On écoutait beaucoup de musique dans ma famille. Ma mère n’arrêtait pas de chanter des chansons d’Elvis Presley, de Sinatra, tout le rock mélodique. On avait de super beaux vinyles que j’ai gardés de Dionne Warwick, des Everly Brothers, de Roy Orbison. Et puis, mes s’urs sont plus âgées que moi, donc elles écoutaient tout […]
On écoutait beaucoup de musique dans ma famille. Ma mère n’arrêtait pas de chanter des chansons d’Elvis Presley, de Sinatra, tout le rock mélodique. On avait de super beaux vinyles que j’ai gardés de Dionne Warwick, des Everly Brothers, de Roy Orbison. Et puis, mes s’urs sont plus âgées que moi, donc elles écoutaient tout ce qui est pop anglo-saxonne : les Beatles, les Kings, les Stones, les Who… On avait aussi un peu de chanson française : Jeanne Moreau, Brigitte Bardot, Françoise Hardy, et surtout, les tubes populaires à la radio ou sur les juke-box.
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Et le premier disque que vous vous êtes acheté ?
C’est le premier disque des Pink Floyds, qui s’appelait The Piper at the gates of dawn, un album très psychédélique, électronique, de 67. Je suis fou de Syd Barrett, de ses mélodies, de la manière dont il composait, tout en mineur. Le deuxième album que j’ai acheté, c’est celui avec la banane du Velvet Underground. Puis j’ai eu Chelsea girl de Nico. J’avais aussi un disque de Leonard Cohen, celui où il y a Suzanne. Carole King aussi : l’album Tapestry. Voilà mes premiers disques de la moitié des années 70.
Comment êtes-vous passé au cinéma ?
Quand je suis entré en sixième, je me suis fait deux amis, deux jumeaux très érudits, François et Benoît, des avant-gardistes de tout. Grâce à eux, dans un cinéma qui s’appelait l’Arvor à Rennes, j’ai découvert Hiroshima mon amour de Resnais, Jodorowski, Pink Narcissus de James Bidgood, les films de Warhol, les courts métrages de Kenneth Anger, les premiers films de John Waters avec Divine… Toute la contre-culture des années 70, des images fortes et ambiguës. On savait que c’était rare donc il y avait une excitation à y aller. Ça rejoignait le Velvet, les New York Dolls, Bowie, Jagger, même Freddie Mercury. Toute une liste d’idoles de l’ambiguïté qui ont complètement influencé ce que je suis devenu.
Plutôt en mineur : on ne peut pas dire que vous soyez aussi flamboyant.
Non, c’est vrai, parce que j’ai ma personnalité. Mais sur une sensibilité artistique, tout ça reste encore ma base. La grande différence entre cette époque et aujourd’hui, c’est que les choses mettaient du temps à arriver. L’album du Velvet est sorti en 1967/1968, or j’ai dû l’avoir en 1973. On vivait avec les disques pendant très longtemps, trois ou quatre ans. Transformer ou Berlin de Lou Reed, je les ai écoutés 1 000 fois, 2 000 fois. Tous ces albums, je connais le moindre de leurs arrangements, la moindre inflexion de la voix.
C’est si différent aujourd’hui ?
Je pense qu’aujourd’hui, ça va beaucoup plus vite. C’est une question de temps et aussi d’abondance. Quand il y avait un artiste majeur, il n’y en avait pas 2 000. Il était repéré, identifié, choyé. On était dans un système plus arty, alors qu’aujourd’hui, on est dans un système de consommation où il faut créer un groupe pour créer une excitation, et puis le détruire, pour pouvoir en créer un autre. Désormais, c’est très difficile pour des artistes de développer vraiment ce qu’ils sont.
Quels sont vos films préférés ?
Mon film préféré, c’est Deep End de Skolimovski. Je m’étais totalement identifié au personnage joué par John Moulder-Brown, quelqu’un d’assez candide. J’ai adoré la fin dans la piscine. Les piscines m’ont toujours troublé à cause du son. Les gens crient, il y a un écho. Et l’eau est un élément très important pour moi. Mon autre grand film, c’est Breakfast at Tiffany’s. Ma mère a toujours énormément ressemblé à Audrey Hepburn. Hepburn, c’est vraiment la grâce, la vitalité, elle est pétillante, elle est drôle, elle est émouvante. Il y a tout ça dans le film. C’est une comédie de Blake Edwards, donc c’est léger, glamour, ça fait rêver. Et puis tout d’un coup, il y a cette histoire d’amour impossible qui arrive, sous la pluie, avec ce chat qui est parti dans les rues de New York. Dans Eden, il y a une chanson complètement inspirée par ce film : Les Pluies chaudes de l’été dans laquelle je cite le nom d’Hepburn dans le film : Holly Golightly.
Et dans la chanson Des attractions désastres, vous parlez du peintre Witsen.
Je suis rarement touché par la peinture, mais au musée Van Gogh à Amsterdam, j’ai découvert un tout petit portrait peint par lui d’un homme dans l’ombre qui m’a envoûté. Je suis retourné le voir plusieurs fois. Mais pour moi, la peinture, ça s’arrête là.
Et les livres ?
Ado, j’étais fan de Julien Green, sans doute parce que j’étais très dépressif. Le premier livre de poche que j’ai lu, c’est son premier roman, Mont-Cinère. La couverture était suffisamment glauque et noire pour m’intriguer. Et j’ai dévoré tout Julien Green dans la foulée : Moïra, Minuit… A 16, 17 ans, j’ai aussi lu Le Journal du voleur de Jean Genet qui m’a beaucoup troublé. Je ne comprenais pas tout, je n’avais pas les clés, mais les climats sont souvent plus importants que ce qui est vraiment dit. De toute façon, je pense qu’il y a une partie de soi quelque part au fond de sa tête qui comprend tout. C’est la chanteuse Hélène Martin qui m’a fait découvrir Genet : sans le savoir, elle a joué un rôle capital. A 16 ans, on est comme un buvard. Tout ce que je viens de citer, du Velvet à Genet, c’est la même idée de liberté, d’extrême, de romantisme exacerbé.
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