Joyeuse apocalypse. György Ligeti et Peter Sellars sont réunis au Châtelet autour d’une nouvelle version du Grand macabre. Ça commence par une fanfare de klaxons et se poursuit par un grand fracas métallique, ponctué de verre brisé, de sonnettes poussives, de sirènes ridicules et autres cris saugrenus. Non, ce ne sont pas les rituels encombrements […]
Joyeuse apocalypse. György Ligeti et Peter Sellars sont réunis au Châtelet autour d’une nouvelle version du Grand macabre.
Ça commence par une fanfare de klaxons et se poursuit par un grand fracas métallique, ponctué de verre brisé, de sonnettes poussives, de sirènes ridicules et autres cris saugrenus. Non, ce ne sont pas les rituels encombrements du vendredi soir, mais tout simplement la fin du monde sur un texte de Michel de Ghelderode et une musique de György Ligeti, mise en scène par Peter Sellars. Théâtrale, la musique de l’Autrichien Ligeti (né en Hongrie) l’est à plus d’un titre, pour celui qui déjà, il y a près de trente ans, concevait ses Aventures et Nouvelles aventures comme un théâtre en musique, où le geste égale le son, à la manière d’une action dadaïste, une pantomime, un précipité vertigineux, grotesque et salutaire. Mais qu’on se rassure, nous sommes à l’opéra et cette histoire de fin du monde frise le ridicule. C’est une grosse farce à la Jarry, où le langage est malmené à plaisir bousculé, désarticulé ou fractionné en rythmes rabâchés. Comme dans les toiles de Bruegel (l’action se situe dans le royaume imaginaire de Breughellande) et James Ensor (où l’on est grimé outrageusement et caché derrière un masque), Le Grand macabre est peuplé de personnages provocants, burlesques et lubriques, placés sous la tutelle de Go-Go, « prince infantile et glouton, tyrannisé par deux ministres corrompus » (Ligeti). Pour cette nouvelle version révisée de l’opéra, créée à Salzbourg l’été dernier et reprise à Paris, la mise en scène a été confiée judicieusement à Peter Sellars, à qui l’on doit, entre autres, la réalisation des opéras de John Adams (Nixon in China, The Death of Klinghoffer et I was looking at the ceiling), du Saint François d’Assise de Messiaen et du Rake’s progress de Stravinsky. Son décor, qui n’est pas un paysage, vise à l’abstraction et à l’épure. Il est constitué d’énormes objets ayant échappé à leur créateur comme un monde à l’envers. Difformes, inquiétants et peut-être même doués de raison, ces cybernautes de l’apocalypse menacent une humanité microbienne. C’est un spectacle fascinant auquel nous convie ce Grand macabre, une danse au bord du précipice, un Grand Guignol des temps modernes.
György Ligeti Le Grand macabre - Sibylle Ehlert, Laura Claycomb, Charlotte Hellekant, Jard van Nes, Derek Lee Ragin, Graham Clark, Willard White, Philharmonia Orchestra, London Sinfonietta Voices, dir. Esa-Pekka Salonen, mise en scène Peter Sellars
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