J’ai été élevée avec ma s’ur par une mère célibataire qui avait très peu de moyens et qui venait d’un milieu peu cultivé. Elle ne m’a pas donné d’éducation culturelle. Mais elle avait eu une liaison avec quelqu’un qui l’avait amenée à acheter un pick-up, et donc elle écoutait quelques disques de musique classique. Il […]
J’ai été élevée avec ma s’ur par une mère célibataire qui avait très peu de moyens et qui venait d’un milieu peu cultivé. Elle ne m’a pas donné d’éducation culturelle. Mais elle avait eu une liaison avec quelqu’un qui l’avait amenée à acheter un pick-up, et donc elle écoutait quelques disques de musique classique. Il y en a un que je n’ai pas oublié, la 7e symphonie de Beethoven. Ça m’a beaucoup bercée. Il y avait également la Petite musique de nuit de Mozart, mais j’ai toujours été moins sensible à Mozart qu’à Beethoven.
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Ensuite vous avez cherché à connaître le reste du répertoire de Beethoven ?
Non, pas vraiment, parce que je me suis intéressée à la chanson assez vite et ça m’a entièrement accaparée. Mais j’ai découvert par hasard une autre uvre qui m’a aussi énormément touchée : le Concerto n° 5 de l’Empereur. Ça a presque déterminé mes goûts en musique classique : fatalement des concertos pour piano et orchestre, et fatalement l’adagio du concerto. Mes préférés sont les Concertos n° 1, 2, 3, 4 de Rachmaninov, le compositeur que j’aurai le plus écouté.
Et les premières lectures marquantes ?
Ma mère m’avait offert des livres de Daphné Du Maurier : Rebecca, puis Ma cousine Rachel. Je me rends compte en vieillissant que je suis beaucoup plus captivée par les romans écrits par des femmes que par ceux écrits par des hommes. J’ai tendance à rechercher un univers mélodramatique avec une dimension psychologique assez pointue.
Aucun homme n’est capable de faire ça ?
Si, Balzac et Proust. Mais quand je lis Edith Wharton, il y a des moments où je suis éblouie tellement elle va loin sur le plan de l’analyse psychologique des personnages. En ce moment, je suis en train de me régaler avec Chez les heureux de ce monde. Pour Le Temps de l’innocence, qui est un de mes films préférés, j’ai d’abord vu le film, qui m’a bouleversée, je l’ai revu plusieurs fois, tout comme j’ai relu le livre au moins deux fois. J’ai toujours besoin d’être bouleversée en même temps qu’intéressée. Cet été, j’ai relu La Récompense d’une mère.
Vous relisez beaucoup ?
Oui, parce que dans un premier temps, quand un livre m’intéresse, je le lis gloutonnement. Ensuite, je relis plus calmement, en notant des passages. Ce qui est très curieux, c’est qu’il y a des livres avec lesquels on a du mal à accrocher à nouveau. Belle du Seigneur par exemple, je l’ai lu à sa parution, à 20 ans et quelques. Ça m’a tellement plu que j’ai essayé de le relire il y a quelque temps et j’ai eu du mal. J’ai sauté beaucoup de pages, toutes les descriptions. Ce qui m’intéresse, c’est quand on va au c’ur des personnages, des sentiments qu’ils éprouvent et de leurs motivations. Je suis restée fidèle tout au long de ma vie à Agatha Christie : elle a une finesse, une justesse et une profondeur incroyables. Ce n’est pas si mineur.
Comment est venu le goût de la chanson ?
Le déclic, ça a été en découvrant une station de radio anglaise, qui diffusait des artistes comme Elvis Presley, Brenda Lee, les Everly Brothers, etc. J’avais l’impression d’être la seule à entendre cette musique, ce style mélodique qui me transcendait littéralement. Je n’ai jamais vraiment pris de drogue, mais j’ai toujours comparé la musique à ça. On commence à ne plus pouvoir se passer d’une mélodie, et puis quand ça retombe, on n’a de cesse d’en trouver une autre qui vous fasse le même effet. Je peux presque dire que je vis encore là-dessus.
Vos hits de ces dernières années ?
Portishead, qui n’a fait que deux albums, et dont j’aime déjà un peu moins le deuxième. En revanche, sur la longueur, Massive Attack, dont je préfère le dernier album. Radiohead est un groupe très déconcertant, ce en quoi je le trouve admirable. Là, pour l’instant, le dernier album est un énorme point d’interrogation pour moi. Ce qui m’intéresse avant tout, ce sont les mélodies. Quand l’ambiance musicale prend le pas sur la mélodie, ça m’étonne moins. Rien ne m’emplit davantage d’admiration qu’une mélodie inspirée. C’est pour ça que j’aime autant l’album de Coldplay.
Vous êtes cinéphile ?
Les grands cinéastes qui m’ont marquée, ce sont Fellini et Bergman. Quand j’ai vu Huit et demi, je n’ai pas eu l’impression de bien comprendre le propos, mais j’ai senti que c’était novateur. Au cinéma, j’ai besoin qu’il y ait un travail sur la forme. C’est ce qui m’avait tant plu dans Une femme mariée de Godard. Pour revenir à Bergman, mon préféré est Sonate d’automne, mais j’aime aussi beaucoup Les Scènes de la vie conjugale. J’avais acheté les dialogues du film parce que le texte est d’une telle richesse que j’avais besoin de le relire. Bergman m’amène à parler de Woody Allen : avec Une autre femme, je trouve qu’il l’a rejoint. Je l’ai déjà vu trois ou quatre fois, mais j’espère qu’il y en aura d’autres. C’est magistral.
Et la peinture ?
Je me souviens de m’être retrouvée seule à Venise avec un terrible chagrin d’amour. J’errais dans les rues, l’âme en peine (rires)… Mais ça, j’ai oublié. Ce dont je me souviens, c’est d’avoir été attirée dans un palais où je suis tombée sur une exposition d’ uvres de Max Ernst. Je ne m’en suis toujours pas remise (joignant le geste à la parole, elle sort un dessin de Max Ernst).
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Alors que son dernier album, Clair obscur (Virgin), est bientôt double disque d’or, vient de paraître un album resté inédit de Françoise Hardy, If you listen, « l’album anglais » enregistré en 1971, avec des reprises de Neil Young, Randy Newman et Buffy Sainte Marie.
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