Entre New-York, Paris et Avignon : l’année 2000 vue par le metteur en scène de Gilgamesh.
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Samedi 1er janvier 2000
New York. De ton lit tu vois la tour Eiffel, sur New York One, manquer de ne pas s’allumer à minuit. La tour Eiffel dans le noir à cause d’une panne à minuit pour l’année 2000 ç?était le début d’une année poétique. Pas de chance pour ton année poétique : six heures plus tard à minuit à New York Times Square crache des lumières comme jamais. Tout a marché. Le monde est le même : pas d’année poétique.
Dans ton lit tu repenses à 1839 le dernier spectacle de Michael Counts, sans doute le metteur en scène le plus intéressant en ce moment à New York. Tu sors la tête rongée par la lumière qui va chercher chaque main, chaque pied, chaque sein, chaque bouche dans le tunnel en béton encastré sous le pont de Brooklyn. Tu vois les ventres blancs et les hurlements du texte peu joué sur les lèvres des acteurs. Les images sautantes immatérielles qui s’enfoncent dans le noir très loin de toi à reculons. L’enfer des corps traités comme des arcs. Leurs flèches qui te reviennent à la manière d’une panique folle organisée.
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Samedi 1er avril 2000
Prague. Devant l’hôtel de la Couronne soudain tu repenses à ce soir merveilleux où tu vas à Orléans chez Olivier Py voir Genesi par Castellucci. Tu te vois à Dijon il y a dix ans ou plus regarder un spectacle de Castellucci où les acteurs tirent des coups de feu pendant des heures dans un hangar en béton et écrivent sur les murs avec leurs excréments. Tu te vois en Avignon, brisé de bonheur devant Julio Cesare. Tu repenses au bélier qui ouvre le spectacle et tu penses que le travail est là : dans celui qui insiste. Tu inscris la deuxième partie de Genesi, la partie avec les enfants habillés de blanc dans ton top ten des spectacles qui te laissent brisés de bonheur. Toujours tu voudrais voir au théâtre ce blanc, cette ouate. Cette absence de jeu. Cette légèreté des corps qui ne font qu’être. Cette luminosité blanche du rêve qui éclaire le pire des cauchemars : Auschwitz.
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Samedi 1er juillet 2000
Avignon. Aujourd’hui c’est ton anniversaire et dans quinze jours c’est la première de Gilgamesh. Les tournesols sont de plus en plus haut comme le soleil à midi dans le champ saturé de chaleur et de lumière. Tu retournes voir le Genesi de Castellucci et tu regardes les mains fines de ses enfants dans l’air en suspension. Tu regardes leurs pieds leurs jambes. Tu regardes la danse pas dansée de la plus grande. Tu voudrais avoir crée cette danse pas dansée. En sortant tu inscris dans ton c’ur cette danse pas dansée. Puis suit le solo lumineux de Jan Fabre, le beurre, les chiens, la mort.
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Samedi 1er octobre 2000
Paris. Dans la lumière puis dans la chaleur du Théâtre de la Ville pour la première de As long as the world needs a warrior s soul de Jan Fabre. Tu aimes Jan Fabre. Tu as toujours aimé Jan Fabre. Et tu aimes spécialement ce dernier spectacle. Quand vous vous parlez tu sais que vous vous comprenez. Déjà il y a dix ans quand tu as monté son texte à l’envers tu sais que vous vous compreniez. Tu as l’impression de toujours l’avoir connu. De lui parler muettement quand tu fais tes spectacles. Comme à certains autres spécialement choisis tu lui envoies des messages secrets. Et regarder son travail c’est recevoir ses réponses.
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Samedi 1er décembre 2000
Rue Saint Luc. 18ème. De ton lit tu vois le Sacré-C’ur en pleine lumière. Tu repenses à l’année poétique. Dans quinze jours tu reprends les répétitions de Gilgamesh. Dans la nuit tu vois le travail. Le jour tu marches sur la bande centrale à Pigalle. Et tu vois le travail. Des fois tu rentres à la chapelle Sainte Rita boulevard de Clichy et tu t’assoies sans parler parmi les malheureux qui prient. Et tu mets de la lumière. Et tu vois le travail. Des centaines de cierges dans la chapelle Sainte Rita pour l’année poétique. Un soir tu vois le travail de Jérôme Bel au dernier sous sol du Centre National de la Danse. Et tu es heureux. En sortant dans la nuit et le chagrin qui ne passent pas tu vois soudain tout en haut du théâtre des guirlandes de lumière.
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