Auteur d’un grandiose premier album de folk post apocalyptique, Le Loup revient avec le lumineux Family, l’un des plus splendides monuments de la rentrée -à faire rentrer les Fleet Foxes au terrier. La tête pensante du groupe, Sam Simkoff, s’en explique longuement et en commente son album, en écoute intégrale. L’intégralité de l’album est en ligne aujourd’hui.
Lecteur audio en fin d’article
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« Sous bien des angles, Le Loup n’est plus du tout le même groupe qu’il y a deux ans. Bien sûr, le groupe dans sa version studio s’est agrandi, passant de juste moi et Christian à nous cinq, et le simple apport du son d’un groupe live a fait évoluer le timbre global de notre musique.
Mais je pense que c’est une évolution un peu plus fondamentale que ça au final. Le fait de partager nos goût musicaux, nos idées et nos influences entre nous, et aussi de jouer nos chansons en live à la fois dans beaucoup d’endroits différents et dans le confort de notre propre environnement a permis à notre son de grandir et de muter. À mon avis, Le Loup de The Throne et celui de Family ont très peu en commun.
Nous avons tenu à commencer l’album par un clin d’oeil à notre ancien style – Saddle Mountain est ce qui se rapproche le plus de The Throne – mais uniquement pour laisse immédiatement la place à quelque chose de radicalement différent (Beach Town), qui servirait de palette de base pour le reste de l’album. Je ne crois pas que ceux qui s’étaient habitués à The Throne devraient se lancer dans l’écoute de cet album en s’attendant à quelque chose de similaire – ils risqueraient d’être déçus.
J’encourage tous ceux qui vont écouter cet album à être patients – il y a beaucoup de différentes couches de son sur chaque piste, et il faudra sûrement du temps et une écoute très active pour arriver à tout entendre, d’autant plus que les chansons ont tendance à changer de personnalité et de sens à chaque écoute. Et aussi, si vous pouvez, utilisez des écouteurs. »
SADDLE MOUNTAIN
« Cette chanson parle d’une série d’images qui m’ont profondément marqué depuis mon enfance – ça part de paysages défilant lors d’un voyage sur la côte à un portail cassé ouvrant sur une maison – et de comment, quand on les imbrique, elles forment une sorte de patchwork, connectées dans ce qu’elles ont de plus fondamental. Il existe réellement un endroit ressemblant à Saddle Mountain, ce n’est juste pas aussi grandiose en vrai – c’est juste resté ancré en moi depuis tellement longtemps que ça a fini par prendre un sens de plus en plus profond pour moi, un peu le symbole de tout ce qui a pu avoir une importance à mes yeux au cours de ma vie. »
BEACH TOWN
« Pendant tout l’enregistrement, j’étais fasciné par l’idée d’une rencontre fondamentale entre une rythmique puissante et une mélodie basique – ces deux ingrédients me semblent être à la source de ce qui rend une musique captivante -, on a donc essayé d’insister sur cette interaction autant que possible tout au long de l’album.
Beach Town c’est principalement que de la batterie, des percussions, une atmosphère et du chant pour la plus grosse partie de la chanson. Les intruments n’explosent qu’à la toute fin, pour donner une sorte d’exutoire catharsique. Même si la première moitié est très clairsemée et répétitive, je la trouve fascinante et bien plus enchanteresse que la seconde moitié.
La chanson parle d’une vieille plage décrépite pas loin de là où j’ai grandi – c’était une ville balnéaire dans le temps, avec des restaurants chics et une fête foraine- mais tout s’est écroulé petit à petit. Et beaucoup de ces choses là m’évoquent une grande tristesse. »
GROW
« Cette chanson parle de la possibilité de construire une famille. Les paroles sont assez simples mais c’est juste parce que je ne pouvais pas emballer tout ce que je pensais dans un joli petit paquet. Il y a une tension tout à fait distincte entre la joie née de l’idée d’avoir des enfants et de s’installer, et la terreur qu’inspire l’idée de perdre sa jeunesse et son indépendance. Assez difficile à mettre en mots il me semble. Mais au final c’est censé être un morceau optimiste. »
MORNING SONG
Celle-ci parle de cet instant matinal parfait, un réveil juste à temps pour contempler la beauté du monte et vouloir s’y raccrocher à jamais. Rien n’est permanent, et je pense qu’il y a quelque chose de vraiment poignant là dedans.
L’arrangement original était bien plus sombre mais, comme sur beaucoup d’autres chansons de l’album, elle a changé et évolué au fur et à mesure que nous la jouions en live. J’adore le début, ça part d’un quartet d’instruments en acoustique pour finir en orchestre.
On a enregistré chaque prise en live avant de toutes les superposées (il y en a 5 ou 6) pour obtenir un son plus profond et chaotique qui n’a de cesse de se déconstruire pour se reformer tout au long de l’écoute. Le tout a un côté très onirique. »
FAMILY
« C’est Christian qui a écrit celle là. En tant que groupe, on trouve énormement de plaisir dans les espaces entre les notes, les phrases ou les creux des chansons, surtout dans celle là. Il y a tellement de choses qui se passent en même temps – il est souvent difficile de saisir la moindre chose vu le bruissement atmosphérique qui constitue l’arrière plan – et ces moments de pause sont un vrai bonheur. Vers la moitié de la chanson, quand le beat entre en scène, la satisfaction est différente, plus traditionnelle.
