Redécouverte de Mazouni, un chanteur oublié des livres d’histoire, mais dont l’œuvre compilée dans « Le Dandy en exil (Algérie-France, 1969-1983) n’a rien perdu de sa modernité ni de sa douce nonchalance.
On a l’habitude de dire qu’une compilation est forcément inégale, mais l’on aurait bien du mal à le dire de celle-ci, même si chacun aura probablement son titre préféré : en seize morceaux, Un dandy en exil resitue à merveille le travail injustement méconnu de Mohamed Mazouni, grande figure de la chanson algérienne et icône régulièrement revisitée au gré des décennies par Rachid Taha (sa mémorable reprise d’Ecoute-moi camarade), Zebda ou l’Orchestre National de Barbès.
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On (re)découvre ainsi son chant obsédant, ses fines broderies orchestrales, ce savoir-faire pop qui évite les pièges de l’infâme fusion world, ses morceaux qui se font l’écho de l’“enfer de l’exil” et des utopies d’intégration ratées.
Une analyse subtile des époques
Pour Mazouni, la musique est un travail sur lui-même, portant sur sa double identité franco-algérienne, une analyse subtile des époques qu’il a traversées et qui l’ont encouragé à mettre en sons des titres qui masquent leur désenchantement derrière des mots simples et des structures mélodiques accrocheuses.
Adieu la France, Je suis seul, Vingt ans en France ou encore Clichy, où il regrette le racisme ambiant des années 1970 : “Pas d’embauche c’est trop tard, le directeur n’est jamais là pour toi quand tu ne t’appelles pas Bernard…”
Un devoir de mémoire
Ecouter Un dandy en exil constitue ainsi un devoir de mémoire. C’est l’occasion d’en savoir un peu plus sur la vie d’un Maghrébin exilé à Paris à la fin des sixties, c’est entendre l’écho de millions de jeunes Algériens ayant grandi sous l’occupation française, c’est tendre une oreille attentive à des textes bilingues et à des mélodies qui doivent autant à Slimane Azem qu’aux Chats Sauvages ou à Brigitte Bardot.
A l’exception près, et elle n’est pas mince, que Mohamed Mazouni n’hésite jamais à noircir ses récits, comme s’il lui était impossible de s’épanouir pleinement au sein de cette France pompidolo-giscardienne qui l’a accueilli et rejeté dans un même élan.
“Je ne monte pas avec toi parce que tu es un Arabe”, lui répond même une prostituée dans L’Amour Mâak, une des rares chansons à narrer la détresse sexuelle de milliers d’immigrés débarqués en France sans femmes ni enfants. Un dandy en exil est donc plus qu’une simple compilation, c’est un manifeste.
Album Un dandy en exil (Algérie-France, 1969-1983) (Born Bad Records/L’Autre Distribution)
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