Pop ouvragée, rock lyrique, bastringue punk, électro-folk ou chanson baroque : autant de genres obliques que le label indie grec traverse comme une odyssée au long cours.
Au nord de la péninsule du Péloponnèse, la ville de Patras abrite l’un des plus excitants foyers de la musique pop mondiale. Pour avoir récemment succombé aux sirènes du Half A Century Sun de The Man From Managra, on avait très envie de s’intéresser de plus près au label qui l’héberge : Inner Ear Records. Active depuis 2007, la structure s’est prise dans ses jeunes années de plein fouet la crise qui a ébranlé l’économie grecque.
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« Notre seule arme est la créativité. Les gens ont plus que jamais besoin d’art et de divertissement »
« Dieu merci cette crise n’a retiré aux artistes ni créativité ni productivité » répond d’une seule voix l’équipe soudée d’Inner Ear. Sous la houlette du fondateur Periklis Pilavas, ancien disquaire de Patras, quatre fidèles occupent les différents postes allant de l’artistique au marketing. Mais tous confirment que « chacun fait un peu de tout ». Une façon de faire bloc bien utile en pleine tempête : « essayer de ne pas s’effondrer quand tout s’écroule est une forme de résistance. Notre seule arme est la créativité. Les gens ont plus que jamais besoin d’art et de divertissement, et c’est gratifiant de jouer un rôle ici. Nous ne sommes pas romantiques au point de penser que la musique va sauver l’humanité, mais suffisamment optimistes pour croire que ça peut l’aider. »
Avec ce mix de passion et de réalisme, le label parvient à mener sa barque : « on ne peut pas se permettre de superproductions, mais on fait un tri énorme avec un seul critère : adorer ce qu’on va signer ». Inner Ear arrive à tirer parti d’une situation difficile où « les gros labels restent focalisés sur la musique commerciale chantée en grec – le plus souvent sans sens esthétique ni originalité – quand les rares labels indé locaux s’apparentent de plus en plus à une espèce menacée. Nous comblons malgré tout un vide en signant certains des groupes grecs les plus intéressants du moment. » Affirmation bravache, mais vérifiable par une simple plongée dans la rubrique catalogue du site du label.
Des entrelacs post-Radiohead de Ku ou LogOut au génial piano-punk pour cabaret interlope de Mary And The Boy, la palette impressionne par sa variété. Mais aussi par sa cohérence, qui prend racine dans les années 90 : « une grande part de ce qui m’a amené à travailler dans la musique vient de labels indé grecs des 90s qui n’existent plus », explique Periklis. Dimitris (responsable de la promo locale) surenchérit : « s’il y a un groupe dont l’œuvre m’a transformé, c’est bien Sonic Youth… nous sommes des enfants des 90s ». Entre l’adorateur de Pearl Jam (Stratos, promo internationale) et la fan des Smiths (Maria, responsable numérique), la petite équipe se montre fière d’une aventure qui fête sa première décennie. « Jamais nous n’aurions pensé aller aussi loin, » expliquent-ils, « mais dix ans, ce n’est pas un symbole, juste un joli nombre. Nous avons lancé le projet A Distant Victory Singles Club : douze singles inédits que nous sortons mensuellement en édition vinyle limitée, par souscription. Il y aura des événements sur lesquels nous ne pouvons encore rien révéler, pour ménager la surprise… »
La plupart chante en anglais, une poignée ose la difficile langue grecque.
En attendant, on continue de fouiller une histoire déjà riche, depuis sa première signature, le beau 2 d’Abbie Gale (« Ce disque m’a amené ici : je n’arrivais pas à croire qu’un groupe local sur un label local pouvait être aussi bon – je devais en être ! », s’emballe Christos, responsable des ventes), jusqu’au rock psyché de A Victim of Society dont le Freaktown sort fin avril. On rêve sur les plages élégiaques d’Electric Litany et sur les nappes viciées de Gioumourtzina tout en tombant sous le charme de Daphne & The Fuzz. Il reste beaucoup à dénicher derrière les noms qui s’exportent le mieux, Baby Guru, Σtella et Tango With Lions bénéficiant d’une belle audience internationale. La plupart chante en anglais, une poignée ose la difficile -selon les standards pop- langue grecque. D’autres alternent comme The Boy, responsable de quelques-unes des plus incroyables chansons du catalogue.
« Inner Ear est un havre fantastique pour la scène grecque et Periklis Pilavas compte énormément pour nous tous. Il arrive parfois qu’on se plaigne ou qu’on peste sur le label, mais la vérité c’est que ce type est un authentique héros« , affirme sans hésiter l’artiste Jef Maarawi alias Egg Hell qui prépare son deuxième album. En s’attaquant aux dix bougies du label, on ne va pas laisser quelques contingences bassement économiques souffler cette belle flamme.
Un immense merci à toute l’équipe chez Inner Ear Records : Periklis Pilavas, Maria Paroussi, Dimitris Bouras, Stratos Psilos, Christos Sotiropoulos.
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