1980. Dans un loft de Manhattan, les Mancuniens d’A Certain Ratio inventent en direct la dance-music contemporaine, héritière autant du punk que du funk. Un moment historique, visible en vidéo sur la nouvelle compilation Early et sur lesinrocks.com
On pourrait vous raconter comment le rédac chef de ce site et moi, nous avons claqué des parties de flipper interminables avec un des garçons d’A Certain Ratio à la Haçienda de Manchester. Ou comment on a appris à danser sur Shack Up, si fier de tenir enfin un morceau funky qu’on n’avait pas honte de présenter à sa platine. On ignorait bien entendu que cette merveille avait déjà des années au compteur, volée intégralement et sans aménagement au groupe funk Banbara. A l’époque, on achetait tout ce qui sortait sur le label Factory de Manchester. Et on trouvait tout bien. Logiquement, dès The Graveyard & The Ballroom, leur première cassette chez Factory, on avait adopté A Certain Ratio, leur trompette étranglée et leur funk spartiate, que l’on adorera sur leur premier single, All Night Party. On avait un peu plus de mal avec l’image boy-scouts, shorts militaires, nuques rasées et chemisettes guerre du désert.
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Mais en plein after-punk, visages émaciés et cheveux en bataille, les Mancuniens nous donnaient de quoi supporter les boums, de Shack Up à Do The Du. On découvrait alors que les frêles troupes de Simon Topping n’étaient pas seules à envisager ainsi le funk au fond d’une glacière : de Cabaret Voltaire à Hula, de Gang Of Four à 23 Skidoo, l’Angleterre se mettait à danser au lieu de pogoter bêtement. Pas étonnant que la plupart de ces musiciens aient ensuite fermement participé à l’explosion dance de la fin des années 80.
L’Angleterre n’était pas seule : à New York, les Bush Tetras ou ESG jouaient eux aussi ce funk martial, minimal, hypnotique. Passablement impressionnés par les concerts d’A Certain Ratio lors de leurs premières parties, les Talking Heads s’y mettaient aussi. C’est dans ce contexte qu’A Certain Ratio déboule à New York au début des années 80 et découvre, lors d’une balade à Central Park, les sifflets et percussions des musiciens sud-américains, haïtiens ou porto-ricains : le son du groupe en sera pour toujours bouleversé, partagé entre transe latine et blizzard nordique.
Des années plus tard, on reverra même A Certain Ratio à Londres pour un concert de samba, chaque musicien habillé aux couleurs de l’équipe brésilienne de football. Le groupe existe encore et vient même de publier ses uvres fascinantes de jeunesse (Early, chez Soul Jazz/Discograph). On ne remerciera jamais assez les Mancuniens de nous avoir fait danser sur Lautréamont, auquel était destiné Do The Du (Du pour Isidore Ducasse). C’est dire comme, new-wave, on était (déjà) prétentieux.
A voir en Real Video, le film Tribeca réalisé par Michael Shamberg, témoignage de la session new-yorkaise live qui figure sur le deuxième CD de la compilation Early qui vient de paraître sur Soul Jazz Records
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