Repérées auprès de Missy Elliott ou des Black Keys, Nicole Wray et Terri Walker sortent sous le nom de Lady un disque de soul de poche à la fois rétro et moderne. Critique et écoute.
Un rythme cool glisse entre les couloirs déserts d’un club parisien. Caressé par un orgue daté qui risque une montée chromatique, le son mat et feutré projette cet après-midi glacial dans un ailleurs vintage. Sur scène, une Fender Jazz Bass, un Hammond B3, une Ludwig pailletée : “La soul, c’est un feeling, une voix, mais c’est aussi un son, une chaleur qui est très liée aux instruments utilisés à l’époque. L’orgue, la basse très ronde… Pour l’enregistrement de l’album, ça a été un point crucial”, expliquent Terri Walker et Nicole Wray, deux chanteuses réunies sous le nom de Lady qui grimpent sur cette scène dans quelques heures pour leur premier showcase parisien.
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Le disque qu’elles viennent d’enregistrer possède en effet ces caractéristiques de l’enregistrement soul. Et pour cause : la petite bombe sort des studios de Truth & Soul, un label basé à Brooklyn qui participe au revival soul amorcé par les Dap Kings ou Menahan Street Band. Comme les grandes officines soul, Truth & Soul est à la fois un label et une équipe de production, pilotée par Leon Michels, fondateur du label et frontman du groupe maison, El Michels Affair – auquel on doit un excellent album de reprises instrumentales du Wu-Tang Clan.
A l’instar des Funk Brothers chez Motown, des MG’s chez Stax, El Michels Affair compose et enregistre les disques du label. “Truth & Soul ressemble à un modèle réduit des grandes écuries soul. Il y a un groupe, le patron joue dedans, tout le monde donne son avis. C’est familial, une sorte de petite production entre amis, s’amuse Terri en évoquant les sessions. Ils ont ce son caractéristique qui procède d’un vrai choix, car tout est vintage : les orgues, les batteries, même la console. Dès que tu les entends jouer, tu es projeté quarante ans en arrière. Ils ont ce truc funky, coloré, riche.”
Repérées par Michels alors qu’elles se connaissaient à peine, les deux chanteuses n’en sont pas à leur coup d’essai, même si elles n’ont pas toujours visé la soul. L’Américaine Nicole, connue pour ses participations aux disques de Missy Elliott où elle forçait une sensualité un peu cheap, trouve enfin ce relâchement propre aux voix soul qui débordent de leur lit sans baver.
Terri, l’Anglaise, se rapproche du gospel de sa paroisse natale plutôt que de l’esthétique garage qu’elle suivait quelques années plus tôt dans l’underground londonien (Shanks, 187 Lockdown). “Nous avons toutes les deux un vrai patrimoine soul, mais nous n’avons pas toujours évolué dans ce style. Lorsqu’on s’est rencontrées à New York, on a jammé avec les musiciens du label et il s’est passé un truc. C’est une question de culture musicale, je crois”, dit Nicole.
En dépit de quelques arrangements où l’exercice rétro demeure visible, Lady ne procède pourtant pas d’une simple nostalgie. Au contraire : minutieusement ancrée dans les architectures 70’s, leur soul de poche préfère une prise de son moderne à la poussière contrefaite des studios d’antan. L’esthétique est rétro mais le groove finalement moderne ; une étincelle vintage au service d’une interprétation bien dans son siècle.
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