Il y a eu un jour où je me suis rendu compte que si j’écoutais ou réécoutais tous mes CD, cassettes, MP3, DAT, toutes mes cartouches et tous mes vinyles bout à bout, sans répit ni repos, je serai probablement mort avant même de finir cette tâche aussi réjouissante qu’herculéenne. Ça signifie que des albums amoureusement conservés, choyés et époussetés au plumeau multicolore ne seront plus jamais écoutés. L’heure est grave : celle des choix qu’on n’envisage jamais lorsque la vie et ses plaisirs semblent infinis. J’ai donc commencé un immense tri dans ma collection de collections, en me scandalisant moi-même d’être si injuste. Pourquoi, par exemple, sacrifier The Gossip et conserver Hole ? Au nom de quel petit arrangement opaque avec l’âme Orelsan a-t-il gardé sa place alors qu’Arrested Development disparaît des étagères ?
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Bien sûr, l’offre en streaming propose un filet de sécurité contre ce grand ménage. Mais on ne sait jamais, l’envie pressante d’écouter Peach Plum Pear de Joanna Newsom ou l’incunable Tennessee des Silver Jews peut littéralement me réveiller en pleine nuit (ça arrive souvent) et aucune plate-forme ne peut encore les offrir. En 2008, l’artiste Mark Pawsom réalisait une œuvre intitulée Never Throw Anything Away Ever. J’étais alors dans une phase maximaliste, j’affichais cette création. Mais en rappel des leçons de Brian Eno et sous l’impulsion plus récente de Max Richter ou du déjà regretté Jóhann Jóhannsson, j’entre dans une phase de soustraction, d’élimination. Redécouvrir ses murs longtemps occultés est aussi libérateur qu’angoissant. Mes étagères à disques sont désormais pleines de trous : elles ressemblent à la dentition de Shane McGowan. Tiens, d’aillleurs, j’avais jeté les Pogues, il va falloir remédier à ça. Et c’est reparti…
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