Votre dernier spectacle à Beaubourg, Highway 101, se terminait par une musique de Pita (musicien basé à Vienne, fondateur du label Mego). J’adore son travail. J’étais à Vienne il y a peu, et je me suis rendu compte que ce qui m’y intéressait le plus était la musique : Christian Fennesz, Pita, Farmer’s Manual… beaucoup […]
Votre dernier spectacle à Beaubourg, Highway 101, se terminait par une musique de Pita (musicien basé à Vienne, fondateur du label Mego).
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J’adore son travail. J’étais à Vienne il y a peu, et je me suis rendu compte que ce qui m’y intéressait le plus était la musique : Christian Fennesz, Pita, Farmer’s Manual… beaucoup de musiciens du label Mego. Quand je leur ai proposé qu’on travaille ensemble, ils m’ont dit « Essaie d’écouter notre musique dans le noir. Avons-nous vraiment besoin de mouvement ? » C’était très drôle. Pita m’a fait écouter des titres qui m’ont émue, et a remixé une courte boucle pour la fin de mon spectacle.
J’aime aussi beaucoup Radian. J’aimerais bien travailler avec eux. J’ai suivi aussi Pansonic. Ce genre de musique me passionne : elle a un côté hard-rock, mais de façon contrôlée, et elle utilise les distorsions musicales, mais avec de l’émotion. Ce n’est pas qu’une question de sons, mais aussi de rythmes et de rupture de ton. C’est étonnant à quel point cette musique peut engendrer de l’émotion. Ce côté « over the top » me fascine, la physicalité de cette réponse émotionnelle, comme pendant un match de foot.
Quelle musique écoutez-vous en dehors du travail ?
J’écoute beaucoup de musique chez moi mais c’est toujours le même dilemme : vais-je écouter quelque chose que je connais ou un truc nouveau ? C’est tout le problème de repartir en arrière dans le temps ou au contraire d’aller de l’avant. J’écoute plein de choses. A Vienne, j’ai vu les Sofa Surfers. C’était super. Je suis une grande fan de Nick Cave, pour la musique, les paroles, le personnage… J’aime aussi les Tindersticks. Ça marche par phases. A New York, j’ai pas mal fréquenté les clubs de jazz. Maintenant j’aime beaucoup les DJ. Et je suis une grande fan de Beck. J’ai utilisé des extraits de ses albums pour l’un de mes spectacles.
Quels sont les films qui vous ont le plus influencée ?
Badlands de Terrence Malick : les dialogues, la musique… c’est génial. Mon copain m’a présenté Martin Sheen il n’y a pas longtemps. J’étais super émue ! Une femme sous influence de John Cassavetes, pour sa façon de montrer la folie. Et son premier film aussi, Shadows. Cette façon de filmer l’instabilité. Et j’ai absolument adoré Gummo d’Harmony Korine.
Votre première émotion liée à la chorégraphie ?
Quand j’ai commencé à danser, à New York, j’ai vu des spectacles de Meredith Monk, de Trisha Brown et de Pina Bausch probablement ma plus grande influence à l’époque. Elle sait traiter la douleur de tant de points de vue différents. Je me souviens aussi des spectacles d’une compagnie japonaise, Eko & Koma, pas très éloignée du buto. Quelque chose de très immobile, de très lent. Ils devaient mettre près d’une heure à traverser la scène. J’ai pleuré. J’étais très émue. On pouvait ressentir physiquement les danseurs, quasiment chaque cellule de leur peau. L’idée du ralentissement du temps m’intéresse énormément. C’est pour cela que Tarkovski m’a aussi beaucoup influencée.
Et les arts plastiques ?
L’art a toujours été une référence dans mon travail. Joseph Beuys, Louise Bourgeois, Christian Boltanski, Anselm Kieffer. Toute cette génération a compté pour moi. Pour leur travail sur la perte, la mort, et la guérison. Ce sont mes premières influences, des artistes qui m’ont inspirée alors que je commençais à travailler avec mon corps. Puis je me suis plus tournée vers Cindy Sherman et Nan Goldin. Bruce Nauman m’a évidemment beaucoup influencée. Et j’ai en tête cette incroyable vidéo de Vito Acconci, où il essaie d’ouvrir les yeux d’une femme. C’est très beau, une interrogation sur ce que signifie l’expression « ouvrir les yeux de quelqu’un ».
Maintenant je m’intéresse plus à l’ironie, à la vulnérabilité. Dernièrement, j’ai beaucoup aimé cette énorme installation de Pipilotti Rist, une sorte de grand appartement contenant des vidéos, des installations… C’est fascinant ce mélange d’art, de design, de musique et de mode. Ce qui me ramène aux arts vivants. J’apprécie le travail d’Alain Platel. Il a eu une grande influence sur le mien, pour le contexte social de ses recherches. La danse s’éloigne de plus en plus du corps et devient ainsi de plus en plus un espace pour les arts plastiques. J’aime beaucoup ce que fait le photographe Andreas Gursky, la façon dont il montre les gens dans de vastes espaces sociaux, les banques, les usines. Je m’intéresse aux biographies des artistes, au contexte social et culturel de leurs uvres, le New York des années 50 par exemple, ou l’histoire des communautés d’artistes, des regroupements de créativités.
Vous avez le temps de lire ?
J’aime les histoires. J’adore lire de la théorie : sur l’art, la danse, le théâtre. Mais quand je travaille et que je lis de la théorie, ça ne colle plus. C’est un peu comme faire l’amour et lire là-dessus en même temps. J’ai lu un roman génial : I know this much is true de Willie Lamb. L’histoire de deux jumeaux. L’un est schizophrène mais l’autre, celui qui raconte l’histoire, ne l’est pas. Et il décrit comment son autre perd la raison.
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Meg Stuart/Damaged Goods présente Highway 101 à la Raffinerie de Bruxelles le 16 décembre (dans le cadre du festival Danse de Maubeuge). Tél. 03.27.65.65.40.
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