Enregistrées à la maison, les nouvelles chansons de la chanteuse folk Laura Veirs épatent par leur sobriété et éblouissent par leur élégance : critique, écoute intégrale et interview au long cours.
Je ne sais pas trop…c’est un album folk ça c’est sûr…quand on m’a donné l’album on m’a prévenu que j’allais aimer car ça se rapprochait du travail d’Alela Diane, mais à part la case folk pure et dure, je n’ai pas l’impression qu’il y ait plus que ça en commun entre vous…vous parlez peut être le même langage mais en restant vraiment très différentes…peut être quelque part assez proche de Bon Iver ?
J’aime beaucoup l’idée oui ! J’adore Bon Iver, et Alela Diane aussi, on a pas mal écouté l’album de Bon Iver qui est vraiment magnifique, et très similaire à la façon dont j’ai voulu travailler, dans le sens où c’est très épuré, enfin, il y a de multiples éléments et il se passe beaucoup de choses mais en gros c’est un mec et sa guitare !
Oui et en termes d’images aussi, vos références sont assez similaires…
Oui tout à fait…et c’est un chanteur extraordinaire.
Quel regard as-tu sur tes albums précédents ?
Ce sont un peu des enfants, des choses sur lesquelles j’ai beaucoup travaillé et que j’ai crée mais qui maintenant tiennent debout par elles-mêmes. J’en suis assez fière. Sauf le tout premier, honnêtement je n’en suis pas très fière, j’entends ma naïveté et mon manque d’expérience et je n’aime pas vraiment ça ! Mais le second oui, Tucker a fait du super boulot niveau production. Je les aime tous parce que ce sont des enregistrements de ma vie, c’est un instantané d’une année ou de quelques mois, de mon expérience en tant qu’être humain à ce moment-là. Je me souviens pourquoi j’ai écrit telle chanson ou à quoi je pensais ou les thèmes qui me travaillaient à ce moment-là…
Est-ce qu’il y a une logique évolutive ou est-ce que ce sont des entités vraiment séparées ?
Je dirais qu’il y a pas mal de thèmes similaires, comme essayer de trouver la vérité derrière les gens, ce qui se cache sous leurs surfaces, la peur que tout s’effrite, que tout change et meure…ça se retrouve sur pas mal de chansons, la lutte contre le changement perpétuel des choses et leur impermanence.
Il y a aussi des chœurs masculins sur cet album…pourquoi ?
C’est encore un autre changement, quelque chose qu’on voulait essayer, comme le quartette. Je pense que chanter avec quelqu’un, faire des harmonies, c’est vraiment marrant, c’est une nouvelle manière pour moi de me sentir excitée par le fait de faire de la musique, sur scène on a tout un chœur, on est 4 ou 5 et ce sont de supers chanteurs, donc il se dégage une grande énergie de tout ça, c’est un peu comme à l’église, même si je n’y ai jamais été, il y a un côté très spirituel. Et j’aime vraiment faire ça en live.
Le choix du chanteur qui t’accompagne sur certaines chansons…ça n’a pas dû être de la tarte, trouver une voix qui s’accorde aussi bien avec la tienne.
Ils sont deux en fait : Karl Blaw, qui a déjà pas mal chanté sur mes anciens albums, j’adore sa voix, et c’est un choix logique et naturel, on a pas mal tourné ensemble donc on se connaît parfaitement bien, et puis Jim James, de My Morning Jacket, c’est un chanteur extraordinaire, je crois que sa voix pourrait sublimer n’importe quelle autre voix, il peut aller très haut de façon très pure et très bas avec beaucoup de puissance, il maîtrise parfaitement sa voix, c’était super de chanter tous les deux dans mon salon !
Ça a l’air tellement mieux qu’en studio !
Oui c’est juste le cadre parfait, c’est très relax, et ça met tout le monde à l’aise. Quand un musicien vient vous aider à jouer sur un album, il faut l’aider à se sentir à l’aise pour qu’il donne le meilleur de lui-même. Donc forcément si on est dans mon salon, tranquilles, à manger des cookies, discuter…ça n’a rien à voir avec un studio terne, aseptisé et effrayant !
C’est presque toujours de la répétition en fait, ou jouer pour du beurre, sauf qu’on enregistre, sans pression. Et je pense que ça change le son de l’album, lui donne un côté plus vrai, plus détendu.
Où as-tu grandi exactement ?
À Colorado Springs, une ville au pied des Rocheuses, à l’Est les grandes plaines et les champs de maïs et à l’Ouest les grandes montagnes. Mes parents aimaient beaucoup faire des choses en extérieur, beaucoup de randonnée, de camping, de ski…c’était vraiment un bon endroit pour grandir.
À quoi ressemble ta famille ?
Oh c’est le genre famille heureuse, pas portée sur le drama, j’ai un grand frère, et mes deux parents. Mon père était professeur de physique et ma mère institutrice. On a beaucoup voyagé ensemble. Mon frère gère une organisation à but non lucratif qui emmène des étudiants sur un gros bateau au large de Seattle pour les sensibiliser à la condition des baleines, c’est comme une classe de mer mais sur les baleines ! Et ils voient tous les types d’orques, les blancs et noirs, qui vivent dans la région de Seattle.
Des musiciens dans cette famille ou dans l’entourage?
Pas vraiment en fait. Et c’est pour ça que j’ai découvert la musique sur le tard. Mon frère jouait un petit peu de guitare et m’a montré quelques trucs quand je devais avoir dans les 18ans, mais j’ai vraiment découvert la musique en fac. À Colorado Springs il n’y a pas l’ombre d’une scène musicale. Rien à voir avec les gosses qui grandissent à Portland, qui eux baignent dans une culture musicale, et surtout les femmes, les féministes même, j’ai découvert ça en fac mais le rock joue un rôle très important dans les revendications de ces groupes de femmes. Donc en grandissant, pas de musique autour, je me suis concentrée sur la photographie, essayer d’être une artiste visuelle au lycée…de temps en temps, mon père ou mon frère grattaient deux trois cordes, mais rien de bien poussé, juste comme ça.
Tu fais toujours de la photo ?
Tu sais, j’ai toujours mon appareil à portée de main, surtout aujourd’hui vu le temps (ndlr – ce jour-là particulièrement gris et lumineux sur Paris), mais ça n’a rien d’une passion, c’est plus un passe-temps. Demain j’ai un jour off, ce qui n’arrive jamais, surtout quand je viens à Paris, donc je pense me lever et aller errer dans les rues, découvrir des recoins.