Miles Davis à la sauce cubaine, la Fanfara Tirana et un hommage au regretté Ravi Shankar, c’est le tour du monde musical proposé par Louis-Julien Nicolaou.
L’esprit de Miles Davis convoqué par Omar Sosa
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Nul mieux que le Cubain Omar Sosa, pianiste sismographe à l’écoute de toutes les pulsations musicales du monde ne pouvait rendre hommage à Kind of Blue, acte de naissance du jazz modal dans lequel Miles Davis, John Coltrane et Cannonball Adderley, sous l’influence de Bill Evans, abandonnèrent les complexités harmoniques du bop pour improviser librement à partir de couleurs et de gammes. Débuté en blanc islamique (Alejet, qui signifie « blanc » en arabe) au lieu du bleu attendu, poursuivi en rumbas sorcières et ballades recueillies, Eggūn s’abreuve à la même source spirituelle que son prestigieux modèle, les allusions et citations diverses de Miles inspirant à Sosa une musique profonde, immensément riche, vibrant d’Afrique, d’Espagne et de Caraïbes.
http://www.youtube.com/watch?v=9fLIEmxFYh8
Echos de la révolte arabe chez Bachar Mar-Khalifé
Fils du chanteur libanais, Marcel Khalifé, Bachar Mar-Khalifé est un compositeur et arrangeur soucieux de modernité. Si Who’s Gonna Get the Ball From Behind the Wall of the Garden Toda, son deuxième album, contient quelques reprises, pas question pour lui de les interpréter de manière passéiste. Au chant, aux claviers et aux samplers, épaulé seulement par Kid A le temps d’un inattendu Machins Choses de Gainsbourg, il se fait le résonateur de toutes les espérances, colères et amertumes liées au « printemps arabe ». Violente mais avide de vie, sa musique soutient parfaitement les textes qu’il chante. Pour preuve l’oppressant Marea Negra, une composition inspirée par le cri de révolte d’Ibrahim Qashoush, poète opposant au régime de Bachar el-Assad dont le corps a été retrouvé en juillet 2011, les cordes vocales tranchées.
http://vimeo.com/51286733
Kabatronics, les noces improbables Rencontre a priori impossible que celle d’une fanfare échappée de l’Orchestre Militaire des Forces Armées de la République d’Albanie avec des Anglais experts en syncopes dance hall et grosses basses hip hop. Mais quand les promis ont belle gueule, le mariage est heureux. Lancée sur des rythmes turcs, revêtue de sitar ou bercée par les cadences reggae apportées en cadeau par Transglobal Underground, la Fanfara Tirana part en éclats de rire et fonce tête baissée dans une de ces grandes fêtes loufoques et baroques dont les Balkans ont le secret.
Les Atlantes extravagants de Family Atlantica
Comme le nom du groupe l’indique, la musique de Family Atlantica réunit trois continents par-delà les immensités océaniques. Si la chanteuse Luzmira Zerpa est Vénézuélienne et le percussionniste Kwame Crentsil d’origine nigériane et ghanéenne, le multi-instrumentiste et meneur de troupes Jack Yglesias est quant à lui Londonien. Ajoutez à ce multiculturalisme initial quelques guest stars comme la légende du jazz éthiopien Mulatu Astatke, les Cubains de Yoruba Andabo et le Sénégalais Nuru Kane (qui vient de sortir Exile) et vous obtenez, pour ce premier album, un carnaval de rumbas, calypsos et blues, le tout baignant dans une ambiance obstinément festive et psychédélique.
Zé Luis, nouvelle voix du Cap-Vert
Après avoir exercé le métier de charpentier et avoir longtemps chanté ici et là dans son Cap-Vert natal, Zé Luis entre pour de bon dans le circuit professionnel avec Serenata, un disque gorgé de chansons sensuelles, effleurant tristesse et joie sans jamais s’appesantir ou virer au mélo. Doté d’une voix douce et chaude et d’une connaissance encyclopédique des différents répertoires capverdiens, Zé Luis, à soixante ans, peut vivre en toute sérénité sa reconversion.
L’expérience haïtienne de The Creole Choir of Cuba
« Ce disque est de loin notre meilleur car il vient de nos cœurs« . Tombés d’une autre bouche, ces mots pourraient laisser dubitatif. Mais quand c’est la porte-parole de The Creole Choir of Cuba, Emilia Diaz Chavez, qui les prononce, ils ont valeur d’Evangile. Fondé dans la ville de Camagüey, cet ensemble de dix chanteurs cubains d’origine haïtienne a conquis le monde grâce à Tande-La, envoûtant mélange de complaintes proches du gospel, de rythmes afro-cubains, d’harmonies classiques et de chants espagnols dont on retrouve l’incomparable saveur dans Santiman, un album bouleversant de sincérité, fruit de l’expérience vécue auprès des Haïtiens victimes des séismes de 2010.
In memoriam Ravi Shankar
Le 10 février s’est tenue la cérémonie des Grammy Awards. Dans la catégorie « world », ce sont surtout les vieux routiers qui ont été récompensés, de Jimmy Cliff (Rebirth, meilleur album de reggae) au sorcier blanc de la Nouvelle-Orléans, Dr. John (Locked Down, meilleur album de blues) en passant par Bonnie Raitt (Slipstream, meilleur album d’americana). Pour rajeunir un peu la moyenne d’âge (67 ans à peu près), les disques de Lila Downs (Pecados y Milagros, meilleur album de musique mexicaine) et Marlow Rosado y La Riqueña (Retro, meilleur album latino-tropical) ont également été primés. Mais en toute logique, c’est The Living Room Sessions Part 1 de Ravi Shankar qui a finalement été sacré meilleur album de Musique du monde. Un hommage plus que mérité pour l’un des plus importants musiciens du XXème siècle, disparu le 12 décembre dernier.
http://www.youtube.com/watch?v=N8LkfjptSU8
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