Pour quelques puristes, Poulenc ne serait qu’un petit compositeur, seulement capable de restituer une certaine nostalgie nogentaise et l’atmosphère des guinguettes des bords de Marne. Il y a évidemment du bon et de l’inconsistant chez lui, comme chez ses collègues du Groupe des Six. Mais la canaillerie et le persiflage, ça peut donner des chefs-d’oeuvre, […]
Pour quelques puristes, Poulenc ne serait qu’un petit compositeur, seulement capable de restituer une certaine nostalgie nogentaise et l’atmosphère des guinguettes des bords de Marne. Il y a évidemment du bon et de l’inconsistant chez lui, comme chez ses collègues du Groupe des Six. Mais la canaillerie et le persiflage, ça peut donner des chefs-d’oeuvre, et Le Bal masqué, sur des poèmes de l’iconoclaste montmartrois Max Jacob, en est bien un. Comment résister à ces vers : « Mon gilet quadrillé a, dit-on, l’air étrusque et mon chapeau marron va mal avec mes frusques.« Côté musique, on délire bien aussi. Le cornet caquette, le basson grommelle, le fouet claque… et le palais s’en donne à coeur joie. On a trop en tête le légendaire Pierre Bernac pour se satisfaire de François Le Roux, bien engoncé ici. Rien de « terrifiant » dans le final. Difficile, dans ces vers inimitables, d’alterner charme et violence sans tomber dans l’afféterie et le caricatural. Quasiment infaisable. A la baguette, Charles Dutoit s’en sort bien mieux.
Avec Le Bal masqué, le Concert champêtre est une autre pièce maîtresse de Poulenc. Il s’agissait à l’époque de remettre le clavecin au goût du jour. De la mélodie sautillante aux grappes d’accords saturés, le clavecin régente tout. Dans les contrastes dynamiques et timbriques qui repoussent l’habillage XVIIIème au second plan, Poulenc atteint là l’ineffable. Pascal Rogé, qui a troqué son piano habituel contre les cordes pincées, n’est pas moins apte à en recréer l’esprit.
Alexandre Tharaud propose lui un assortiment de pièces pour piano qu’il réussit à élever au rang des chefs-d’oeuvre impressionnistes et fauréens ; elles prennent sous ses doigts un contour des plus clairs. Son piano est une palette aux nuances infinies. Tharaud, ce chambriste né qui a un peu de la grâce de Raymond Radiguet, ne dispose pas encore des moyens de promotion des majors dont profitent trop certaines mécaniques de conservatoire ; les paillettes viendront immanquablement mais on espère l’échéance lointaine, car c’est dans la discrétion et la réflexion qu’il s’exprime le mieux. En attendant, il faut guetter ses concerts et se ruer sur ses disques.
Francis Poulenc, Le Bal masqué, Rhapsodie nègre, 4 poèmes de Max Jacob, Le Bestiaire, Concert champêtre, Sinfonietta, Suite française ; François Le Roux, Pascal Rogé, Orchestre National de France, dir. Charles Dutoit (Decca) ; Pièces pour piano Alexandre Tharaud (Arion)
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