Les grands espaces de Las Hermanas Caronni, l’éthio-jazz de Mulatu Astatke et l’Orient sans tabou de Natacha Atlas c’est le tour du monde musical proposé par Louis-Julien Nicolaou.
Mulatu Astatke, empereur de l’éthio-jazz
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Comme celle de Duke Ellington, son modèle, la musique de Mulatu Astatke ne s’enlise jamais dans les clichés frelatés d’un exotisme bon marché : bien que nourrie d’emprunts aux traditions les plus diverses, son corps et son esprit sont jazz autant qu’africains. Révélé tardivement au public occidental grâce à la collection « Ethiopiques » de Buda Musique, le claviériste, percussionniste et chef d’orchestre sort le 26 août son premier album international, Sketches of Ethiopia. De l’introduction pleine de danger et d’excitation d’Azmari à un Surma que transcende la voix de Fatoumata Diawara, il étonne par sa fougue et sa malice autant que par l’incroyable diversité de sa palette expressive.
Las Hermanas Caronni, par-delà les frontières
Laura joue du violoncelle, Gianna de la clarinette, toutes deux composent et chantent. Les sœurs jumelles Caronni ont longtemps fréquenté les grandes écoles musicales argentines et françaises, et si elles s’en sont échappées, c’est d’abord pour affirmer leur indépendance et s’ouvrir à toujours plus d’influences, à la manière d’une autre chanteuse magnifiquement libre, Lhasa de Sela, dont elles reprennent La Frontera dans leur dernier album, Vuela. En leur compagnie, on voyage ainsi de Cuba au Togo et de l’Argentine en Algérie, avant de retrouver la France de Ravel et de Brassens. Aucune impression de parcourir des terres connues ne vient pourtant troubler l’écoute : les souffles, les frottements et les silences des sœurs Caronni abolissent les frontières.
Les alliances de Natacha Atlas
Six mois après la parution du somptueux Live in Toulouse, Natacha Atlas revient avec Habibi, double-album compilant ses titres les plus célèbres et quelques-unes de ses collaborations les plus marquantes. Habilement réalisée par la journaliste anglaise Tatiana Rucinska (qui officie également sous le nom de DJ Aïcha), cette sélection permet de mesurer, au-delà des enchantements d’une voix aux sensualités siréniennes, l’étendue des territoires conquis par elle au cours des deux dernières décennies. Des débuts aux côtés de Transglobal Underground et Jah Wobble aux rencontres avec les compositeurs anglais Jocelyn Pook et David Arnold en passant par les associations avec le producteur grec Marc Eagleton et la chanteuse israélienne Yasmin Levy, Natacha a expérimenté quantité de combinaisons et d’alliages pour décloisonner les musiques (et les mentalités) du monde.
Titi Zaro, lyrique et ludique
Un pizzicato de violon, deux notes de xylophone, un hululement de scie musicale… la musique de Titi Zaro est un bricolage poétique et ludique qui respire le simple bonheur de vivre, ce charme secret de l’enfance avec lequel il semble que Coline Linder et Oriane Lacaille, la fille du troubadour réunionnais René Lacaille, n’ont jamais divorcé. Telle une machine artisanale qui se soucierait peu de craquer et grincer par moments pourvu que l’essentiel soit atteint, la texture instrumentale propulse les voix dans de très purs envols. Poème de Zoréol, premier album lyrique et parfaitement réussi, a la beauté toute simple d’un cœur qui bat.
http://www.youtube.com/watch?v=essy1UoRyX4
Le Chauffeur est dans le pré, à hauteur d’homme
Si les artistes attachés à une terre, une tradition ou un mode de vie y foisonnent naturellement, les musiques du monde voient également surgir de nombreux arpenteurs dont l’ouverture la plus complète est le seul moteur. Ainsi en va-t-il pour les six Montpelliérains du Chauffeur est dans le pré. Fruit d’incessants voyages et échanges, leur New York, Istanbul et Bamako marie avec bonheur cuivres balkaniques et dialogues empruntés à A bout de souffle, volutes de clarinette et mélopées touarègues, accordéon tzigane et poème de Denis Péan, de Lo’Jo. Mais on est loin des opérations de froide chirurgie accomplies en studio : dans ce grand mix, tout possède le sceau de l’authenticité, du vécu au plus près des hommes. Comme une mondialisation autre, musicale et humaine enfin.
L’inspiration lorquienne de Miguel Ángel Cortés
Avec les frères Habichuela et son propre frère Paco, Miguel Ángel Cortés figure parmi les guitaristes les plus influents de Grenade, cité importante dans la géographie flamenca, notamment pour avoir donné naissance à un genre, la granaína, et à un auteur, Federico García Lorca. El Calvario de un genio évoque le destin tragique de ce dernier, poète de l’Andalousie, théoricien du duende très impliqué dans la restauration du cante jondo mais aussi martyr du franquisme. En faisant alterner des compositions purement flamencos et des fantasías plus personnelles dans lesquelles son imagination s’ébat librement, Cortés réalise son album le plus contrasté et le plus inspiré.
Matthew McAnuff, espoir défunt du reggae
Impossible d’écouter Be Careful, le premier disque de Matthew McAnuff, sans songer à la disparition de ce jeune homme de 25 ans, assassiné l’année dernière dans des conditions sordides qui nous rappellent combien la pauvreté et le gangstérisme gangrènent les ghettos jamaïcains. Grâce à son père, Winston McAnuff qui, épaulé par l’accordéoniste Fixi, a permis son achèvement, ce disque testamentaire, roots et mystique par conviction, inscrit Matthew dans la lignée des grands chantres rastas.
Festival de créations
Du 29 au 31 août, Las Hermanas Caronni compteront parmi les artistes invités par le festival « imprévisible et inattendu » de Rochefort en Accords à créer et se produire au gré des envies et des rencontres. Autre festival dédié à la création, le Workshop InFiné se déroulera du 26 au 31 août dans le cadre magnifique de la Carrière du Normandoux. Là aussi, il s’agit d’amener des artistes venus d’horizons différents (les compositeurs mexicains Murcof et Cubenx, la chanteuse libanaise Yasmine Hamdan, les pianistes Vanessa Wagner et Simon Zaoui…) à travailler ensemble pour présenter une œuvre commune au public. Pour les habitants de la région parisienne, il faudra patienter encore un peu : le Festival d’Ile de France démarre le 7 septembre avec une Nuit des griots durant laquelle Ballaké Sissoko va inviter de très grands noms de la musique malienne, Kassé Mady Diabaté, Babani Koné, Tata Diabaté et Bassekou Kouyaté. Le genre de concerts dont on se souvient toute une vie.
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