Alors que paraît “Cat Power Sings Dylan: The 1966 Royal Albert Hall Concert”, retour sur un art que l’autrice-compositrice-interprète américaine maîtrise à la perfection, celui de la reprise.
Le jour où son manager lui a annoncé qu’elle avait l’opportunité de jouer au Royal Albert Hall, Chan Marshall a eu cette réponse épidermique : “Fuck, oui ! Mais je ne veux faire que des chansons de Dylan”, comme elle le confie dans notre numéro de novembre. Une réaction guère surprenante à double titre, tant sa fascination pour Bob Dylan est connue et pour qui sait l’appétence de Cat Power à s’approprier les chansons des autres.
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L’occasion rêvée pour sélectionner dans un vaste corpus quinze hommages rendus par cette autrice-compositrice-interprète d’exception à ses pairs, disséminés dans une riche discographie entre albums dédiés à l’exercice, BO, tribute, EP et autres.
Yesterday Is Here (Tom Waits)
Dès son premier album, Dear Sir, Cat Power démontre qu’elle n’a pas froid aux yeux en s’attaquant à un maître absolu, Tom Waits, dont elle détourne le Yesterday Is Here (extrait du chef-d’œuvre Franks Wild Years) en rendant wild cette valse triste, la miaulant, la hurlant, la susurrant, la défigurant avec le plus grand respect. À son écoute, on se dit que le future is hers.
Bathysphere (Bill Callahan)
Sur What Would the Community Think, Chan Marshall semble signer Bathysphere tant il est parfaitement intégré à l’univers de son troisième album. Seules des oreilles averties ou des fans de lecture des crédits écrits en tout petit auront identifié Bill Callahan (à l’époque appelé Smog) comme étant à l’origine de cette ballade inconfortable qui donne du baume (et quelques épines) au cœur.
I Love You (Me Either) (Serge Gainsbourg et Jane Birkin)
Dans cette rare incursion dans le répertoire français (quoique (ré)interprété en anglais), Cat Power partage ce Je t’aime moi non plus avec Karen Elson et sème le trouble dans le genre à une époque où la fluidité en la matière n’était pas encore de mise.
Moonshiner (traditional)
Avec Moonshiner, Chan Marshall plonge dans les arcanes du Great American Songbook, ce genre de chanson créditée “traditional” tant ses origines sont obscures. De ce classique folk déjà entendu chez des sommités tels qu’Elliott Smith, Bob Dylan ou Tim Hardin, elle livre une version vibrante, frémissante qui en fait un des phares dans la nuit de Moon Pix, son quatrième album.
(I Can’t Get No) Satisfaction (The Rolling Stones)
Sur The Covers Record, Cat Power désosse le Satisfaction des Stones, le privant de son riff et de son refrain emblématique pour en faire du Cat Power. Une marque de fabrique qui présidera à la confection de ce premier album de reprises, ainsi qu’aux deux suivants (Jukebox et Covers).
Naked, If I Want To (Moby Grape)
Toujours sur The Covers Record, Cat Power emprunte au groupe hippie de San Francisco Moby Grape ce Naked, If I Want To signant la fin des Summers of Love et de l’utopie qu’effectivement elle dénude pour ne lui laisser que la peau sur les os soit une belle manière de nous filer la chair de poule.
Stuck Inside of Mobile with the Memphis Blues Again (Bob Dylan)
Plus le temps passe, plus on se dit que le lien entre Cat Power et Bob Dylan est ancien, voire ancestral, ou mieux, tripal. Elle ne pouvait donc qu’être de la folle aventure du I’m not There de Todd Haynes où le barde américain est incarné à l’écran comme sur la bande-son par nombre d’interprètes comme Cate Blanchett, Sonic Youth, Richard Gere, et donc une de ses filles spirituelles.
New York (Liza Minnelli)
Après l’exceptionnel The Greatest (tant par sa qualité que par le fait qu’il est le premier album à ne comporter que des morceaux originaux), paraît Jukebox où Cat Power s’offre une escapade dans le New York de Martin Scorsese et de Liza Minnelli qu’elle malmène en asseyant sa voix de velours sur une rythmique martiale entêtante.
Lost Someone (James Brown)
En remettant une pièce dans le même Jukebox, on tombe sur une révérence faite à James Brown, période Godfather of the Soul avec ce Lost Someone dont Cat Power respecte le rythme languide caractéristique des slows sixties qu’enjolive sa voix voilée à l’intensité contenue.
I’ve Been Loving You Too Long (To Stop Now) (Otis Redding)
Quelques mois après Jukebox, Cat Power lui offre une courte suite, le Dark End of the Street EP, où elle se frotte avec aplomb à un autre slow soul mythique, I’ve Been Loving You Too Long d’Otis Redding. Habituée à tordre et distordre les versions originales, elle surprend ici en restant fidèle à la trame fondatrice du morceau pour une réinterprétation à fleur de peau en forme d’ascenseur émotionnel.
Fortunate Son (Creedence Clearwater Revival)
De l’engagé boogie-blues de Creedence Clearwater Revival, paru en 1969, Chan Marshall fait une sorte de célébration païenne envoûtante, semblant convoquer les fantômes de Nico et de la désillusion de l’Amérique embourbée au Vietnam avec pour mantra le “It ain’t me” qui faisait tout le sel de Fortunate Son sous la plume (et la voix puissante) de John Fogerty.
Pa Pa Power (Dead Man’s Bones)
Suite à Sun et Wanderer, deux albums qui, comme The Greatest, recèlent un répertoire à 100 % signé Cat Power, le sobrement intitulé Covers met fin à quatorze ans de disette en matière de reprises. Une nouvelle fois Chan Marshall multiplie les pas de côté en passant des Pogues aux Replacements ou Nick Cave & the Bad Seeds tout en remettant en lumière Dead Man’s Bones, projet éphémère de Ryan Gosling dont on regrette qu’il n’a produit qu’un album.
White Mustang (Lana Del Rey)
Sur Wanderer, Cat Power rencontrait Lana Del Rey pour Woman, un duo sororal vibrant où leurs voix se confondaient autant qu’elles se complétaient pour un final en forme de climax. Sur Covers, c’est seule que Chan retrouve Lana en revisitant avec une classe folle le White Mustang de la Californienne.
Have Yourself a Merry Little Christmas (Judy Garland)
Cat Power qui chante Noël, c’est un truc aussi improbable que les frères Gallagher célébrant le surf ou que de croiser les Daft Punk à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024. Mais c’est mal connaître Cat Power et son surinvestissement dans tout ce qu’elle entreprend. Son engagement dans cette “christmas song” est, comme toujours, plein et entier, sincère sur un piano/voix qui s’entend comme un moment d’éternité.
Ballad of a Thin Man (Bob Dylan)
En conclusion la performance qui a donné naissance à cette playlist : le pari fou relevé de Cat Power de reprendre en intégralité la setlist de Bob Dylan pour son mythique concert au Royal Albert Hall en 1966 pour un concert vibrant de l’Américaine.
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