Eloignée de la musique et traquée par les tabloïds depuis le triomphe de son premier album Alright, Still, Lily Allen revient avec un album de pop chipie et bariolée. Mais attention : derrière l’allégresse de façade, la petite peste manie sans pincettes humeurs et humour noirs. “Fuck you, fuck you, fuck you.”
[attachment id=298]“Je veux être riche, je veux beaucoup d’argent/Je me fiche de l’intelligence, je me fiche de l’humour/Je veux des tonnes de fringues et des montagnes de diamants/Il parait que des gens meurent en les cherchant (…) Je regarde The Sun et je regarde The Mirror/Et je me dis que je suis sur la bonne voie, en route pour la victoire.”
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Ainsi chante Lily Allen, sourire carnassier en coin, sur son nouveau single, l’excellent The Fear. Et la peur, c’est un sentiment que la jeune anglaise connaît par cœur, jusqu’au haut-le-cœur : malmenée par une presse locale obsédée par la célébrité, elle avait ainsi perdu tous ses moyens après le triomphe de son premier album, Alright, Still de 2006. Lapidée et humiliée par des tabloïds aux méthodes barbouzardes, elle a fait les frais de sa grande gueule, mais aussi d’un crime encore plus grave en Angleterre : celui d’être bien née.
Fille d’une productrice de cinéma qui joua avec Neneh Cherry et du comique Keith Allen, filleule de Joe Strummer, Lily Allen ne pouvait être qu’une imposture, un caprice d’enfant gâté : on lui avait accordé un album comme on tolère une toquade, mais il lui faudrait vite rendre sa place à plus crédible, moins doré. On ne lui pardonna donc pas son entêtement à s’imposer comme musicienne. Depuis 2006, Lily Allen a donc totalement disparu des pages “musique” pour se retrouver systématiquement dans les rubriques “people” ou “faits divers”. De se amours tumultueux à une fausse couche honteusement commentée, sur le ton “avec ce qu’elle prend, il fallait pas s’attendre à autre chose”, la chipie londonienne a tristement rejoint Amy Winehouse ou Pete Doherty parmi les trophées de cette battue sanguinaire.
Mais certains n’oubliaient pas quelle teigne, et quelle détermination, animaient la jeune Lily – elle n’a que 23 ans aujourd’hui. On se souvient ainsi l’avoir vue chasser à coups de pieds des “fans” à la sortie de la BBC, les accusant de revendre ses autographes sur e-Bay. On n’a pas oublié un premier entretien où elle nous disait déjà : “Je ne vais pas laisser passer la chance d’être entendue.”
On ne s’étonne donc pas de la voir de retour avec un album aux paroles courageusement intimes, au storytelling aussi vache que drôle, résolument inscrit dans une tradition anglaise qui a offert à Londres ses meilleurs guides touristiques : des Kinks aux Streets, de Ian Dury aux Libertines.
Car Lily Allen n’est pas Paris Hilton ou Peaches Geldof. Loin de se contenter d’un rôle de garce à cuillère d’argent, cette impressionnante boulette de volonté, control-freak avérée, revient avec un album triomphant, véritable bras d’honneur à ceux qui ne prenaient sa musique que pour un hobby huppé. Car c’est Londres qui résonne tout a long de ce It’s Not Me, It’s You, dans tout son joyeux foutoir, dans toutes ses collisions de musiques venues s’échouer là du monde entier. Mais tout ceci ne serait qu’exotisme de carte postale s’il n’y avait, planqué derrière chaque refrain, l’écriture vraiment sensass de Lily Allen, femme de peu de mots, mais d’une précision et d’une cruauté diaboliques.
On se réjouit déjà qu’un album aussi perturbé et schizophrène – la liesse insouciante des mélodies, la noirceur inouïe des paroles – vienne bientôt troubler les sommets avachis de la pop occidentale. “Fuck you, fuck you, fuck you/Fuck you, fuck you, fuck you/Fuck you”, susurre un autre refrain.
Album : It’s Not Me, It’s You (Regal/EMI)
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