Enregistrées à la maison, les nouvelles chansons de la chanteuse folk Laura Veirs épatent par leur sobriété et éblouissent par leur élégance : critique, écoute intégrale et interview au long cours.
Quel a été le point de départ pour l’écriture de cet album ?
J’ai écrit beaucoup de morceaux avant d’avoir une vision un peu moins floue de ce que cet album allait être ! Je ne savais vraiment pas. Pour moi c’est totalement artificiel de choisir un sujet et commencer à écrire dessus. Je préfère attendre, regarder les chansons naître, se regrouper, et décider après, en fonction de ce que j’ai. J’ai peut être écrit cinquante chansons sur une période d’un an avant d’arriver à quelque chose ! Et c’est assez frustrant au final parce que j’ai écrit tellement de choses que je ne trouvais pas spécialement intéressantes ou surprenantes, ça ressemblait à ce que j’avais déjà écrit, et c’est quelque chose de très frustrant pour un artiste, c’est important de se sentir neuf, être capable de surprendre, mais ça commence à être difficile après sept albums ! J’ai écrit des centaines de chansons et arrive un moment où l’on se dit « ok, et maintenant ? qu’est-ce que j’ai envie de raconter ? ». Donc ça m’a pris pas mal de temps pour y voir clair, et puis après plusieurs chansons j’ai commencé à voir ce thème du feu et de l’été émerger, j’ai écrit pas mal de chansons l’été dernier (ndlr – en 2008) et l’automne qui a suivit.
L’album précédent est sorti en 2007, est-ce que tu t’es mise à écrire juste après ?
J’ai tourné pas mal et après je me suis posée pour écrire. Je travaille comme ça en général, j’essaye de me concentrer sur l’écriture entre deux tournées, je prends quelques notes en tournée mais je suis incapable d’écrire, par manque de temps. Pas mal d’artistes écrivent en tournée, c’est cool pour eux mais moi je n’y arrive pas !
Combien de temps a duré l’enregistrement ?
Trois mois. De février à avril 2009. On l’a enregistré chez nous, à la maison. Je vis avec Tucker [Martine, le producteur]. On a une maison à Portland et on a enregistré tout le disque dans le salon.
Les albums précédents ont eux aussi été enregistrés comme ça ?
Pratiquement oui, on les a enregistré dans son ancienne maison à Seattle, avait qu’on emménage ensemble à Portland.
Qu’est-ce que ça change, d’enregistrer chez soi ?
C’est chez moi ! Et ça change tout. C’est assez marrant, c’était vraiment notre moment, notre espace pour être créatifs ensemble, parce que Tucker est très pris par son travail de production, et moi avec mes chansons, mes déplacements…donc on est pas souvent ensemble, peut être une fois tous les deux ans on arrive à se bloquer trois mois à la maison et faire de la musique ensemble. Donc c’est assez marrant ! On a de grandes baies vitrées qu’on a dû recouvrir avec de grandes couvertures pour laisser le son des voitures et de la rue dehors, donc il faisait bien noir, en plus on était en hiver, on se serait cru dans une petite grotte !
Est-ce que tu enregistres tout en live ou en prises successives ?
Quelques fois oui, j’ai fait quelques bouts de guitare-voix en live, mais la plupart du temps j’enregistre la guitare d’abord puis le chant. Mon tout premier album a été enregistré en live.
Est-ce que tu as eu un processus de création particulier pour cet album, quelque chose que tu n’avais pas essayé avec les précédents ?
Oui, sur le dernier album j’ai beaucoup écrit avec mon groupe, ceux qui m’accompagnent sur scène, et on a pas mal enregistré tous ensemble, en prises live ; mais pour celui-ci je voulais vraiment enlever tout l’habillage, pour revenir à mes racines folk, faire de chaque chanson un duo épuré guitare-voix et essayer de vraiment croire que chaque morceau était assez fort pour tenir tout seul sur ses pieds sans l’aide d’arrangements sophistiqués. Donc c’est un peu plus épuré que le précédent album même si sur July Flame ou Wide-Eyed, Legless, le son est un peu plus dense. Mais dans l’ensemble je crois que c’est un grand changement pour moi, ce n’est pas un album de groupe.
Et en termes d’arrangements, il y a pas mal d’inédits comme des intrusions de cordes…
Oui c’est quelque chose que je n’avais jamais fait, avoir un quartette de cordes, et c’était vraiment super. Tucker a contacté cet arrangeur qui vit à Austin dans le Texas, et on lui a juste envoyé les chansons par e-mail, et il nous a renvoyé les arrangements, il n’y a pas eu d’aller-retour, pas de longues discussions, et c’était vraiment cool de fonctionner comme ça.
Et pourquoi ce genre d’arrangements ?
C’est une bonne question (rires). Je ne sais pas, on écoute les démos, assez tôt, et on décide plus ou moins à quoi l’on veut que la chanson ressemble, et je pense que là on a juste entendu cette possibilité sur les trois chansons, on était juste prêts pour quelque chose de nouveau !