Les Francofolies peuvent désormais compter sur leur petit frère, les FrancOff, pour défricher de très jeunes talents et faire vivre à 100 à l’heure la ville rochelaise. Retour sur 5 jours de festivités, entre têtes d’affiche et bars à concerts.
Cette année, le festival officiel des Francofolies de La Rochelle a battu de nouveaux records de fréquentation en affichant presque 90 000 festivaliers sur 5 jours, du 12 au 16 juillet 2017. Dans une toute autre échelle, c’est le festival off des FrancOff, qui peut se féliciter – pour la seconde année consécutive – de valoriser jeunes talents indé et de dynamiser les bars de la ville. On y était, on vous raconte.
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Les FrancOff, une seconde édition prometteuse pour le Off des Francos
Pour la seconde année consécutive, les bars de La Rochelle accueillaient les FrancOff, un festival gratuit et intimiste, organisé par l’association rochelaise TPT (chapeautée par le trio Romain Penalva, Aurore Saby et Steven Lelias), et soutenu activement par le festival officiel. « On bosse en très bonne intelligence avec eux”, comme nous confirme une des organisatrices des Francos, Morgane Motteau. Financé en partie par la ville et par une campagne de crowdfunding, le FranOff recevait ainsi les concerts d’artistes émergents dans une quinzaine de bars de la ville et sur cinq jours, avec « cette volonté de rassembler un public de locaux mais aussi de professionnels de la musique ».
Et il suffit de regarder la programmation pour comprendre que les FrancOffs risquent d’en séduire de plus en plus, et qu’ils auraient tout intérêt à les fréquenter pour repérer la prochaine étoile des top itunes. En effet, l’affiche ne compte quasiment que des artistes indépendants, pas (ou peu) accompagnés par des maisons, tourneurs ou éditeurs (contrairement aux artistes programmés dans le festival officiel).
Cette année, on pouvait ainsi apprécier la pop dévergondée de Dani Terreur et le groupe psyché Satellite Jockey dans le bar très cool L’Endroit, posé à deux pas de la plage de la Concurrence. Bien naturellement ce sont aussi des artistes rochelais (et de la région) qui sont mis à l’honneur comme le précise Aurore : « On est sur un ratio, un tiers d’artistes locaux et deux tiers nationaux ». L’idée étant de valoriser la création artistique locale. Et on peut dire que la recette fonctionne plutôt bien puisque le festival a littéralement doublé ses concerts en un an, passant de 42 à 76 showcases entre 2016 et 2017.
Pour séduire son public, les organisateurs ont également tenté d’explorer d’autres lieux de la ville, « un peu emblématiques » comme la prestation de l’électron libre Ricky Hollywood sur le quai du musée de la Marine, précédée par des rencontres professionnelles (en partenariat avec Rock in Loft) sur le rooftop du musée.
Autre délicieux argument pour vous convaincre de fréquenter les FrancOffs : une bière ambrée, la Tête de Mûle, brassée dans le marais poitevin et qui a reçu la Médaille d’Or au salon de l’Agriculture. Elle est servie dans les bars accueillant les showcases, sur une idée originale du co-organisateur et gérant de bar Romain Penalva : « on s’est dit que ça serait sympa de proposer une bière locale en partenariat avec le Off« . Alors heureux(se) ?
Pour participer à la prochaine édition des FrancOffs, les artistes peuvent soumettre leur candidature en ligne : « cette année, on en a reçu un peu plus de 150 ! » se félicite Aurore. Le festival imagine de nouvelles collaborations avec des micros labels et maisons de qualité pour 2018, avis aux intéressés !
