musiciens déjà présents sur l’indispensable compilation Le Motel, ma maison (2017), sortie pour les dix ans du bar.
Aucun poster ne devrait être volé ce soir-là.
Les 15 ans du Motel au Trabendo (toutes les infos ici).
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