Les bricolos réunis, alias le collectif Sentimental Bourreau, sont de retour avec leurs collages de textes et de musique.
L’art du bricolage rendu au merveilleux du jeu, déjouant les fonctionnalités banales pour hisser le mécanique au rang d’une poétique humble et ludique. Le collectif Sentimental Bourreau (huit comédiens et musiciens) a le chic pour fomenter des spectacles montés de bric et de broc : en huit ans d’expériences, les principes de base n’ont guère changé. Il y a donc sept ans, on découvrait Strip et Boniment au cinéma le Berry Zèbre, d’après les témoignages de Strip-tease forain recueillis par Susan Meiselas aux Etats-Unis. Musique et texte jouaient serrés, s’échangeaient leurs partitions. Ils avaient 20 ans tout juste et entendaient bien ponctuer leurs parcours individuels par des aventures collectives et singulières fondées sur l’impulsion de fouiller dans des textes, pas vraiment théâtraux, de les mettre en musique et de jouer à l’acteur et au metteur en scène, à l’administrateur et au décorateur. D’accumuler tous les tracs et tous les tracas, avouait Judith Henry qu’on aurait cru plutôt « traqueuse » lorsqu’elle jouait dans La Discrète ou se laissait diriger par Matthias Langhoff. C’était aussi affaire de modestie : ne disaient-ils pas, entre Strip-tease et Les Carabiniers (d’après un scénario de J.-L. Godard) : « On ne veut pas, pour le moment en tout cas, travailler sur des pièces de théâtre. »
Qu’est-ce qui caractérise le bricoleur ? Son infatigable faculté à fouiller les greniers, caves et débarras à la recherche de l’objet perdu, du trésor enfoui, maquillé de poussière, éclatant de mystère. Sentimental Bourreau fait de même avec le théâtre : avec une prédilection pour les textes philosophiques et scientifiques, les scénarios et la poésie. Il y a donc du collage dans leur pratique théâtrale et leur dernière aventure ne déroge pas à la règle : Tout ce qui vit s’oppose à quelque chose est un collage de textes autour de la figure du diable (de Kant à Lucrèce et d’Oscar Panizza à Pessoa) qui donna lieu à une première présentation publique (Satan conduit le bal) voilà quelques mois.
Accueillis à Montreuil par Armand et Stéphane Gatti, ils ont peaufiné leurs recherches et nous livrent aujourd’hui un petit bijou (de pacotille) qui tintinnabule joliment à nos oreilles. Toute la machine théâtrale participe au tissage serré entre musique et texte : en tirant sur les lumières, pendouillant au bout de ficelles d’inégales longueurs, les instruments se réveillent et s’apparentent au décor. Pivot du spectacle, Le Concile d’amour d’Oscar Panizza brouille les cartes de l’éternel conflit entre le bien et le mal. Le texte initial taillé à la serpe, reste Dieu et Marie (Marie Payen et Judith Henry) qui font appel au diable (Sylvain Cartigny) pour punir l’humain fornicateur en l’empoisonnant au moment de ses vices et délices. Aujourd’hui encore, Sentimental Bourreau nous évoque ces propos de Meyerhold dans La Baraque de foire : « L’âme du grotesque doit devenir l’âme de la scène », étant entendu que « l’ironie est un grotesque embryonnaire, et le grotesque une ironie achevée ». Dont acte.
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