L’égérie américaine de l’intelligentsia electro est de retour avec « In Situ ». Critique.
D’Actress à Lee Gamble, d’Holly Herndon à tous les artistes du label Pan, une vague postmoderne est venue déformer tout un pan de la musique club en quelques années. L’electro y est abordée comme une abstraction, le dance-floor comme une zone expérimentale, au point de modifier la trajectoire de la culture électronique et les attentes de ses fans au fil d’œuvres-pivots.
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L’une d’entre elles, Chance of Rain, a propulsé il y a deux ans son auteur Laurel Halo du statut de chanteuse de pop-electronica claustrophobe à celui de prophète du beat intello. Patchwork techno-jazz protéifome, le disque prenait pour thématique l’inconfort sous-jacent à nos existences technologiques, et incarnait une dance music qui en dit plus qu’elle n’en laisse entendre. En live, l’Américaine développait un groove instable mais visionnaire, posé sur des rythmiques disjointes propices à la désorientation.
Halo poursuit ce travail dans un cadre moins conceptuel sur cette première sortie depuis sa consécration. Précédemment frileuse sur la communication en ligne, la productrice tweete désormais à foison et semble moins cérébrale que par le passé – ne jugeant pas nécessaire de s’exprimer sur ce nouveau travail, elle décline actuellement toute interview.
Si le titre de son précédent lp faisait allusion aux pratiques virtuelles (les indications météo de Facebook), In Situ nous mène sur le terrain et engage le corps avec quelques tracks aux beats bien plantés, comme ceux de Drift, numéro d’abstract hip-hop qui semble attendre qu’un flow vienne s’y poser.
Pourtant, dès qu’on croit entendre un album de bass-music linéaire, celui-ci nous glisse entre les doigts grâce aux stratégies d’évitement d’Halo. Ses petites structures tournent sur elles-mêmes en suspension et ne lâchent jamais vraiment la subtile pression qu’elles opèrent, tout en suivant une dynamique jazz qui s’épanouit enfin sur le très tamisé Focus 1.
Par sa discrétion, on croirait parfois qu’In Situ pourrait s’effacer d’un instant à l’autre derrière ses arrangements fuyants et son toucher boisé. Mais en y revenant plusieurs fois, ce qui s’apparente à un lp d’electro de salon pour esthète est une œuvre courte et précise dans laquelle il se passe bien plus qu’il n’y paraît.
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