La plupart de ce morceau est de l’improvisation pure du groupe. Le beat, le refrain tonitruant, le ton général, tout ça est plus ou moins accidentel. J’aime à penser que, parfois, notre surprise devant ce qui se passait pendant l’enregistrement, transparait dans la version finie du morceau. »
FORGIVE ME
« En parlant de surprise, cette chanson était complètement inatendue. À l’origine on l’a enregistré comme un exercice le dernier jour d’enregristrement de l’album, on a jamais pensé qu’elle se retrouverait là!
Je l’avais écrite quelques semaines auparavant et on ne l’avait jamais jouée ensemble. Ce qu’on entend sur l’album doit être la deuxième ou troisième fois où on s’est retrouvé pour la jouer. Dès qu’on a entendu ce que ça donnait, c’était évident pour tout le monde qu’il fallait la mettre quelque part sur l’album. À côté des heures et des heures de composition minutieuse et de production nécessaires à chacune des autres chansons, celle là a été pliée en quelques heures à peine. On l’a à peine retouchée, le processus avait été en fait bien plus concluant que ce que l’on avait prévu. Et je pense que ça se ressent dans la musique de façon très puissante. »
GO EAST
« Je pense que cette chanson a énormément en commun avec Beach Town, en terme de thème. Encore une fois ça parle d’une ville, mais traitée comme si c’était une personne, avec des attributs humains. Les endroits où nous avons grandi, tout comme les gens, changent au fil du temps, physiquement ils mutent, s’embellissent ou tombent en décrépitude; en termes de personnalité, ils changent de façon irrémédiable jusqu’à avoir un goût complètent différent; émotionnellement, la façon dont nous interagissons avec ces endroits change aussi, jusqu’à qu’on les perçoive comme des lieux qui nous son totalement étrangers, même si on les a connus et aimés étant enfants. Très peu de tout ça ressort dans les paroles mais je pense qu’on a réussit à transmettre une sorte de poids, de profondeur au travers de l’arrangement glauque et trouble. »
GOLDEN BELL »Après autant d’arrangements aussi fouillés, on voulait marquer une pause histoire de reprendre sa respiration avant d’attaquer la dernière ligne droite vers la fin de l’album, qui est sans doute encore plus dense que la première partie. Golden Bell est un hommage très simple à la nièce de Christian – il l’a composée pour son anniversaire il me semble. On a voulu mettre l’accent une fois de plus sur quelque chose d’élémentaire – sa voix- et tenter de la maintenir en suspension comme un objet parfait, libéré de tout contexte et de l’emprise du temps ou du monde extérieur. Je crois que c’est une jolie bouffée d’oxygène au milieu de l’album. » SHERPA »Encore une qui est née principalement de l’improvisation -très tôt dans les enregistrements nous avions la conviction qu’aucune chanson ne devait avoir un son studio tellement poli qu’elle en deviendrait stérile et aseptisée. Au fur et à mesure cette notion s’est désagrégée, en partie parce que beaucoup de ces chansons ont été mélangées avec d’autres. Mais cette chanson a gardé sa vibe relâchée et un son totalement ouvert jusqu’à la fin de la production, et c’est pour ça que je l’adore. J’aime aussi ses paroles. Elle parle de combien les êtres humains sont complexes et comment un individu peut être proprement résumé en quelques phrases, et de comment nous sommes constamment en train de façonner et d’être façonnés par nos expériences et notre environnement…jusqu’à ne plus du tout ressembler à la personne que l’on était quelques années aupravant. Un peu comme Go East mais en plus optimiste. »
NEAHKAHNIE
« On a réutilisé les mêmes paroles que pour Beach Town en ajoutant un couplet final. Nous étions intéressés par le fait de prendre ces paroles et la structure général de la mélodie, et d’en changer le poids émotionnel en changeant tout ce qui les entourait. De cette manière, le texte reste sur un même niveau, mais le sens change complètement – c’est beaucoup plus sentimental, plus aussi sombre et pessimiste – un regard soudain et affectueux sur quelque chose qui n’existe plus. Même texte et mélodie mais une chanson radicalement différente. Ça me rappelle les nuits sur la plage. »
A CELEBRATION
« On s’est vraiment lâchés sur cette chanson, et je ne pourrais pas en être plus content. Les paroles sont très simples, parce qu’on voulait que ça puisse être facilement appris et chanté en un minimum de temps et d’effort. On voulait que ça soit une vrai fête, un pack outrancier.
Parfois j’aimerais que le spectre sonique soit bien plus large, ou que nos oreilles soient plus réceptives, ou qu’il existe quelque chose qui nous permettrait d’entendre plus de sons que nous en sommes physiquement capables. J’aimerais compacter tous les sons magnifiques que j’ai pu entendre en une seule chanson, tous en même temps, et juste flotter dans ce son là. On a mis beaucoup de choses dans ce morceau, et il y a beaucoup de belles choses que l’on entendra jamais parce qu’elles sont fondues dans la masse mais c’est ce qui se rapproche le plus d’un son immersif, et je suis content à l’idée que tous ces sons soient quelque part là dedans. »
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