https://www.instagram.com/p/BWnBJNWhWa9/?taken-by=chantierdesfrancos
Le Chantier des Francos continue sa mission d’accélérateur de talents avec Témé Tan et Pi Ja Ma
Pour des artistes bien plus aguerris et mieux entourés que ceux des FrancOff, le Chantier propose de les aider dans leur apprentissage de la scène, leur technique vocale, et les divers aspects professionnels. Après une résidence (qui s’étale sur un ou deux ans, selon les emplois du temps et les envies), un concert vient boucler cette aventure lors des Francofolies. Cette année, le festival recevait ainsi les shows de 15 talents : Pi Ja Ma, Teme Tan, Nusky & Vaati mais aussi Juliette Armanet, Agar Agar ou encore Barbagallo, brassant autant des artistes chantant en français qu’en anglais. Juste après sa prestation au théâtre Verdière, la jeune Pi Ja Ma nous raconte son expérience du Chantier en 2017 :
« Ce sont nos tourneurs qui nous ont inscrits. Au début, on était hyper réticent, on s’est dit que ça allait être une sorte de Star Academy. Et perso j’ai donné (rires, Pauline ayant participé à la Nouvelle Star à ses 17 ans). J’avais peur que ça soit un peu trop scolaire, mais en fait pas du tout ! Il y a une super ambiance, c’est cool et il y a les autres groupes (la formation invite 3 groupes par session). Nous ce qui nous manquait c’était vraiment la confiance, car on était un jeune groupe.Et j’y ai appris beaucoup. Au niveau du placement sur scène et de l’occupation de l’espace notamment. »
Repérée il y a un an avec l’ep Radio Girl, Pi Ja Ma continue de nous séduire avec sa pop bricolée et rêveuse. En live, on se laisse facilement dorloter par ses mélodies co-écrites par Axel Concato (guitariste sur scène) et son univers graphique – Pauline dessine et a pour l’occasion disposé sur scène des dessins naïfs peints à l’encre noire. Préparant actuellement leur premier album, cette expérience semble pour eux déterminante : « C’est la première fois qu’on faisait un concert dans une salle et un festival aussi énorme ! » Et reste une manière évidente de nouer le contact avec son publique. Pari gagné !
Seconde bonne pioche des Chantiers 2017, c’est le jeune Bruxellois Témé Tan qu’on a croisé juste après son concert très réussi au théâtre Verdière. Pour lui, le boulot n’est pourtant pas terminé, le compositeur soliste est en effet invité le même soir sur la grande scène Jean Louis Foulquier entre Georgio Black M et MHD. Le Chantier permettant ainsi aux jeunes artistes de se confronter à des public différents (assis, debout) et ambiance (théâtre, scène en pleine air). On ne doute pas une seconde que Tanguy réussira à séduire la foule avec ses tubesques Améthys et Ça va pas la tête, mélodies bigarrées entre musique traditionnelle congolaise, pop et chanson française, à paraître à la rentrée sur son premier album.
https://www.instagram.com/p/BWj-bdbF7Iz/?taken-by=mhdofficiel
Double M de plaisir avec Lamomali de Mathieu Chedid et MHD sur la scène Jean-Louis Foulquier
Après avoir convaincu l’édition montréalaise des Francofolies, le jeune rappeur de Belleville MHD réitère l’exploit sur la monstrueuse scène Jean-Louis Foulquier (9 000 places), faisant résonner son afro trap et ses punchlines bien senties dans toutes les poitrines. Le public jubile sur les basses vrombissantes et en redemande sur Roger Milla, et se dandine sur les noces de A Kele Nta. Le rappeur finira même par en perdre le fil sur son tubesque Afro Trap part.3 (Champions League), en se voyant sur les écrans géants de la scène. Emu et intimidé… Et on comprend volontiers pourquoi.
Le lendemain, vendredi, c’est un habitué des Francos qui est de la partie. Pour l’occasion, Matthieu Chedid a enfilé une veste au motif wax, et nous propose un voyage au cœur du Mali avec son tout nouveau projet collectif et album Lamomali. Sur scène, ce sont les griots Toumani Diabaté et son fils Sidiki, et leurs koras qui mènent la danse, accompagnés de la voix de la diva Fatoumata Diawara. Avec un set oscillant entre ballades poétiques et tubes de -M- (ouvrant sur Mama Sam et clôturant sur Machistador), difficile pour le public de résister à la nouvelle création du fils Chedid. Quand résonne enfin le tubesque Bal de Bamako, le rappeur Oxmo Puccino fait une apparition très remarquée. Le public, en liesse, ondule sur cette mélodie afro disco entêtante ! Un pur moment de bonheur.
Vincent Delerm : un chef-d’œuvre à voir en photos et à écouter en live
Pour la 33e édition du festival, les fans inconditionnels de Vincent Delerm ne pouvaient pas manquer son passage à La Rochelle, l’artiste y présentant non seulement un concert live mais aussi une exposition photo baptisée Un été. On y a découvert une autre facette du compositeur, contemplative et complémentaire, comme il confiait récemment aux Francos : « La photo c’est la case manquante, la façon d’exprimer ce que je ne peux pas décrire en chanson ». Côté live, le festival lui offre une place de choix en l’invitant au très beau théâtre de La Coursive.
