Ce week-end, deux groupes se croisaient sur les scènes de Brighton : après les jeunots d’Electric Soft Parade, les vieillots de James, entraînés par un Tim Booth hagard, qui annonçait là sa mise en retraite anticipée.
Avec Electric Soft Parade, on retrouvait là, après dix ans sans nouvelles, une vieille connaissance : Dave Bates, aujourd’hui heureux recruteur de Tom McRae ou Electric Soft Parade sur son label DB Records. On l’avait autrefois connu à la tête de Fontana, quand il signait allégrement House Of Love, Lilac Time ou James.
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C’est justement avec le groupe de Tim Booth qu l’on finira, deux jours plus tard, le week-end. Quand on entre dans le glacial et moche Brighton Centre, l’impression de retour en arrière est saisissante : même si les couleurs ont changé, tout le monde porte ces même t-shirts à fleurs et à logo James qui firent les beaux jours insouciants du Summer Of Love de la fin des années 80. Chez James, la vente de t-shirts demeure un commerce joyeux et florissant. Si son commerce reste lui aussi étonnamment florissant (au moins en Angleterre), le songwriting de James, lui, ne sent plus la rose. La fleur s’est flétrie, fanée. Les nouvelles chansons ont la sensualité et l’odeur de fleurs artificielles. De celles qu’on met sur les cercueils. C’est d’ailleurs le seul et unique but de cette tournée : annoncer officiellement aux stades d’Angleterre que Tim Booth jette l’éponge et abandonne James, qui continuera sans lui mais avec cynisme. Un récent best-of se chargera de payer à Tim Booth une pension royale de préretraité, en attendant, on espère, un retour à plus d’humilité en solo. Le ?On va voir ce qu’on peut faire? qu’il lance en se traînant sur scène en dit long sur son malaise à être là, pour cet ultime tour de piste. Du coup, il ne fait même plus semblant d’être habité par cette musique, ne danse que lorsque nécessaires. Il a aujourd’hui officiellement le droit de ne pas s’amuser lorsque les beats ventripotents des nouvelles chansons ne l’y obligent pas. C’est son ultime tournée avec James, le groupe qu’il porte depuis vingt ans et visiblement, le c’ur n’y est plus. Même quand il annonce officiellement son départ, il le fait sans émotion, mimant avec drôlerie des larmes qui ne parviennent pas à monter aux yeux. Le public, lui, visiblement se moque de ce départ, ne réclamant que sa dose de tubes, ses Sit Down, ses How was it for you’ Devenu un super groupe, il survivra, commercialement au moins, au départ de son si charismatique leader et rejoindra ainsi Genesis ou Pink Floyd au Panthéon des supercheries, des institutions inhabitées, au personnel interchangeable. D’ailleurs, les musiciens, autrefois si éclipsées par la présence vraiment physique de Tim Booth, commencent à se presser sous les projecteurs : visiblement, l’après-Booth est déjà une bataille d’influence, de positionnement. Lui s’en fiche visiblement, l’air régulièrement narquois et détaché. On revoit pourtant, dans un coin chéri du cerveau, le tout premier concert de James qu’on ait eu la chance de voir, il y a presque vingt ans, dans une cave de Manchester. On venait juste d’acheter son premier single sur Factory, trois titres de folk possédé et suffisamment intrigant pour nous traîner dans le sous-sol du club homo Berlin. Et là, on découvrit, éberlué, un groupe hypnotisé par sa propre rage, un groupe tellement serré et imbriqué qu’il avait des airs de secte, de famille. Un concert important. Triste spectacle, donc, de voir vingt ans plus tard une partie de ces musiciens fascinants passer de l’artisanat délicat au professionnalisme clinique de la vente en grande surface.
Un Cora de la chanson sous vide, aux hormones. Un concert impotent. Espérons qu’en partant voir ailleurs s’il n’y serait pas encore, Tim Booth finisse par se retrouver. Car ce week-end, à Brighton, dans l’escalier en spirale des frères White, on a vu un groupe en pleine ascension et l’autre en plein dégringolade. Ils se sont croisés sans se regarder. James, c’est certain, ne descendra plus jusqu’à la cave du Berlin de Manchester. Sans Tim Booth, sa destination est résolument l’enfer.
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