L’ex-leader de Blur continue ses échappées cosmopolites : après avoir supervisé l’accompagnement sonore sur scène de Monkey : Journey To The West, il en dévoile aujourd’hui la musique sur album. Déroutant.
[attachment id=298]“Je ne peux pas faire un disque sans en avoir une sorte de vision politique dans la tête. Avec celui-ci, l’enjeu était d’être en occident et de redécouvrir une des civilisations les plus anciennes, influentes et endurantes de la planète. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous reposer sur nos petites sociétés autocentrées, parce que tout ça confine à l’aveuglement”, expliquait récemment le décidément très engagé Damon Albarn dans un communiqué officiel. Le disque en question : Journey To The West, publié aujourd’hui sous le pseudonyme MONKEY, un an après la présentation, sur la scène du Théâtre du Châtelet, de Monkey : Journey To The West. La civilisation en question : celle de la Chine, plus précisément à travers la légende du Roi Singe Sun Wu Kong (ou La Pérégrination vers l’Ouest, œuvre de 1592), mise en scène l’an passé par le réalisateur Chen Chi-Zheng et en musique par Damon Albarn et son fidèle acolyte Jamie Hewlett.
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Or la première chose qu’on dira, c’est qu’il est aujourd’hui, sinon impossible, du moins difficile d’apprécier pleinement la bande originale composée par Albarn pour la pièce de théâtre sans pouvoir en observer simultanément les tableaux. Car la musique que dévoile Journey to The West, republiée aujourd’hui dans une version un tantinet plus electro, a été façonnée selon un processus tout particulier. “Je ne sais pas trop comment la musique traditionnelle chinoise produit cet effet, mais j’ai étudié quelques-unes des très vieilles rythmiques, je les ai apprises et ai essayé d’y coller au plus près. J’ai rencontré un compositeur qui vivait à trois cents kilomètres de Pékin, je lui ai demandé s’il y avait des règles parce que ça m’intéressait vraiment d’apprendre les éléments de la chanson chinoise traditionnelle. Il m’a montré ses anthologies de la musique chinoise – une vingtaine de petits livres.” C’est donc en respectant scrupuleusement les règles de la gamme pentatonique (cinq notes uniquement), gamme caractéristique de la musique chinoise, qu’Albarn et Hewlett ont œuvré, enregistrant entre l’Angleterre et la Chine. “Travailler comme ça est une vraie discipline. C’est pour ça que je l’ai fait, c’était vraiment très stimulant d’avoir ces limites. Si on colle à la gamme pentatonique, on ne peut pas commencer à rajouter des choses.”
Résultat : Journey To The West constitue probablement le travail le plus expérimental de Damon Albarn à ce jour, et les quelques jolies ballades accessibles (Heavenly Peach Banquet ou Sandy The River Demon qui rappellent quelques heureuses faces B de Gorillaz) qu’on y déniche doivent hélas y côtoyer de trop nombreux intermèdes sonores sans queue ni tête (The White Skeleton Demon, March of The Volunteers) – rien, au passage, n’est chanté par Albarn.
Au final tout ça est à la fois déroutant et anecdotique, honnête et un peu pompeux à la fois. On en profitera donc pour jouer les rabat-joies : s’il est agréable de constater chaque jour davantage l’éclectisme et l’ouverture d’esprit qui caractérisent les travaux de Damon Albarn, songwriter ayant su plus que nul autre dévier les pièges de l’anglocentrisme, rien cependant, et certainement pas ce dispensable et drôle de MONKEY, ne saurait nous faire oublier que c’est au sein de Blur que l’artiste insufflait à la scène anglo-saxonne ses plus belles – et indispensables – bouffées d’air frais. Et ce MONKEY, hélas, nous paye un peu en monnaie de singe.
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