Un groupe américain teigneux chante en khmer et invite la musique éthiopienne ou la pop de Bollywood. Dengue Fever, un joli bazar visible sur scène le 27 juin. Critique et écoute.
Pour un groupe de rock américain, choisir de chanter en khmer n’est pas une décision ordinaire. Pourtant, c’est le pari qu’a fait Dengue Fever dès sa création en 2001. Mené par les frères Zac et Ethan Holtzman, Dengue Fever est né de leur rencontre inopinée avec le rock cambodgien des années 60 et 70, une scène qui était alors très vivante.
“J’ai entendu du rock’n’roll cambodgien pour la première fois via un ami qui travaillait dans un magasin de disques de San Francisco. Et puis mon frère avait ramené d’un voyage au Cambodge une poignée de cassettes”, explique Zac Holtzman.
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Passionnés par ce son garage inspiré par le rock occidental de l’époque mais sublimé par des mélodies vocales aux consonances rondes et énigmatiques, les deux frères décident de l’incorporer à leur propre musique. La première étape est de chercher une chanteuse cambodgienne. Ce sera Chhom Nimol, née au Cambodge dans une famille de musiciens, chanteuse de mariages et de karaoké, qui était venue aux Etats-Unis pour rendre visite à sa soeur et s’y était installée – sans visa, ce qui lui vaudra des ennuis avec la justice américaine et quelques semaines de prison.
“On a rencontré Chhom Nimol alors qu’elle chantait dans une boîte cambodgienne à Long Beach, le Dragon House. Elle était sur scène avec un groupe cambodgien et là, j’ai su que c’était elle qu’il nous fallait ! Au départ, il y eu quelques problèmes de confiance entre nous. Nimol venaient aux répétitions avec tout un entourage de Cambodgiens”, s’amuse Zac.
Testée sur des classiques cambodgiens qu’elle connaît par coeur, la jeune femme, qui ne parle que très peu l’anglais, s’intègre au groupe. Le premier album, sorti en 2003, est composé essentiellement de reprises de morceaux khmers, la plupart signés Ros Sereysothea, star au tournant des années 60-70, qui comme des milliers de Cambodgiens disparut tragiquement sous le régime de Pol Pot.
Dengue Fever a d’ailleurs rendu hommage à ces artistes morts en tournant au Cambodge (voir le DVD Sleepwalking Through the Mekong) et en participant à l’ONG Cambodgian Living Arts, qui aide les rares musiciens pré-Khmers rouges survivants à apprendre aux enfants à jouer des instruments traditionnels.
Les albums suivants seront composés par le groupe mais chantés en khmer (Escape from Dragon House), puis en khmer et en anglais (Venus on Earth, le nouveau Cannibal Courtship). Dengue Fever y marie merveilleusement le rock indé et psyché américain et la pop sixties cambodgienne pré-Khmers rouges, auxquels s’ajoutent des éléments de pop bollywoodienne et de musique éthiopienne.
Mystérieux, charmeur, parfaitement groovy, exotique sans jamais être folklorique, Cannibal Courtship porte la fusion des influences diverses de Dengue Fever à son plus haut point, y incorporant même des éléments de lounge cosmique. Avec son orgue Farfisa déchaîné, sa flute discrète (Uku), ses cuivres parfaits (l’instrumental hypnotique Kiss of the Bufo Alvarius) et ses guitares surf tourbillonnant autour de la voix magnétique et envoutante de Chhom Nimol, Cannibal Courtship est un album bouillonnant, incandescent, aux mélodies spatiales et psychédéliques, faisant voyager de l’Orient à L. A. en passant par la lune.
En concert le 27 juin à Paris (La Boule Noire)
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