Seul au piano, le poète anthracite livre une performance d’une beauté nue. Et bouleversante.
“Il ne faut pas faire trop de bruit, juste frémir, ne rien électrifier. (…) Plus de preacher à l’index accusateur ni même de crooner déclamant, place à la douceur et à la confidence.” Ce sont les mots d’Arthur-Louis Cingualte dans son brillant essai sur Nick Cave (L’Evangile selon Nick Cave, Les Editions de L’Eclisse, 2020). L’historien de l’art, fin connaisseur de l’œuvre, évoque alors le tournant qu’a parachevé The Boatman’s Call (1997) dans la carrière du songwriter australien.
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Ce moment où la colère diluvienne s’évapore derrière les touches du piano. Or, ce disque live – au sens le moins orthodoxe du terme – a pour titre Idiot Prayer, justement l’une des sublimes ballades de ce joyau noir. Elle ouvre ici la vingtaine de chants graves et pourtant aériens d’un long moment d’intimité, après une introduction parlée reprenant une autre prière, Spinning Song, qui inaugurait la foudroyante splendeur de l’endeuillé Ghosteen (2019).
Des mélodies déployées dans l’épure
The Boatman’s Call et Ghosteen formeront donc la double matrice de ce récital donné dans la vaste solitude de l’Alexandra Palace. L’écho offert par la salle londonienne déserte laisse entrer le son du souffle, la résonance d’un pied qui frappe le sol et, surtout, laisse s’étendre autant la tessiture incomparable de Nick Cave que le frisson dans et entre les notes du piano. Une acoustique qui capte cette dimension essentielle de l’esthétique des Bad Seeds dernière période : celle d’une intimité grandiose.
Les textes, leur interprétation, les mélodies qui se déploient dans l’épure, tout concourt à un recueillement aux effets expansifs – à l’intérieur de l’âme se terre l’infini de l’univers. Sans les volutes atmosphériques de Warren Ellis, les titres de Ghosteen muent, mais conservent leur puissance élégiaque, cette vibration à la fois cotonneuse et fébrile que l’on retrouve aussi sur le très bel inédit Euthanasia, issu de l’écriture de Skeleton Tree (2016).
Mais ce sont aussi les plus diverses périodes de la discographie de Nick Cave (le lustre des Palaces of Montezuma succède à un Brompton Oratory inoubliable) qui se retrouvent dénudées. Pour que trouvent à s’épanouir sans fard leurs lignes poétiques, qui les transportent, et nous avec, là où la lumière recueille les confidences de l’ombre.
Idiot Prayer: Nick Cave Alone at Alexandra Palace AWAL/Kobalt
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