Hippie et mathématique, un album à emporter sur une planète déserte.
Sur la pochette, des corps nus et épanouis dans une forêt, en dialogue fécond avec mère Nature – que des femmes et enfants, les hommes sont à la chasse. On jurerait la pochette baba-ébahie d’un groupe allemand des seventies, peut-être Popol Vuh ou Amon Düül. Ça tombe bien : avec leurs collections de synthés à pédales qui, comme dirait Eno, datent d’avant la science, les jumeaux barbus jouent volontiers hippy, illuminé, cosmique, dans cette lignée krautrock où la rigueur et la poésie, les maths et les rêves n’étaient pas séparés par un mur de la honte. Mais malgré leurs outils, comme les Normands de Steeple Remove ou les Anglais de Fujiya & Miyagi, ces Lillois ne s’empêtrent jamais dans la reconstitution historique, offrant plutôt leur soin du détail à des compositions fuyantes, évolutives qui, sur l’“Autobahn” de Kraftwerk regardent plus l’horizon flou que le rétroviseur. Dans ce trip aussi physique qu’éthéré, ils sont rejoints par d’autres illustres cascadeurs, comme le génial Sébastien Tellier ou les rappeurs américains Cannibal Ox ou Hangar 18, princes sombres d’un hip-hop mutant, gluant. C’est cette méticulosité, cette maniaquerie même, qui fascine autant qu’elle épuise, tant l’instinct semble bridé jusqu’au masochisme. Chaque son, chaque virgule, chaque beep et vrille a été à l’évidence mesuré, testé, étudié, mais par des hommes de doutes et de failles : un fascinant Mecano où sciences exactes et sciences humaines négocient un accord de paix sur terrain neutre, sans doute dans l’espace. Décidément, Lazare fait bien les choses.
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