La métamorphose de Keren Ann en Lady, le temps d’un jeu de rôle musical intitulé Lady & Bird, est amusante à observer. Frappée d’une amnésie contagieuse, elle parle comme si elle avait 12 ans et venait de voir le loup, dont le petit oiseau est incarné par le taciturne Bardi (Bang Gang), alias Bird, qui […]
La métamorphose de Keren Ann en Lady, le temps d’un jeu de rôle musical intitulé Lady & Bird, est amusante à observer. Frappée d’une amnésie contagieuse, elle parle comme si elle avait 12 ans et venait de voir le loup, dont le petit oiseau est incarné par le taciturne Bardi (Bang Gang), alias Bird, qui a également 12 ans dans sa grosse tête ? et des lunettes noires lui aussi.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
De belles chansons, leur premier album de duettistes en est rempli. Celles qu’ils ont composées rivalisent même avec les deux qu’ils chapardent aux meilleures sources : Stephanie Says du Velvet, réplique attendrie de l’originale, ou le toujours déchirant Suicide Is Painless, la chanson de M.A.S.H, qu’ils rhabillent d’un voile d’innocence à peine mité par le spleen. Inspiré du Lady Bird d’un autre fameux duo, Lee Hazlewood et Nancy Sinatra, le nom qu’ils ont trouvé pour leurs mercredis récréatifs en dit long sur les hautes intentions de ces songwriters en herbe. Mais là où le vieux Lee, avec sa seule voix burinée, aimait à jouer au docteur avec sa jeune proie blonde, Keren Ann et Bardi se contentent de jouer à la poupée, instaurant une rigoureuse parité dans l’écriture, les arrangements et ce chant asexué qui émane de leurs ébats pré-acnéiques.
Ce qui importe surtout, c’est la manipulation féerique à laquelle ils se livrent pour décanter de leurs influences ? d’Ennio Morricone à l’electronica naturaliste typique de l’Islande ? un authentique nectar aux parfums équitablement étranges et familiers. On croirait par endroits Sigur Rós interprétant le best-of de Claudine Longet ou Astrud Gilberto. Ailleurs, sur Blue Skies, on pense entendre Beth Gibbons, prisonnière endolorie de langoureux frimas.
D’instrumentaux élégiaques, habités par une jungle de fantômes de sucre et de glace, jusqu’aux folk-songs dénudées qui saisissent le poil avant qu’il ne se rétracte, cet album est un enchantement pur et simple, surtout pur. Cette pureté quasi militante, agaçante chez tant d’autres, parvient à travers la bulle qu’ils se sont inventée à laisser filtrer des sentiments nullement préfabriqués.
{"type":"Banniere-Basse"}