Disque singulier et foudroyant, le premier album de Mendelson mérite le détour hors autoroute, puis le séjour prolongé. Avertissement liminaire visant à avertir le lecteur (qui en vaut ainsi deux, ce qui accroît dans des proportions non négligeables l’audience de ce papier) et à marquer une infranchissable ligne de démarcation : qui traversera au pas […]
Disque singulier et foudroyant, le premier album de Mendelson mérite le détour hors autoroute, puis le séjour prolongé.
Avertissement liminaire visant à avertir le lecteur (qui en vaut ainsi deux, ce qui accroît dans des proportions non négligeables l’audience de ce papier) et à marquer une infranchissable ligne de démarcation : qui traversera au pas de charge le territoire délimité d’un trait extrafin par Mendelson risque fort d’en repartir sans rien avoir remarqué des beautés, pourtant frappantes, de l’endroit. Hormis l’imparable hymne à la résistance qu’est Je ne veux pas mourir, ces fiers chants de mal d’aurore préfèrent mourir plutôt que de se rendre à l’évidence. Les inconditionnels du test décisif de la première écoute devront se faire violence car L’Avenir est devant (ce titre est-il bien raisonnable ?) est de ces albums qui se méritent mais qui rendent au centuple le peu qu’on aura daigné leur donner.
Deuxième avertissement : il faudrait voir à ne pas prendre Mendelson pour une quelconque Samaritaine de la pop. En toute logique, on n’y trouve donc pas tout. Pas de fil mélodique bien visible auquel se raccrocher, pas de refrain fédérateur, moins encore de démonstration de force ramenarde, mais une atmosphère fatiguée de fin de bal perdu qu’installe une écriture suffisamment singulière et exigeante pour réussir à plaire sans chercher à le faire. Pour ces quinze vignettes bigrement adhésives, l’élégance est de rigueur et la rigueur a de l’élégance : des guitares futées s’abouchent avec des mots affûtés, débités sur le mode parler-chanter d’un ton monocorde et nonchalant. Loin d’agiter le sinistre spectre de l’ennui, cette diction laconique sert à merveille la causticité dont Mendelson fait montre plus souvent qu’à son tour. Et si l’humour pince-sans-rire de ces noueux drilles déroute jusqu’à la perplexité le temps d’Une Dernière, il fait d’irrésistibles ravages à l’occasion d’une Histoire naturelle réjouissante, prétexte à remuer un couteau grinçant dans la plaie d’une certaine tendance de la jeunesse française (son vocabulaire de vingt mots, ses pseudo-provocations minables), ou de Combs-la-Ville et sa subtile réappropriation d’un fameux leitmotiv durassien pour dire la morne réalité de la banlieue. Inutile de préciser qu’on se situe alors à mille bornes de l’imagerie clinquante et démagogique refourguée à la va-comme-je-te-nique par les marchands de haine molle. On ne met pas longtemps à constater que Mendelson n’a pas sa langue fourchue dans sa poche. C’est une vraie colère qui habite le duo, intelligente et blanche, qui n’a pas besoin de beuglements pour exister, qui s’avance masquée sous des airs impassibles pour mieux nous prendre à revers, nous mettre en joue et, inéluctablement, sous son joug délicieux. On s’aperçoit vite que ces gens-là savent aussi poser les bonnes questions, tout en ayant l’élémentaire politesse de n’apporter aucune réponse : « Tant que ça casse je suis vivant, j’en profite, je suis vivant, mais où sont passés les gens ? » A l’évidence, le bruit de ces grelots de rage susurrée ressemble comme un frère d’âme à celui provoqué à coups de vers brisés par Houellebecq. Grâce au poète déchiré du siècle de l’emballage, on avait découvert le sens du combat. On en connaît dorénavant le son.
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