Avec « Lady’s Bridge », l’Anglais Richard Hawley poursuit sa quête d’un songwriting universel, planant au-dessus des vicissitudes de la mode.
Depuis le début de sa carrière solo, en 2001, un cliché colle à la peau de Richard Hawley. Il est dépeint comme un briseur de sablier, un type qui aurait volontairement arrêté la course du temps pour vivre à l’heure des 50’s et des 60’s. Crooner à la gorge profonde, soufflant ses mots doux comme des ronds de fumée bleutés, l’Anglais promène sa mélancolie au pas du flâneur, enrobé d’un halo de guitares réverbérées qui semble être le pendant sonore de ses pensées embrumées. Forcément, ce baladin sensible détonne dans un milieu rock qui, depuis plusieurs années, joue la carte de l’électricité débridée et de la fougue à tous crins.
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Sur la pochette de son dernier album, Hawley, l’air songeur, pose en costume lamé derrière une guitare Gretsch millésimée – celle-là même qui fit la gloire d’Eddie Cochran. Le portraiturer en musicien largué, perdu dans la contemplation de son rétroviseur, serait pourtant une grave méprise. Dans Lady’s Bridge, il ajoute simplement un chapitre à la légende d’un rock mélodieux et increvable, dont les faiseurs de mode ont décrété un peu hâtivement qu’il était dépassé. Cette page de l’histoire musicale n’avait pas été tournée : elle attendait qu’un homme pas trop distrait par les vicissitudes de son temps vienne la compléter, l’enrichir de quelques lignes marquées du sceau de l’inédit.
Après Cole’s Corner, qui brillait déjà par son envergure sonore, Lady’s Bridge élargit encore les perspectives expressives de son songwriting. La présence d’une section de cordes, responsable de remarquables bouffées lyriques (Valentine, Our Darkness), renforce le charme d’une musique élégante en toutes circonstances, qu’elle s’affiche dans le plus simple appareil (Dark Road) ou endosse un cuir fort seyant (les endiablés Tonight the Streets Are Ours et I’m Looking for Someone to Find Me). Soigné jusque dans le moindre détail, le rock de Richard Hawley n’est pourtant jamais tiré à quatre épingles.
L’émotion, ce mot devenu immangeable à force d’avoir été cuit et recuit par les marchands de soupe, reprend toute sa saveur entre les mains de l’Anglais. Elle est cet ingrédient essentiel qui transforme sa musique intimiste en langage universel. A Sheffield, le Lady’s Bridge est ce pont qui, autrefois, raccordait les quartiers populaires et les zones huppées. La musique de Richard Hawley est à son image : elle abolit tous les clivages pour mieux relier les hommes pourvus d’un cœur en état de marche.
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