Grâce à un jeu d’écrans habilement placés derrière et devant la scène, Delerm nous emmène en voyage dans le temps et revisite au piano des classiques de ses précédents disques comme La Natation synchronisée (extrait de Kensington Square, 2004), Martin Parr (Quinze Chansons, 2008) où le public chante en chœur, Hacienda (Amants parallèles, 2013) avant de finir par le faire voter à main levée pour choisir le titre qu’il préfère entendre. Sans grande surprise, c’est Fanny Ardant et moi qui l’emporte haut la main devant Tes parents et les Monologues shakespeariens » : « J’ai bien fait de continuer à écrire après mon premier album”, ironise le chanteur.
Sa voix tout au moins aussi irrésistible que son sens de l’auto-dérision et ses transitions caustiques ont vite fait de nous convaincre. Et de nous décrocher une larme, quand il nous repasse sur écran géant la lettre poignante d’un Léonard Cohen à une Marianne mourante pendant l’intro de son titre From a Room, ou encore quand il projette son album de famille sur Le Garçon (extrait de son nouveau chef-d’œuvre A présent), depuis sa tendre enfance jusqu’à ses débuts de chanteur. Touché !
Gaëtan Roussel de retour en duo avec l’actrice Rachida Brakni, dans un duo dépaysant et enivrant : Lady Sir
A peine le temps de se remettre de nos émotions avec Vincent Delerm, et c’est le duo Lady Sir qui illumine à son tour le théâtre de la Coursive en réunissant l’actrice Rachida Brakni et le songwriter Gaëtan Roussel. Inaugurant le show avec Je rêve d’ailleurs, ils nous emmènent en voyage à bord de leur dépaysant premier ouvrage Accidentaly Yours, mêlant arabe, français et anglais. Les jeux de regard, leurs face-à-face, et les anecdotes croustillantes de Rachida révèlent une vraie complicité du duo. On y apprend d’ailleurs que la délicieuse chanson Le temps passe a été composée par un mystérieux « Auguste Raurich », qui n’est autre qu’Eric Cantona, mari de l’actrice.
Pour pimenter le show (et l’étoffer puisque le disque ne présente que 10 chansons), ils reprennent une version inédite et en arabe de Johnny Guitare, et du fameux Si l’on comptait les étoiles (extrait de Ginger). La nuit se lève, et on en ressort le corps léger et amoureux. Une rencontre à réécouter et revivre en BD.
https://www.instagram.com/p/BWpcp5Ag_rE/?taken-by=benjamin_biolay_&hl=fr
Un festival qui se clôt en beauté avec le show sublime de Benjamin Biolay
Pendant que Renaud s’apprête à faire son retour sur la scène Jean Louis Foulquier, nous on préfère encore marcher à l’ombre et s’enivrer des chansons de Biolay. En pleine tournée pour son dernier disque, Volver (paru au printemps dernier), le Lyonnais se prépare à nous faire vivre un moment de grâce, et suer par la même occasion, à en croire son poignet éponge digne d’un tennisman. Accompagné par une bassiste et un batteur argentins émérites, on se régale en live de son précédent Palermo Hollywood, et on fait machine arrière dans sa discographie pour partir en plein trip BB, de La Garçonnière (Trash Yéyé, 2007) à La Superbe (2009) en passant par une version medley de Miss Miss et du Je pense à toi d’ Amadou & Mariam. Jouissif également sa reprise de Tuyo du brésilien Rodriguo Amarante (et accessoirement thème original de la série Narcos). Benjamin nous délivre un petit solo de trombone, son instrument de cœur et c’est reparti sur le coquinou Encore Encore. Surprise de la soirée, il invite Gaëtan Roussel pour une version improvisée de Help Myself, “révisée pendant les balances en 20 minutes seulement » ! BB continue de faire couler de l’encre sur son auto-tuné et controversé Je prends mon temps et de notre côté, on est bien content qu’il fasse durer le plaisir. Deuxième invitée surprise, Jeanne Cherhal, pour un duo poignant sur Brandt Rhapsodie ou l’amour fou passe à la moulinette du quotidien.
Nos cœurs sèchent doucement sur sa reprise estivale du Jardin d’hiver d’Henri Salvador, avant de repasser nos petits organes à la moulinette sur le barbare A l’origine, pour un nouveau duo formidable rappelant Gaëtan Roussel sur scène. Après ça, on peut plier bagages, se dire adieu ou simplement faire une bonne crise de foie au meilleur bistro de la ville, le Métamec (un conseil, allez-y !). Les Francos 2017 s’achèvent en beauté et on rêve déjà d’une suite !
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