Si Second Sex a pris son temps, le temps a pris soin de lui. Du coup, Petite mort est un premier album adulte et accompli – et pas une éjaculation précoce de bébé-rockeur.
Les nouvelles vagues mènent à tout, à condition d’en sortir : une leçon que les Second Sex semblent avoir assimilée mieux que personne. Plutôt que de se ruer sur la première crête venue, au risque de se prendre en pleine face le moindre ressac un tant soit peu pervers, les gamins se sont accrochés à la planche, ont attendu l’heure et le rouleau propices, pour lancer dans le flux ce qui ressemble fort à une franche réussite, à un disque aussi pensé qu’abouti.
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Bien loin de l’agaçante arlésienne pourtant, se faisant au contraire oublier, musardant à dessein pour qu’on cesse de l’attendre au tournant : voici donc Petite mort. Telle une voix claire qui aurait temporisé pendant que tout le monde s’enrouait dans la cacophonie, le groupe s’est ainsi préservé au passage de tout risque de précocité, pour rester dans le ton d’un titre d’album résolument synonyme de déflagration orgasmique…
Côté décharge électrique, le choc est insigne. Sans rien perdre d’une vivacité qui leur donne corps et âme, les chansons ont pris leur temps, gagnant au fil d’un chemin des écoliers une maturité exemplaire et inattendue, pas si éloignée en fait de ce Lick My Boots qui ouvrait la compilation clanique Paris Calling en 2006. Toutes les pièces du puzzle maison étaient déjà au rendez-vous, notamment ce goût des structures ambitieuses et cette façon de garrotter l’énergie pour mieux la faire exploser. Tout était là, comme si les garçons n’avaient jamais tâtonné, volubiles depuis toujours, aptes à tenir ce discours à la fois touffu et clair explicité aujourd’hui.
[attachment id=298]De leur génération, ils ont retenu la fougue hautaine et le verbe haut, ces combustibles communs à d’autres Naast ou Brats… Aucune raison d’ailleurs que ces Mon autre côté ou Fille facile pleins d’élan s’en passent sous des prétextes de sécession obligée et navrante. Défendre ses origines serait même plutôt une vraie preuve de confiance. Ceci dit, c’est pourtant par des inflexions quasi grunge que We Lost Control ouvre l’album. Mêlant une intensité un peu bourrue d’obédience américaine à la classe naturelle de Second Sex, ce titre éclaireur emmène dans son sillage une guirlande d’étincelles aux teintes innombrables. Et si les options s’avèrent effectivement multiples, l’atout principal de ce disque est d’en tirer une unité solide et inédite.
Du strictement rock’n’roll Is She Allright à cet Heartattack anglophile et pop, chaque titre trouve sa place cohérente au sein d’un étonnant disque gigogne, sans doute le plus coloré de la jeune garde parisienne à ce jour. Nous saluerons également un vrai travail de compréhension du sujet juvénile et de conjugaison des volontés opéré par le producteur Pelle Gunnerfeldt (connu pour avoir transcendé The Hives). Sa griffe sobre et cristalline canalise l’ensemble, éradique l’éphémère et souligne la personnalité. On ne s’attardera pas sur un patronyme emprunté à Simone de Beauvoir, à peine plus sur une pochette signée Guy Peellaert (auteur des fameux Rock Dreams) pour ne pas dénaturer un propos qui n’a nul besoin d’alibis culturels pour s’avérer fin et intelligent. Son envergure est ailleurs, et Second Sex ne la doit à personne. On poussera même l’optimisme jusqu’à lui prédire un avenir. C’est dire.
Album : Second Sex Petite mort (Because/Warner)
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